Le Proche et le Moyen-Orient depuis la fin de la Guerre froide

La chute du mur de Berlin puis l’effondrement du bloc soviétique changent considérablement la donne au Proche-Orient, même si y subsistent une pauvreté endémique et des inégalités toujours croissantes. Pourtant, la crise Syrienne rappelle au milieu des années 2010 que Moscou n’a pas perdu toute ambition dans la région. Le retour en force des Etats-Unis au cours des années 1990 apparait non seulement provisoire, l’administration Obama choisissant de se recentrer sur l’Asie, mais comme le prélude d’une longue période d’incertitudes, entre cristallisation du conflit israélo-palestinien et reconfiguration territoriale sous emprise islamiste.

Avions de chasse lors de la guerre du Golfe, en 1991. Wikicommons.

Le retour en force des États-Unis

L’effondrement de l’Union soviétique provoque un vide géopolitique au niveau national que les Etats-Unis, demeurés seule superpuissance, comblent aisément. 

Desert Storm

En Août 1990, l’Irak de Saddam Hussein asphyxié financièrement par la guerre de 8 ans contre l’Iran attaque le Koweït. Le président G.H. Bush obtient le soutien de l’ONU et de tous ses alliés (occidentaux et arabes) et lance l’opération « Tempête du désert » qui libère l’émirat en Février 1991. En revanche, il laisse repartir l’armée irakienne qui écrase sauvagement la révolte des Kurdes et des Chiites.

Le 14 juilet 1991, le président François Mitterrand répond à plusieurs questions sur la position de la France dans la guerre du Golfe.

 

L’hyperpuissance

Les États-Unis deviennent le gendarme de la région car la Russie, qui est l’héritière de l’URSS, est très affaiblie par le passage au capitalisme. Washington installe de nombreuses bases militaires dans la région et dans une optique de stabilité soutient quasiment tous les régimes autoritaires de la région (à l’exception de l’Iran et de la Lybie notamment).

A cette époque, l’hyperpuissance américaine est incontestable et paraît même incontestée. L’attaque à Aden le 12 octobre 2000 de l’USS Cole – du nom d’un marine tué lors de l’attaque d’Iwo Jima pendant la Seconde Guerre mondiale – par un navire piégé, opération fomentée par la nébuleuse Al-Quaida, parait alors bien anecdotique.

L’USS Cole transporté par le Blue Marlin, après l'attaque dont il a été l'objet.

 

Du conflit israélo-arabe au conflit israélo-palestinien

Le début des années 1990 et la perspective de fin de l’histoire, en référence au célèbre ouvrage de Francis Fukuyama, conduisent l’administration américaine à assurer un rôle de gendarme planétaire et à s’immiscer dans le règlement du conflit israélo-palestinien.

Vers le chemin de la paix

Après le départ de l’OLP du Liban, le flambeau est repris par les Palestiniens des territoires occupés. En 1987, les jeunes se révoltent et attaquent à coup de pierres l’armée israélienne. Cette intifada et sa répression filmées par les caméras du monde entier isolent l’État israélien. Pour mettre fin aux violences, le Premier ministre israélien Rabin négocie avec Arafat. Les Accords d’Oslo signés en 1993 mettent fin à l’intifada, créent une « autorité palestinienne » et Arafat rentre dans les territoires occupés. La Jordanie signe la paix avec Israël.

Radicalisations et statu quo

Mais le processus d’Oslo suscite de nombreuses méfiances réciproques.

Extrait du journal télévisé de France 2, 25 février 1996.

Rabin est assassiné en 1995 par un extrémiste juif. Du côté arabe, le Hamas palestinien (islamiste) refuse de cesser ses attentats. En 2000, une seconde intifada éclate et cette fois, elle est brisée par les Israéliens.

Arafat meurt en 2004. Il est remplacé par Mahmoud Abbas qui fait cesser les violences mais qui ne peut pas reprendre les négociations de paix car Israël continue sa politique de colonisation. Le processus de paix reste donc gelé.

La direction palestinienne se divise en 2007 car le Fatah (de Mahmoud Abbas) est chassé de Gaza par les troupes du Hamas. La bande de Gaza est alors soumise à un sévère blocus de la part d’Israël et de l’Égypte pour renverser le Hamas. Ce dernier réplique en creusant des tunnels et en tirant des roquettes artisanales sur les villes du sud d’Israël. A deux reprises, en 2008 et en 2014, l’armée israélienne attaque l’enclave de Gaza. Ces attaques sont contre-productives car le Hamas n’est pas détruit ; en revanche, des centaines de civils sans défense sont à chaque fois tués et des milliers de maisons sont détruites ce qui se révèle assez contre-productif du point de vue de l’image d’Israël. En raison de la poursuite de la colonisation, la création d’un Etat palestinien devient chaque jour un peu plus improbable. Certaines voix affirment que l’on s’achemine lentement vers la création d’un État binational...

 

Terrorisme et recompositions frontalières

Longtemps considéré comme réactionnaire et nocif, le choc des civilisations de Samuel Huntington – le grand rival de Francis Fukuyama dans le paysage intellectuel mondial de la fin des années 1990 – se révèle pourtant tristement prémonitoire.

Une entrée dans le XXIe siècle ?

En 2001, les États-Unis sont frappés par les attentats du 11 Septembre : le World Trade Center et le Pentagone sont victimes d’avions suicides. Le choc est mondial, immédiat, et l’on découvre alors la figure d’Oussama Ben Laden.

Dans le mémorial du 11 septembre 2001 à New-York, un des piliers porteurs du World Trade Center, vestige de ce que fut l’une des deux tours. Cliché E. Le Gall.

Le président G.W. Bush déclare la « guerre au terrorisme » et il attaque l’Afghanistan, aux mains des Talibans, avec ses alliés. En 2003, sans l’accord de l’ONU et malgré l’opposition de certains alliés (comme la France et l’Allemagne), les États-Unis attaquent l’Irak accusée de posséder des « armes de destruction massive ». Ces deux guerres sont ruineuses pour l’image des États-Unis et se soldent par des succès très relatifs qui montrent bien les limites de leur puissance.

La recomposition des frontières nées de la Grande Guerre ?

Surtout ces opérations militaires contribuent à profondément déstabiliser l’équilibre précaire de cette région. L’Irak notamment devient un véritable bourbier dont de vastes portions de territoires sont contrôlées par les Islamistes. La liquidation d’Oussama Ben Laden (le 2 mai 2011) ne change rien à l’affaire et la spirale islamiste continue de se développer. Les printemps arabes à partir de 2010 constituent de la sorte une efficace fenêtre d’opportunité et les religieux ne tardent pas à gagner en influence dans un certain nombre de pays comme la Tunisie ou l’Egypte.

L’opération française en Lybie, par certains égards comparable à ce qui s’est passé en Irak, contribue à créer au sud de la Méditerranée un gigantesque vide dans lequel s’engouffre l’Etat Islamique. Sa volonté de créer un califat, notamment en Syrie où l’organisation se pare de tous les attributs régaliens (pouvoir législatif basé sur la Charia, émission de monnaie…), interpelle en ce que ce projet semble faire fi des frontières héritées de la Grande Guerre. C’est ainsi de part et d’autre de la frontière syro-irakienne qu’évoluent ces fondamentalistes.

Chronologie indicative

2 août 1990 : Les troupes irakiennes envahissent l'émirat du Koweït.

3 octobre 1990 : Réunification de l’Allemagne.

17 janvier 1991 : Début de la Guerre du Golfe.

13 septembre 1993 : Signature d’un accord de paix israélo-palestinien à Washington.

4 novembre 1995 : Assassinat du premier ministre israélien Yitzhak Rabine.

20 janvier 1996 : Élection de Yasser Arafat à la présidence de l'Autorité palestinienne.

14 septembre 1998 : Création du Groupe salafiste pour la Prédication et le Combat en Algérie.

12 octobre 2000 : Attaque contre l’USS Cole.

11 septembre 2001 : Attentats aux Etats-Unis. Le président Jacques Chirac quitte précipitamment Rennes pour gagner l’Elysée et s’informer de la situation.

20 septembre 2002 : Dévoilement de la doctrine Bush de « guerre contre le terrorisme ».

20 mars 2003 : Début de l'intervention armée américano-britannique en Irak. Bagdad tombe le 9 avril.

11 mars 2004 : Attentats terroristes à Madrid.

30 décembre 2006 : Exécution de Saddam Hussein.

22 juillet 2007 : Élection en Turquie du Parti justice et développement de Recep Tayyip Erdogan

3 janvier 2009 : Intervention militaire israélienne dans la bande de Gaza.
      17 décembre 2010 : Début en Tunisie de ce qui sera appelé par la suite le Printemps arabe.

20 octobre 2011 : Mort du colonel Kadhafi.

24 juin 2012 : Annonce de l'élection de Mohamed Morsi à la présidence de l'Égypte.

3 juillet 2013 : Renversement du président Morsi en Egypte.

29 juin 2014 : Proclamation d’un califat par l’Etat islamique en Irak et au Levant.

Janvier 2015 : Chute importante du prix du baril de pétrole.

7 janvier 2015 : Tuerie de Charlie Hebdo en France.

12 novembre 2015 : Attentats terroristes à Beyrouth : 43 morts et 200 blessés.

13 novembre 2015 : Série d’attentats en France, et notamment au Bataclan : 130 morts, 300 blessés.

16 juillet 2016 : Tentative de coup d’Etat en Turquie.