Morts sur la ligne Siegfried

On ira pendre notre linge sur la ligne Siegfried. L’air est bien connu. Traduit rapidement de l’anglais, il est interprété en français par Ray Ventura et s’inscrit comme l’hymne des soldats de la Drôle de guerre. En effet, la ligne Siegfried, à la frontière franco-allemande, constitue rapidement une préoccupation de l’état-major.

Moins connue que la ligne Maginot, dont elle est le pendant allemand, la ligne Siegfried est le mur de l’ouest – Westwall – construit à la fin des années 1930 afin de protéger le Reich d’une éventuelle percée française. Deux remarques doivent d’ailleurs être formulées à ce propos. Tout d’abord, si on sait qu’en 1940 cette ceinture de fortification n’est pas sollicitée, tel n’est pas le cas en 1944 où elle se trouve sur la route des Alliés. Ensuite, on remarquera qu’une telle installation, par nature défensive, invite à grandement nuancer l’importance de la blitzkrieg dans la pensée stratégique nazie en 1940…1

Exemple de propagande allemande à propos de la ligne Siegfried. Collection particulière.

De même, les Français ne sont pas autant retranchés derrière leurs fortifications de la ligne Maginot que l’on veut bien souvent le dire. De nombreux raids de reconnaissance, des coups de main pour reprendre le vocabulaire de la  Première Guerre mondiale, sont ainsi menés dès les premiers jours du mois de septembre. Le presse retranscrit avec enthousiasme les communiqués officiels, rédigés dans un optimisme de circonstance. C’est avec une fausse modestie qu’il déclare, par exemple, le 12 septembre : « Malgré l’importance des résultats acquis, il ne s’agit là cependant que d’opérations de détail, caractérisés, il est vrai, par une progression très nette sur un large front »2. Ainsi, tout au long du mois, les populations de l’arrière peuvent suivre avec intérêts les aventures victorieuses des braves soldats français.

Trois régiments bretons, appartenant à la 21e division d’infanterie, sont engagés dans ces opérations : le 48e d’infanterie de Guingamp, le 65ede Nantes et le 137e de Quimper. C’est au cours de l’une d’entre-elle que les trois premiers Morbihannais meurent au combat : Ludovic Castel de Pluneret, Jean Le Romancer de Guidel et Tugdual Le Gleuher d’Arradon. Le 8 septembre 1939, les trois hommes du 65e d’infanterie perdent la vie en pensant entrer dans une grange abandonnée, mais en réalité minée par les Allemands.

Comme eux, trente autres fantassins du département trouvent la mort dans le courant du mois de septembre 19393. Pourtant la presse se fait peu l’écho de cette mortalité, certes moins importante que lors de l’entrée en guerre de 1914, mais néanmoins non négligeable. L’objectif est résolument double, il ne faut pas renseigner l’ennemi sur les pertes de l’armée, et il ne faut pas atteindre le moral de la population.

A la une de L'Ouest-Eclair du 1er février 1940: des nouvelles rassurantes... Collection particulière.

Les mois qui suivent sont, proportionnellement, moins meurtriers pour les soldats. En revanche, ils le sont significativement plus sur les mers où sévissent les sous-marins allemands. Ces chiffres nous rappellent, s’il le fallait, que la guerre qui se joue de septembre 1939 au 10 mai 1940 n’a rien de drôle. 

Yves-Marie EVANNO

 

 

1 Sur cette question on pourra se rapporter au désormais ancien mais toujours stimulant FRIESERS, Karl-Heinz, Le mythe de la guerre éclair. La campagne de l’ouest de 1940, Paris, Belin, 2003.

2 « L’avance de nos troupes vers Serrebruck », Le Nouvelliste du Morbihan, 13 novembre1939, 53e année, n°261, p.4.

3 LEROUX, Roger, Le Morbihan en guerre 1939-1945, Mayenne, Joseph Floch Editeur, 1978, p. 9.