Un homme de justice au service de la Résistance : Maurice, l'autre Marchais

Quiconque visite Vannes se doit de passer devant la magnifique place de l’hôtel de ville : la place Maurice Marchais. En lui attribuant la dénomination d'une voie aussi symbolique dans le cœur de la ville, Vannes honore à sa juste mesure l’un de ces plus illustres maires, héros de la Résistance morbihannaise.

Gütersloh, petite ville allemande de Westphalie où Maurice Marchais passe la quasi intégralité de sa captivité durant la Grande Guerre.

Maurice Marchais naît le 3 mai 1878 à Vannes. Elève brillant, il obtient un doctorat en droit puis devient avocat. A l’âge de 30 ans, en 1908, il se tourne vers une carrière politique. Il est élu conseiller municipal et conseiller général la même année. En 1914, sa carrière est interrompue par la guerre puisqu’il rejoint le front, à partir du 15 août, avec le 85e régiment d’infanterie territorial. Son expérience du combat est courte puisqu’il est fait prisonnier à peine trois semaines plus tard, le 7 septembre, à Maubeuge1. Il passe alors la quasi-intégralité de la guerre en captivité à Gütersloh, au nord-est de Dortmund (Allemagne), avant d’être évacué à Interlaken, en Suisse, le 18 juillet 1918. Pendant ces longs mois, il entretient une longue correspondance avec sa femme qui, à plus d’un titre, retient l’attention de l’historien. En effet, si ces lettres évoquent des choses en apparence banales, il parvient en réalité à dissimuler des réflexions bien plus personnelles – et politiques – à l’aide d’un crayon sans encre2. Ainsi, dans une lettre datée du 25 mars 1916, il évoque son sentiment sur Verdun :

« Un échec devant Verdun produira ici grosse déception. Une action d’ensemble des alliés au printemps doit réussir. Espoir – Mais ne croyez pas à l’usure seule ! »3

A la fin de l’année 1918, il rentre enfin à Vannes et reprend immédiatement le combat politique. Il est élu pour la première fois à la députation aux élections législatives de 1919, celles dont on sait qu’elles accouchent d’une chambre bleue-horizon. Réélu en 1924, il échoue cependant en 1928 lorsque le scrutin d'arrondissement est rétabli. Dans la circonscription très conservatrice de Vannes, et face à la popularité du nouveau député, l'abbé Jean-Marie Desgranges, Maurice Marchais, radical de gauche, décide de ne plus se présenter à ce scrutin. Il se consacre désormais à la ville de Vannes dont il devient le maire en 1935. L’année suivante, il soutient timidement le candidat du Front populaire, Julien Le Pan4.

A la fin de l’année 1940, peu de temps après l’entrevue de Montoire entre Philippe Pétain et Adolf Hitler, Maurice Marchais est dénoncé pour avoir tenu des propos injurieux à l’égard du chef de l’Etat français, estimant que ce dernier

« était beaucoup trop vieux, que c’était une vieille ganache, un vieux gâteux qui aurait mieux fait de rester tranquille et qui n’était nullement qualifié pour redresser le pays. »5

Il aurait ensuite ajouté que la collaboration « était un marché conclu depuis longtemps avec ceux qui voulaient trahir le pays ». Si l’enquête ne parvient pas à démontrer la véracité d’une telle accusation, le maire est malgré tout révoqué au début de l’année 19416. Il est alors remplacé par l’un de ses proches, l’architecte Edmond Germain. Déchargé de toute responsabilité politique, Maurice Marchais continue de plaider comme avocat. Parallèlement, il mène une action déterminante dans l’organisation de la Résistance morbihannaise. Au début de l’année 1943, il est ainsi chargé par le colonel de Carville de recruter des personnalités fiables et capables d'organiser le mouvement Libération-Nord dans le département. Il entre alors en contact avec un certain nombre de personnalités locales dont l’instituteur Joseph Rollo.

A Vannes, la place Maurice Marchais. Carte postale, collection particulière.

Maurice Marchais jette également les bases du Comité départemental de Libération du Morbihan (CDL) en janvier 19447. Il refuse toutefois d’en prendre la charge afin de se consacrer à la direction de Libération-Nord. C’est l’un de ses amis, Prosper Chubert, qui prend officiellement la tête du CDL le 7 février 1944. Onze jours plus tard, le 18 février, un coup de filet allemand permet d’arrêter Prosper Chubert et Maurice Marchais. Ce dernier reste emprisonné jusqu’à la libération de Vannes, le 3 août 1944. Conformément à la promesse qu’il lui avait faîte en 1941, Edmond Germain va lui-même chercher l’ancien maire pour que ce dernier hisse symboliquement le drapeau français devant la mairie le 4 août8. Maurice Marchais est alors acclamé par la foule qui voit en lui l’un des héros de la Résistance. Il est donc tout naturellement nommé maire de Vannes par le CDL mais, fatigué, il décède quelques mois plus tard, le 4 janvier 1945. Il est alors déclaré « mort pour la France ».

Yves-Marie EVANNO

 

 

 

1 Archives départementales du Morbihan, R 1904, bureau de Vannes, matricule n°297, 1898.

2 Une partie de cette correspondance est conservées aux Archives départementales du Morbihan sous la cote 1 J 467.

3 Archives départementales du Morbihan, 1 J 467/1, lettre de Maurice Marchais à sa femme, 25 mars 1916.

4 Sur ce point on se permettra de renvoyer à EVANNO, Yves-Marie, « Le Morbihan contre le Front populaire ? », in LE GALL, Erwan et PRIGENT, François (dir.), C'était 1936. Le Front populaire vu de Bretagne, Rennes, Editions Goater, 2016, p. 89.

5 Archives départementales du Morbihan, 2 W 15742, le préfet du Morbihan au DGTO, 4 janvier 1941.

6 RIVIERE, Christophe, « Les maires du Morbihan (1929-1959) », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 113-2, 2006, p. 156

7 Roger Leroux précise que « le CDL apparaît comme une création de Marchais et sa composition correspond à peu près à la répartition des forces politiques d’avant-guerre (modifiée au bénéfice du centre-gauche) mais pas du tout à celles des organisations de résistance qui existent dans le département ». LEROUX, Roger, Le Morbihan en guerre (1939-1945), Mayenne, Joseph Floch Editeur, 1978, p. 407.

8 Ibid., p. 533.