Léon Jost, un illustre ancien combattant fusillé par les Allemands le 22 octobre 1941

Le 20 octobre 1941, un groupe de résistants attaque mortellement le feldkommandant Karl Hotz à Nantes. L’affaire fait grand bruit dans la presse nationale et, en représailles, les Allemands décident d’exécuter 48 otages parmi lesquels on retrouve notamment Jean Poulmarc’h et Guy Môquet, deux figures emblématiques qui sont, à la fin de la guerre, érigées en véritables symboles de la lutte contre l’Occupant par le Parti communiste français. Mais à bien des égards, l’histoire des fusillés de Châteaubriant éclipse celle des autres otages exécutés le même jour à Paris et à Nantes. Parmi ces derniers, on retrouve une figure illustre de la vie associative nantaise de l’entre-deux-guerres : Léon Jost.

Carte postale. Collection particuière.

Léon Jost naît le 14 novembre 1884 à Nantes, en Loire-Inférieure. Comme son père, fondé de pouvoir de la Biscuiterie Lefèvre-Utile, il rejoint après ses études la célèbre entreprise nantaise. En tant que « chef de fabrique », il obtient d’ailleurs un sursis d’appel de 60 jours lors de la mobilisation en août 19141. Il rejoint finalement le front en mars 1915 avec le 65e régiment d’infanterie. Mais son expérience combattante est de courte durée. Elle prend fin le 8 juin 1915 à Hébuterne, la faute à un éclat d’obus qui entraîne une amputation au-dessus du genou gauche.

Après une longue période de convalescence, il rentre à Nantes et épouse Yvonne, le 4 juin 1917, avec qui il aura deux enfants. En parallèle de son activité chez LU, il prend une place croissante dans la vie associative nantaise d’après-guerre, principalement auprès des anciens combattants et de leurs familles. Il cumule – parfois simultanément – les fonctions suivantes : vice-président général de l’Union nationale des mutilés et réformés ; président du groupe départemental de l’Union nationale des mutilés et réformés ; président du Comité d’entente des associations de combattants et victimes de guerre de la Loire-Inférieure ; vice-président de la Fédération des associations d’anciens combattants et d’anciens militaires de la Loire-Inférieure ; président pour l’ Œuvre de l’orphelinat des armées pour les fillettes des anciens combattants ; président de l’Œuvre des colonies de vacances des Onchères pour les fils d’anciens combattants ; président de l’Aide mutuelle des mutilés de la Loire-Inférieure… Cet investissement exemplaire lui vaut l’honneur d’être élevé au rang d’officier de la Légion d’Honneur en 1937, puis de commandeur en 19392. L’Ouest-Eclair ne tarit pas d’éloges sur l’homme :   

« Dans cet avancement qui l'approche des plus hautes dignités dans l'Ordre de la Légion d'Honneur, il y a la récompense d'une activité féconde, joyeuse, désintéressée et inlassable. Rien qu'à parcourir la liste des fonctions dont il la lourde charge, on se demande comment M. Jost peut suffire à la tâche. »3

Au début de l’Occupation il n’est donc pas surprenant de le voir s’investir dans l’action philanthropique auprès des prisonniers de guerre français détenus dans les frontstalags et non encore transférés en Allemagne. Il devient donc, le 28 juillet, président du Comité départemental d’aide aux prisonniers. Si, officiellement, l’œuvre souhaite apporter secours et nourriture aux prisonniers, le comité n’est en réalité que la façade visible du réseau Georges-France. Secrètement, cette organisation facilite l’évasion de près de 2 300 prisonniers qui sont ensuite exfiltrés vers la zone non occupée et, surtout, vers le Royaume-Uni. Mais l’expérience prend fin subitement en janvier 1941 lorsque Léon Jost et ses complices sont démasqués. Il est finalement condamné, en juillet 1941, à trois ans d’emprisonnement.

Avis annonçant des représailles après l'assassinat du feldkommandant Hotz. Arch. Mun. Nantes, 6 Fi 6954

Le destin de Léon Jost bascule de nouveau le 20 octobre 1941 suite à la mort de Karl Hotz. Son nom est en effet intégré à la liste des 50 otages condamnés à mort en représailles à cette action d’éclat. Les choses s’accélèrent ensuite très rapidement puisqu’il est exécuté le 22 octobre au terrain militaire du Bêle à Nantes, en compagnie de 15 autres otages. Honoré dans L’Ouest-Eclair quatre années plus tôt, sa mort ne semble pas susciter d’émotion particulière dans la presse, l’évocation de son exécution se limitant à cette simple mention : « 35. Jost, Léon-Louis, action en faveur de l’ennemi »4. Au sortir de la guerre, Léon Jost reçoit un hommage à la hauteur de son engagement. Il obtient le grade de lieutenant des Forces françaises de l’intérieur. Deux rues prennent également son nom à Nantes et à Paris. Quant aux souvenirs qu’il rédige en prison entre mai et juillet 1941, ils sont finalement été édités en 19915.

Yves-Marie EVANNO

 

1 Archives départementales de Loire-Atlantique, 1 R 1159, bureau de Nantes, classe 1904, matricule n° 1681.

2 Archives nationales, base Léonor, dossier n° 19800035/0109/13743, renseignements à l’appui d’une proposition de nomination dans l’ordre national de la Légion d’Honneur, 2 janvier 1937.

3 « La rosette de M. Léon Jost », L’Ouest-Eclair, 1er février 1937, p. 4.

4 « Avis », L’Ouest-Eclair, 23 octobre 1940, p. 2.

5 JOST, Léon, Un dernier tour en ville. Un Nantais de la Belle Époque aux cinquante otages, Thonon-les-Bains, L’Albaron, 1991.