Passer le bachot en 1944

« Passe ton bac d’abord ! », quel adolescent épris de liberté n’a pas entendu ses parents lui chanter cette antienne ? Mais était-ce aussi simple en 1944, en pleine occupation nazie ? Un petit billet intitulé « Bachot 44 », publié à la une de l’édition du 27 avril 1944 d’Ouest-Eclair, nous permet de saisir, 70 ans plus tard, dans quel contexte les lycéens d’alors s’apprêtent à tenter de décrocher le précieux sésame.

Carte postale. Collection particulière.

Il nous faut dire au préalable que le baccalauréat, ou le « bachot » selon son petit nom désormais désuet, est une vraie « passion française ». Si la dénomination du diplôme existe depuis le XIIIe siècle, il faut attendre le XIXe siècle pour voir le baccalauréat prendre de l’importance à la suite des réformes napoléoniennes. Même si, dans le premier tiers du XXe siècle, on ne dénombre pas plus de 10.000 bacheliers. C’est Jean Zay, alors ministre de l’Education nationale du Front populaire qui offre une première « massification » dans l’accès au diplôme, en rendant le lycée accessible à tous, comme un terme de l’enseignement secondaire. En 1944, ce sont ainsi près de 30.000 jeunes Français.es qui décrochent le diplôme. Malgré tout, il faut attendre les années 1960-1970 pour voir opérer la véritable « massification » du bac et l’apparition des filières technologiques et professionnelles. C’est ainsi qu’en 2014 presque 700.000 candidats se sont présentés aux épreuves du mois de juin.

Si l’on en revient à l’édition 1944 du « bachot », les épreuves semblent devoir être particulièrement perturbées, puisque « les heureux candidats ne connaîtront cette année ni examinateurs (pas d’oral), ni de maths pour les nuls en maths, ni d’histoire pour ceux qui sont brouillés avec les dates et les traités, ni de gymnastique pour les empêtrés ». Gageons que cet « allégement » du programme tienne plus des conditions particulières dans lesquelles il doit se dérouler que d’une volonté gouvernementale de rendre plus facile son obtention.

Photo de classe, année scolaire 1943-1944. Collection particulière.

Mais cela n’empêche pas les « barbons jaloux des lardons » de critiquer cette baisse du  niveau d’exigence, en murmurant que « c’était autre chose à la belle époque ». Des insinuations malveillantes qui ne datent pas d’aujourd’hui donc… L’auteur du billet défend avec force cette génération de lycéens de la guerre : « si vous croyez que c’est drôle de suivre des cours entre deux alertes, ou de potasser Iphigénie quand on est soi-même en Aulide sans profs, sans pions et sans tabacs ! » Et de renvoyer la balle à l’envoyeur : « les heureux candidats, c’étaient nos pères, mêmes recalés. » D’autant plus qu’en cette fin avril 1944, personne n’imagine que les lycéens plancheront sur leurs épreuves, et qu'au même moment les alliés débarqueront en Normandie

Thomas PERRONO