La Bataille de Sambre-et-Meuse, août 1914. Regards allemands, belges et français sur les armées, les lieux de mémoire et les représentations

 

Le cabinet d'ingénierie mémorielle et culturelle En Envor s'engage sur le plan international dans le cadre du centenaire de la Première Guerre mondiale en organisant en partenariat avec l'association à but non lucratif Centenaire 14-18 en Val de Sambre et l'université de Namur un grand colloque sur la bataille de Charleroi, en Belgique. Un événement majeur qui concerne grandement la Bretagne, tant du point de vue de son histoire lors du premier conflit mondial, que de sa mémoire.

Par Erwan LE GALL et Axel TIXHON

 

 

En l’espace d’un siècle, l’historiographie de la Première Guerre mondiale connait de nombreuses évolutions, passant d’une démarche visant à établir les faits et à démontrer les responsabilités des belligérants à une entreprise de compréhension globale de ce conflit1. A partir des années 1970, l’apport déterminant d’une histoire sociale puis culturelle permet aux chercheurs d’investir de nouveaux territoires, qu’il s’agisse de l’arrière, des entrées et sorties de guerre, de la mémoire ou encore des anciens combattants2… En définitive, tout se passe comme si, motivée par une demande sociale de plus en plus forte, la recherche redécouvrait la Grande Guerre – à défaut de la « retrouver »3 – au fur et à mesure que disparaissaient les derniers combattants4.

Mais cette « soif de 1914 » est loin de se circonscrire aux seuls amphithéâtres des universités européennes.

In Flanders Fields Museum à Ypres (Belgique) : une grande structure muséographique au succès jamais démenti. Wikicommons.

Il est en effet incontestable que la Première Guerre mondiale relève de ce que N. Offenstadt5 appelle une « histoire à soi », c’est-à-dire qu’elle est une pratique culturelle de masse ou le « devoir de mémoire » ne se remplit plus par le biais du seul monument aux morts, mais par le truchement d’autres médias tels que le roman, bien entendu, mais également le cinéma ou encore la bande-dessinée. Le succès de certaines de ces œuvres – Cheval de guerre de S. Spielberg est le dernier blockbuster en date produit par les studios hollywoodiens – témoigne incontestablement d’une vraie demande sociale en la matière. Les pouvoirs publics ne s’y trompent d’ailleurs pas puisque des structures telles que le tout récent Musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux ou le rénové In Flanders Fields Museum d’Ypres ont aussi vocation à capter la manne financière générée par le tourisme du souvenir.

Ces nouveaux vecteurs de mémoire placent tous au centre de leur démarche artistique et/ou pédagogique la violence de celle qui devait être la Der des Ders. C’était la guerre des tranchées de J. Tardi est à cet égard un album remarquable, puisque dans cet hommage d’un petit-fils à son grand-père ancien combattant de 1914 il n’y a, au final et selon les mots mêmes de l’auteur, « qu’un gigantesque et anonyme cri d’agonie »6. La nouvelle scénographie d’In Flanders Fields Museum est quant à elle « centrée sur l’expérience humaine et s’intéresse particulièrement au paysage contemporain comme un des derniers témoins tangibles de l’histoire de la guerre »7, ce qui, compte tenu des lieux qui abritent l’institution – la halle aux draps d’Ypres – invite nécessairement à une réflexion sur la violence du conflit. Au cinéma, un film tel qu’Un long dimanche de fiançailles – œuvre tirée du roman éponyme – comporte des scènes de combat multipliant les effets de réel et d’une violence telles qu’elles ne peuvent qu’interpeller le spectateur.

 

Une histoire renouvelée

Or, force est de constater que l’histoire scientifique de la Grande de Guerre ne va pas à rebours de cette « soif » que manifeste le grand public. Bien au contraire même puisqu’au cœur de ce terrain d’investigation se situe la question de la violence, point nodal de nombreuses et virulentes querelles historiographiques en France (entre partisans de la « contrainte » et du « consentement »), mais aussi en Grande-Bretagne (les « learning-curves ») et dans une moindre mesure en Allemagne (on pense bien sûr à la « querelle des historiens » et au rôle accordé à la Première Guerre mondiale dans la genèse de la destruction des Juifs d’Europe). Pourtant, paradoxalement, ces controverses amènent sans doute les chercheurs à détourner leur regard de ce qui est sans nul doute le sel de la guerre : la bataille.

Représentation de la bataille de Charleroi. Alsatica: ALS.AK.411,6 NBI 1.

Cette situation est d’autant plus étonnante qu’au même moment l’histoire militaire connait un intense renouvellement en prenant le combat comme terrain d’étude. Empruntant désormais à l’ensemble des sciences humaines, l’histoire de la bataille ne se limite plus à décrire attentivement les mouvements des unités ou à s’interroger sur la pertinence de tel ou tel choix stratégique de tel ou tel général. Des auteurs comme V. D. Hanson, G. Duby, O. Chaline ou encore A. Blin8 contribuent tous à renouveler profondément la connaissance et la compréhension d’événements dont chacun s’accordait auparavant à dire que rien de nouveau ne pourrait être découvert à leur sujet. Dans l’introduction de l’ouvrage qu’ils consacrent à la bataille de Saint-Cast (11 septembre 1758), S. Péréon, Y. Lagadec et D. Hopkin entament d’ailleurs leur propos en rappelant que, contrairement à ce que l’on pourrait croire, tout n’a pas été écrit sur le sujet, constat qui invite « à aller plus loin, à penser différemment, à réinterroger l’événement » 9. Or il nous semble évident que les combats de Sambre et Meuse doivent être, dans la perspective de leur centenaire, compris dans une perspective analogue.

En effet, le temps de l’histoire diplomatique telle qu’elle se pratiquait au début du XXe siècle est assurément fini. C’est donc bien à l’aune des war studies que doit être désormais envisagée la bataille de Charleroi, ce qui suppose de convoquer les apports théoriques de nombreuses disciplines autres que l’histoire, comme l’anthropologie, la géographie, la sociologie ou encore l’archéologie. C’est un des apports décisifs du Dimanche de Bouvines de G. Duby que de montrer que l’histoire de la bataille ne peut aujourd’hui s’écrire sans englober les dimensions certes militaires mais aussi politiques, sociales, économiques, culturelles… Contrairement à ce que l’on a pu longtemps affirmer à tort, l’histoire de la bataille, objet d’étude par nature éminemment événementiel, n’est pas l’ennemi de l’école des Annales.

Guerre du XXe siècle, bataille du XIXe ?

L’un des grands chantiers qui attend celles et ceux qui réfléchissent à la bataille de Charleroi est assurément celui de la datation de l’événement. L’enjeu ici n’est bien évidemment pas tant de savoir quand celui-ci débute et s’achève, mais bien de déterminer si le warfare qui se déploie entre Sambre-et-Meuse en ces jours d’août 1914 relève bien d’une pratique du XXe siècle ou, au contraire, présente des caractéristiques paraissant davantage découler du XIXe.

Un cavalier à Fooses-la-Ville (Belgique) en 1914. Archives du Comité du Souvenir de Le Roux.
Poser une telle question peut paraître inutile tant il est évident depuis E. Hobsbawm que la Première Guerre mondiale pose la borne inaugurale d’un siècle des extrêmes où la violence atteint des sommets inégalés10. Pourtant il apparaît que pour être de brillantes constructions intellectuelles, ces grilles de lecture présentent parfois le défaut de sérier inutilement le réel en tranches artificiellement distinctes. Or, il est un fait que l’histoire est un fil continu où les dates se succèdent, formant ainsi cette chaîne ininterrompue qu’est la chronologie. L’historiographie peut placer des repères sur tel ou tel maillon afin de déterminer les paradigmes des XIXe et XXe siècles, il n’en demeure pas moins que les acteurs entrent dans le conflit de 1914 avec un tel souvenir de 1870 qu’il n’est sans doute pas interdit d’ériger celui-ci en protoculture de la guerre 1914-191811.

Une monographie récemment publiée indique que « c’est pourtant [à Charleroi] que l’histoire de la violence guerrière du XXe siècle commence ce vendredi 21 août 1914 »12. Or ce propos nous semble pouvoir être discuté, tant il s’agit là d’une question éminemment complexe. Certes, on peut aisément suivre A. Boltanski, Y. Lagadec et F. Mercier qui, organisant un colloque intitulé La bataille : du fait d’armes au combat idéologique, décident « par souci de cohérence » d’exclure du champ chronologique de leurs travaux la Première Guerre mondiale, celle-ci représentant « à bien des égards une rupture considérable dans l’histoire des confits »13. Pour autant, il est indéniable que si 14-18 marque une rupture dans la pratique guerrière, c’est dans son ensemble et non dès son déclenchement. Affirmer le contraire serait se méprendre sur la profondeur d’une telle mutation qui ne peut s’opérer en quelques instants. Pour ne citer qu’un exemple, le fantassin français de la bataille de Charleroi est avant tout un homme qui se déplace à pied. Bien entendu, tel n’est plus tout-à-fait le cas au moment de l’Armistice14. Mais c’est bien cette réalité qui prédomine en août 1914, le biffin en pantalon garance étant de ce point de vue sans doute plus proche du grognard napoléonien que du poilu écrasé par une guerre de matériel.

Le centenaire : une opportunité historiographique

C’est donc cette interrogation qui justifie, à nos yeux, la tenue d’un grand colloque sur la bataille de Charleroi dans le cadre de son centenaire, manifestation qui aura pour ambition de dresser un état sérieux des connaissances mais également de proposer au plus grand nombre – en nous inspirant de la public history anglo-saxonne – de nouvelles pistes de réflexion. C’est ce projet scientifique qui est à l’origine de ce texte, dont l’objet est à la fois de faire connaître notre démarche et de constituer un appel à communication.

On l’a dit, si l’historiographie de la Grande Guerre se focalise grandement sur la violence et l’un de ses corolaires, l’endurance des combattants, la bataille est paradoxalement absente de ces nouveaux questionnements, si l’on excepte toutefois les travaux de J. Keegan sur la Somme15 ou la récente Marne d’H. Herwig16. Si le livre de D. Baldin et E. Fuscien ne semble pas devoir nous autoriser à parler de vide historiographique – d’autant plus que les travaux du commandant Larcher ou du général Rouquerol17, pour ne citer que deux militaires, demeurent des références éminemment utiles – il nous semble que de nombreuses questions demeurent en suspens ce qui, indubitablement, suffit à légitimer une entreprise visant à réexaminer la bataille de Charleroi.

En effet, l’intérêt de cette démarche nous semble amplement dépasser la simple mise à jour des connaissances. L’enjeu nous parait bien plus vaste puisqu’il s’agit ici de réconcilier le temps court de cet événement qui dure à peine 72 heures avec le temps moyen de la Grande Guerre, voire avec le temps encore plus long des relations franco-allemandes18 ou du warfare tel qu’il se pratique et se conçoit dans les armées européennes entre 1870 et 1914. Intercalés entre la phase de mobilisation générale et la première bataille de la Marne19, les combats de Sambre et Meuse, autrement appelés « bataille de Charleroi », « bataille de Namur » ou encore « seconde bataille des frontières »20, nous paraissent donc être un champ d’étude particulièrement fécond que la perspective du centenaire de l’année 1914 doit encourager à redécouvrir. La question de la violence, autrement dit de la conduite sur le champ de bataille, de l’armement et de ses effets sur les corps des combattants, doit assurément compter parmi les points centraux de la réflexion. L’expérience combattante figure en effet au premier rang de ces chantiers essentiels que l’histoire bataille dite « nouvelle » se propose d’embrasser. Les communications devront ainsi faire varier les échelles, interrogeant les enjeux stratégiques et tactiques, tandis que d’autres interventions, au contraire centrées sur des unités en particulier – tant françaises qu’allemandes – questionneront le niveau opératif. Il est en effet certain que c’est dans ce changement de focale, dans cette variation des échelles, que réside une clef essentielle du renouvellement de la compréhension de la bataille de Charleroi.

La liaison : élément de datation ?

  Le recours aux grilles de lecture forgées par l’historiographie britannique, les fameuses learning curves, sera d’autant plus apprécié qu’il permettra d’aborder des points trop souvent laissés dans l’ombre et de resituer les opérations dans une perspective chronologique plus ample. Ainsi de la liaison défectueuse entre l’artillerie et l’infanterie, attribuée généralement à un manque d’artillerie lourde et au brouillard particulièrement dense dans les matinées des 21 et 22 août 1914 sur le champ de bataille21. Pour ne citer que l’exemple du 47e régiment d’infanterie de Saint-Malo, la bataille de Charleroi peut se résumer à l’assaut sans soutien d’artillerie de troupes fauchées par les mitrailleuses allemandes. Or, pour dramatique qu’elle soit, cette phase de combat semble plus relever du XIXe siècle que du XXe puisque que ce n’est qu’un mois plus tard, au fort de la Pompelle, que le 47e RI parvient à réaliser cette liaison primordiale avec l’infanterie, entrant de ce fait réellement dans le premier conflit mondial22.

"Le 75, roi de la guerre". Illustration parue en 1915 dans l'illustré Le Pays de France.

D. Baldin et E. Saint-Fuscien avancent qu’on professe à l’Ecole de guerre que « toute offensive doit être précédée d’un bombardement des positions visées qui doit affaiblir la capacité de feu adverse et favoriser ainsi l’avancée des fantassin »23. Pour autant, il n’en demeure pas moins que cet enseignement théorique doit être distingué de la pratique, comprise ici comme l’ensemble des savoir-faire et compétences qu’une unité possède réellement24. L’exemple du 47e régiment d’infanterie renvoie ici clairement au XIXe siècle et plus particulièrement à la guerre de 1870. C’est en effet après l’année terrible qu’est engagée en France une série de réformes qui fondent l’armée qui combat à Charleroi en août 191425.Or cette réorganisation conduit les fantassins du 47e RI à ne côtoyer qu’exceptionnellement, dans leur garnison de Saint-Malo, des artilleurs – les grandes manœuvres d’automne sont à ce titre exceptionnelles – ce  qui, à n’en pas douter, ne favorise pas la liaison entre les deux armes26. Il y a donc tout lieu de croire que là encore, la bataille qui se livre entre Sambre et Meuse en août 1914 relève plus du XIXe siècle que du XXe, ce que permettra sans doute de confirmer des études ciblées sur des unités de la 10e région militaire mais également des 1er, 3e et 18e corps d’armées. Si la théorie, rappelée par D. Baldin et E. Saint-Fuscien plus haut, semble pour partie anticiper la guerre du XXe siècle, la réalité qui s’exprime à Charleroi parait, elle, plus ambivalente. Les carnets de Marie-Emile Fayolle sont à ce titre assez symptomatiques  dans la mesure où ils sont le lieu où cet officier général – tiré de la retraite par la mobilisation générale après une brillante carrière qui l’emmène entre autres, à enseigner à l’Ecole de guerre – confesse sa « perplexité » du fait de son « ignorance des choses de détail de l’infanterie »27.

A contrario, l’historiographie s’entend pour accorder aux troupes allemandes qui combattent à Charleroi une indéniable supériorité dans l’usage de l’artillerie. D. Baldin et E. Saint-Fuscien l’attribuent à une certaine antériorité de l’expérience, imputable au fait que les troupes du Kaiser ne vivent pas à Charleroi leur baptême du feu mais combattent déjà depuis une dizaine de jours28. Ceci signifierait que les armées allemandes parviendraient à réaliser plus rapidement que les troupes françaises la liaison entre leur infanterie et leur artillerie, le délai généralement observé étant sensiblement plus long29. Bien entendu, ce point mériterait d’être approfondi. En effet, si ces résultats devaient être avérés, l’analyse se devrait d’être poussée plus loin afin de déterminer entre autres les éléments structurels qui conduisent les troupes allemandes à être plus rapides que les françaises dans la réalisation de la liaison infanterie-artillerie. Les études de cas portant sur la conduite opérationnelle d’unités de l’armée allemande lors de la bataille de Charleroi seront d’autant plus intéressantes qu’elles aussi doivent composer avec les conditions climatiques du moment, à commencer par le brouillard particulièrement épais qui baigne le champ de bataille d’une atmosphère d’ouate.

Une histoire internationale

Sans vouloir suspecter une historiographie qui aurait peut-être tendance à accorder une trop belle part aux – incontestables – vainqueurs, il est indéniable que c’est en retournant aux faits, dans tout ce qu’il y a de plus concret même si ceux-ci sont très difficiles à établir avec certitude, que l’on parviendra à retrouver l’essence de ces combats d’entre Sambre et Meuse à l’occasion de leur centenaire. C’est de la sorte que de nouvelles pistes de compréhension pourront être proposées au public. Aussi, si une telle manifestation ne permettra sans doute pas de faire le tour de cet objet historique aussi vaste que complexe, il semble impossible de faire l’économie d’une histoire des représentations liées à la bataille de Charleroi. Une réflexion devra donc être menée non seulement du point de vue d’une comparaison de l’historiographie de la bataille de Charleroi suivant qu’elle soit britannique, française, belge ou encore allemande mais aussi des sources disponibles pour écrire cette histoire. En d’autres termes, quelles sont-elles à Paris, Londres, Bruxelles et Berlin… ? Une attention toute particulière devra être accordée à la chronologie des sources afin de revenir sur l’histoire de la mise en récit du « moment Charleroi », mise en récit dont on sait qu’elle est capitale pour la construction des représentations et, plus largement, du souvenir30.

Allemands au passage à niveraux de Fosses-la-Ville. Sans date. Archives du Comité du Souvenir de Le Roux.

Dès lors, il importera de réunir dans une perspective internationale (regards allemands, belges, français mais aussi britanniques, bien que le corps expéditionnaire du field-marshall French ne soit pas au cœur de cette bataille) des travaux portant sur l’ensemble des combats de Sambre et Meuse, tant du point de vue des « chefs » (on pense notamment au rôle controversé du général Lanrézac) que du simple fantassin. En effet, là où dans son acceptation classique, l’histoire bataille ne se préoccupe que des données d’ordre tactique, le renouvellement des perspectives, initié par des auteurs tels que J. Keegan, amène à appréhender cet objet historique spécifique à hauteur d’homme31. Encore une fois, ce sont dans ces jeux d’échelles, individu/groupe, simple soldat/officier supérieur ou général, français/allemand/belge…, que nous semble pour partie résider la clef d’une histoire renouvelée de la bataille de Sambre et Meuse.

 

Les acteurs

 En effet, de nombreuses questions concernant les acteurs même de cet événement restent encore sans réponse, un siècle après les faits. Ainsi, aussi paradoxal que cela puisse paraître, le combattant demeure encore aujourd’hui le grand inconnu de la bataille de Charleroi. Qui sont les hommes de troupe ?, d’où viennent-ils ? Loin de se focaliser sur le seul soldat de deuxième classe, le regard devra se porter sur les hommes de tous grades : que sait-on des sous-officiers, des officiers subalternes et des officiers supérieurs ? Quel est leur quotidien ?  Comment tous ces hommes, suivant leurs grades respectifs, appréhendent-ils la bataille à laquelle ils participent en ces jours d’août 1914 ? Quels points communs et quelles différences y-a-t-il entre ces différents groupes sociaux, suivant leur nationalités ? Peut-on en déduire qu’il y a plus de divergences dans la perception de cette bataille entre un simple soldat et un officier supérieur qu’entre un Français et un Allemand de même grade ?32 Peut-on dresser une typologie de la « culture de la bataille de Charleroi », ce terme étant compris comme un « cadre de compréhension de la guerre [en cours], c'est-à-dire un concept lui donnant du sens »33 ?

Vue du champ de bataille de Charleroi. Août 2010. Cliché E. Le Gall.

L’essor de l’archéologie contemporaine, et plus particulièrement de celle pratiquée sur les champs de batailles, permet de retrouver les victimes comme fossilisées et d’appréhender leur trépas sous des aspects qui, pour être particulièrement concrets, certains diront même triviaux, n’en constituent pas moins de réels et passionnants sujets d’histoire. Indéniablement, ces progrès de la connaissance historique conduisent à se poser de nouvelles questions. Ainsi, comment ces militaires se nourrissent-ils, que boivent-ils – l’alcool est bien souvent en guerre un élément primordial –, comment sont-ils vêtus, quels armes portent-ils, et en quoi tous ces éléments ont-ils une incidence sur le moment Charleroi ?

Insérer Charleroi dans le temps long

Importante est également la question de savoir comment tous ces soldats sont reçus et perçus par les Belges, premiers spectateurs de ces combats, mais aussi premières victimes ?34 On connait le travail majeur d’A. Kramer et J. Horne sur les atrocités allemandes35. Mais nul n’ignore que le XXe siècle est également celui qui voit la guerre se totaliser. Aussi, sans doute ce rapport entre civils et militaires doit-il être réexaminé afin de déterminer si la bataille de Charleroi porte en elle les gènes de cette modernité ou si, au contraire, elle appartient à un cadre d’analyse plus ancien, hérité du XIXe siècle. On voit dès lors toute l’importance d’une démarche portant tant sur les troupes françaises qu’allemandes, la réponse à cette question n’étant sans doute pas exactement la même suivant la nationalité envisagée, ce qui par ailleurs poserait les combats d’entre Sambre-et-Meuse comme le moment d’une singulière discordance des temps. Evoquant les boucliers humains, les exécutions sommaires, les viols ou même les victimes de balles perdues – on parlerait aujourd’hui de dégâts collatéraux – D. Baldin et E. Saint-Fuscien parlent d’une « contagion » du champ de bataille36. Issu du vocabulaire médical, ce mot n’est pas anodin tant il est indissociable d’une certaine dynamique, puisqu’il est question du basculement d’un organisme sain à un autre infecté. Tout en revenant sur ces drames, et en essayant d’en dresser une chronologie fine tant l’enchainement des faits parait ici primordial, il serait intéressant de les replacer dans une perspective plus longue afin de déterminer si, de ce point de vue, la bataille de Charleroi compte effectivement parmi les événements se situant au début du processus que G. Mosse qualifie de « brutalisation » des sociétés européenne37. Autrement dit, il s’agit de savoir si ces combats d’entre Sambre-et-Meuse constituent sur cette question particulière une réelle rupture avec les batailles antérieures, telles que, par exemple, celles de Fleurus (1794) ou de Ligny (1815), distantes seulement de quelques kilomètres du champ de bataille de 1914. Moins éloignées dans le temps, la guerre de 1870, la guerre des Boers ou encore les guerres balkaniques de 1912-1913 constituent également dans cette perspective de solides points de comparaison.

Carte postale. Archives du Comité du Souvenir de Le Roux.

Ce recours au temps long est essentiel pour resituer ces trois jours de combats dans l’histoire globale du fait guerrier. Fustigeant, non sans humour, la tendance actuelle à la totalisation de toutes les guerres sous l’effet d’une subtile concurrence des conflits, A. Wieviorka plaide pour une définition des critères d’implication des victimes civiles qui, elle seule, pourrait dire ce qu’est réellement une « guerre totale » car « cette notion ne dit rien du contexte dans lequel la guerre éclate, des forces qui la sous-tendent, des idéologies qui sont à l’œuvre »38. En effet, si chacun des belligérants se prépare à une bataille « pour le droit », quelle dimension celui-ci revêt suivant l’uniforme porté ? C’est précisément ce chantier qui doit être mis en œuvre pour Charleroi, afin de savoir si cette bataille relève véritablement d’un XXe siècle de la guerre totale ou est, au contraire, à reléguer au rang des derniers soubresauts d’une époque antérieure où le métier des armes pouvait encore être assimilé à une certaine forme d’art.

Ce changement d’époque dans l’histoire du warfare pose nécessairement la question des représentations mentales qui y sont associées et plus particulièrement de la mémoire. Ainsi, en ces jours d’août 1914, quelle place tient le souvenir de la guerre de 1870 chez les protagonistes, qu’ils soient français et allemands bien entendu mais aussi belges ?39 On sait qu’en ce qui concerne la Belgique, la question du respect de la neutralité est essentielle, celle-ci étant à la fois un écho à la guerre « pour le droit » mais aussi une émanation du souvenir de la guerre franco-prussienne40. C’est sans doute ce qui pousse D. Baldin et E. Saint-Fuscien à écrire que dès le passage de la frontière par les troupes françaises, « le décor de la culture de guerre est déjà planté : le soldat républicain de l’an II vient délivrer l’innocente Belgique de l’ogre allemand »41. Qu’en disent exactement les sources ? Existe-il des carnets, mémoires ou correspondances laissant apparaitre d’autres formes de discours ? Et, plus encore, qu’en est-il des troupes allemandes ? Quelle est leur lecture de la bataille à venir ? Quel sens revêt-elle à leurs yeux et qu’elles en sont les implications directes sur le champ de bataille, du point de vue de la violence?

Une histoire au ras du champ de bataille

La veillée d’armes semble également un terrain particulièrement fertile. Tous ces soldats arrivent-ils sur le champ de bataille « la fleur au fusil », comme on l’a longtemps cru en France ? On sait aujourd’hui que c’est épuisés par des journées de marches harassantes, un ravitaillement bien souvent lacunaire et une chaleur accablante que les poilus bivouaquent pour leur veillée d’armes… Dans ces conditions, dans quel état se trouvent ces hommes à la veille de recevoir ce qui, pour la majeure partie d’entre eux, constitue leur baptême du feu ? Et quid des Allemands puisqu’on a vu plus haut que Charleroi n’est pas leur premier contact avec le combat. Cette expérience s’est-elle avérée prépondérante ? De même, à la veille de la bataille, on sait que les troupes sont loin d’évoluer en autarcie puisque les sources attestent au contraire de nombreux contacts avec la population civile. Pourtant, paradoxalement, la  nature réelle de ces rencontres demeure encore assez mal connue.

Carte de la bataille de Charleroi.

Aussi, in fine, l’enjeu de ce colloque est bien de dresser une histoire au ras du champ d’honneur de ces protagonistes de la bataille de Charleroi afin de savoir qui sont réellement ces soldats de l’an 14. Bien entendu, afin d’être la plus exhaustive possible, l’analyse ne devra pas se limiter aux seuls fantassins mais devra autant que possible englober artilleurs, prévôts, services de santé… Dans ce cadre, on examinera scrupuleusement le rôle particulièrement décrié de la cavalerie, l’épopée du corps Sordet marquant en effet pratiquement la fin de l’emploi du cheval dans un rôle offensif sur le champ de bataille, bientôt amené à être remplacé par le tank42.

Tranchées et Trench warfare

Une attention toute particulière devra être accordée aux services du génie et aux « tranchées » percées par les combattants lors de la bataille de Charleroi. En effet, contrairement à ce que laisserait entendre la classique dichotomie entre guerre de positions et de mouvements, les combats d’entre Sambre et Meuse sont ponctués de tranchées. Si leur présence permet effectivement de « nuancer l’image d’une bataille réduite à la charge de soldats se précipitant sur l’adversaire », on peut néanmoins interroger le propos de D. Baldin et E. Saint-Fuscien lorsque ceux-ci laissent entendre que ces tranchées conduisent à considérer Charleroi comme une bataille du XXe siècle43. En effet, pour A. Saunders, la guerre de tranchées naît à Sébastopol44. Or nul ne songe à considérer cette bataille comme faisant partie du XXe siècle. D’ailleurs, pour cet auteur, la guerre de tranchées se définit moins par rapport à une époque qu’à une réalité opérationnelle puisqu’elle se caractérise par une sorte de siège mutuel :

« Trench warfare is usually described as military operations between two entrenched armies. It is a form of stalemate in which neither side can breach or outflank the defences of the other so that breakthrough cannot be achieved, irrespective of the size or type of operation carried out to achieve the aim. In other words, it is mutual siege. »45

On voit bien que malgré la présence de tranchées, la bataille de Charleroi ne peut être assimilée au trench warfare. Sa durée ainsi que son résultat sans équivoque invalident irrémédiablement l’analyse amalgamant la tranchée à une certaine modernité du combat. Au contraire, tout se passe comme si ce mot même était l’objet d’un glissement sémantique comparable à ce que connait la locution « camp de concentration » au XXe siècle. Lors de la Première Guerre mondiale, ce terme évoque en effet un lieu où sont « concentrées », autrement dit regroupées, certaines populations bien spécifiques telles que, par exemple, les ressortissants allemands en France. Il s’agit là d’une procédure qui, au final, apparait comme relevant de l’internement administratif. Mais, à partir de 1945 et de la découverte de la réalité de la barbarie nazie, le terme « camp de concentration », s’il continue à être utilisé pendant la Seconde Guerre mondiale, change irrémédiablement de sens pour être associé au souvenir des déportations par mesure de répression et de persécution. L’expression devient indissociable de Buchenwald et d’Auschwitz46. Or, il en va de même pour le mot tranchée puisque la réalité que laisse entrapercevoir la bataille de Charleroi ne saurait un seul instant être assimilée à ce que les poilus vivent dans un lieu tel que, par exemple, le Labyrinthe. Là où il y a un complexe réseau de boyaux, sapes, cagnas et abris, les tranchées des combats d’entre Sambre et Meuse ne sont que de simples « couverts » et autres « aménagements sommaires individuels », autant de termes par ailleurs évoqués par les règlements de 191447.

On s’attachera de même à l’environnement mental des combattants de la bataille de Charleroi puisque ces tranchées, systèmes défensifs par excellence, contrastent singulièrement avec l’image communément répandue d’une Armée française toute tournée vers l’attaque.

Fantassin du 48e régiment d'infanterie en août 1914. Wikicommons.

Certes on sait, notamment depuis H. Contamine, que la réalité est plus complexe puisque celui-ci se refuse à parler d’une doctrine « tant était touffue et diverse la forêt de nos écrits spécialisés »48. En réexaminant la bataille de Charleroi au niveau opérationnel, c’est-à-dire au ras du champ de bataille, on tentera de dresser une sorte de typologie de la conduite des unités, suivant qu’elles soient plus ou moins contaminées par la furia francese. On détaillera tout particulièrement en quoi la confrontation avec la réalité du champ de bataille tel qu’il se révèle entre Sambre-et-Meuse bouscule les certitudes d’avant-guerre, ce temps des manœuvres et des Kriegsspiels ? Or à l’occasion de la bataille de Charleroi, D. Baldin et E. Saint-Fuscien parlent d’une véritable « asymétrie historique »49, jolie expression désignant le décalage existant entre la pratique des armées françaises et allemandes.

Aussi les études de cas devront-elles être autant que possible transversales afin d’étudier non pas telle ou telle unité lors de la bataille de Charleroi, mais bel et bien le combat tel qu’il se déroule entre Sambre et Meuse en ce mois d’août 1914.

De même, d’innombrables questions subsistent à propos de la perception de cette bataille par ses acteurs. Quelle différence peut-on opérer entre les récits livrés par les soldats français, qui vivent là pour l’essentiel leur baptême du feu, et leurs ennemis allemands, déjà aguerris à la violence de guerre ? Avec quels mots ces hommes qui, pour l’essentiel, ne sont que peu instruits relatent-ils ce moment particulier de la campagne ? En quoi les sources disponibles – correspondances, carnets et mémoires – varient-elles des récits antérieurs des guerres impériales par exemple mais aussi des textes postérieurs, ceux écrits pendant les batailles de Verdun ou de la Somme ? Peut-on dire que la guerre qui y est représentée est « moderne » ou encore qu’elle « appartient » au XXe siècle ? Enfin, en ce qui concerne les riverains, les populations civiles belges : quel est leur ressenti face à ces combats, notamment pour ceux qui, ayant refusé de fuir, vivent à cette occasion les premiers instants de l’occupation allemande ?

 

Pertes, bilan, mémoire(s)

L'immédiat « après-guerre » de la bataille de Charleroi apparait également comme un terrain d’enquête d’autant plus neuf que la journée du 22 août 1914 est régulièrement mentionnée comme étant l’une des plus meurtrières de toute la guerre50. Certes, l’on sait les statistiques en la matière peu fiables, et ce pour la raison que la guerre n’est nullement anticipée avant son déclenchement comme étant aussi longue. De plus, il est certain que le repli des armées françaises complique singulièrement la tâche pour Paris. Mais les vicissitudes du rapport Marin montrent bien que c’est seulement lorsque vient le moment de la traduction financière de cette mort de masse que se pose cette question du « combien ? »51. En ce sens, D. Baldin et E. Saint-Fuscien ont parfaitement raison d’affirmer que les chiffres des pertes parlent à Charleroi « autant par leur approximation que par leur valeur absolue »52.

Tenter une esquisse statistique

Néanmoins, en combinant les données issues des fonds d’archives, de l’archéologie du champ de bataille et des relevés effectués dans les cimetières et nécropoles, quelles sont les données les plus précises qui peuvent être avancées concernant la mortalité de ces combats d’entre Sambre-et-Meuse ? Qu’en est-il réellement pour les Français mais aussi pour les Belges et les Allemands ? Peut-on en dresser une chronologie fine ? Le théâtre d’opérations de la bataille de Charleroi étant par ailleurs particulièrement vaste, peut-on opérer une géographie des pertes ? Quelles sont les unités les plus éprouvées, et pourquoi ? Le traitement accordé aux corps des combattants tombés sur le champ de bataille devra également être examiné attentivement : leur sort dépend-il aussi de facteurs idéologiques ?

Blessés du 25e régiment d'infanterie à l'hôpital nord de Charleroi. Sans date. Archives du Comité du Souvenir de Le Roux.

De même, quid des blessés et des nombreux prisonniers ? Peut-on dresser une cartographie des lieux d’évacuation et de soins ? Là aussi cette question devra être abordée suivant un prisme idéologique puisque ces survivants deviennent rapidement un enjeu du conflit53. Le rôle du Vatican et de certains réseaux religieux pourra faire l’objet d’une attention particulière, tant les archives belges conservent de nombreuses traces de leur activité. Leur rôle est notamment visible dans les cas de disparitions – un sujet d’étude à part entière – puisque nombreuses sont les familles éplorées à s’adresser à eux pour avoir des nouvelles d’un fils ou d’un mari dont ils sont sans nouvelle54.

Une autre figure, assurément originale, devra également attirer l’attention : celle des soldats qui, au lendemain de la bataille, se cachent dans les bois, certains jusqu’en 1918. Qui sont-ils ? Comment survivent-ils et bénéficient-ils de solidarités ? Quelles sont leurs motivations et celles de ceux qui les aident ? Sur un temps plus long, cette expérience est elle unique ou peut-elle au contraire être rapprochée d’autres phénomènes comparables ? Préfigure-t-elle par exemple celle des maquisards qui, en France, participent activement à la Libération lors de l’été 1944 ? Raccroche-t-elle Charleroi au XXe siècle ? En d’autres termes, cette « résistance » interrogée par E. Debruyne55 qui se met en place après la bataille de Charleroi est-elle de nature à verser celle-ci dans le XXe siècle ?

Origines et héritages de Charleroi

Au final, comptant parmi les premières grandes batailles de la Grande Guerre, Charleroi est assurément un événement de premier ordre. On sait en effet que l’historiographie du XXe siècle accorde une place majeure au premier conflit mondial, les débats portant essentiellement sur ses conséquences, envisagées du point de vue militaire et  principalement par rapport à la période 1939-194556. Or, dans une approche centrée sur un temps encore plus long, la question de la bataille de Charleroi perçue non plus comme une origine mais comme un héritage est également riche de perspectives. Encore une fois, il s’agira de savoir si celle-ci est la dernière bataille du XIXe siècle ou si, premier affrontement de la Première Guerre mondiale, elle est à la base de ce que certains ont pu considérer comme la « matrice du XXe siècle »57. Dans un remarquable manifeste pour une histoire culturelle de la guerre au XIXe siècle, O. Roynette insiste sur l’ombre portée de la Grande Guerre et des conflits postérieurs pour expliquer le vide historiographique entourant ce champ d’investigation58. Etudier la bataille de Charleroi nous parait ainsi être le moyen d’inverser la focale en recherchant au contraire les racines, les origines de la terrifiante violence qui s’exerce sur le champ de bataille pendant ces quelques heures de combats.

Carte postale. Fonds d'archives de Sambreville.

De la même manière, le croisement des lectures françaises et allemandes de la bataille se révèlera sans doute un terrain particulièrement fertile. En d’autres termes, pendant ce conflit qui est aussi une guerre de l’information, comment les médias des différents pays – belligérants mais aussi neutres dans la mesure où l’on sait que ces derniers constituent pour les premiers un enjeu de grande importance – évoquent-ils cette bataille ?59

La mémoire

Une telle réflexion conduit inéluctablement à la mémoire de Charleroi ce qui invite à s’interroger sur les stigmates de ces combats entre Sambre et Meuse. Il convient ici de considérer bien entendu les traces physiques de ces combats, infligées aux villes et villages, confrontés aux destructions causées par le feu des belligérants. Mais il importe également d’évoquer les souvenirs, comme tatoués par ces quelques heures de combat puisque la bataille de Charleroi est loin d’être « restée absente du champ mémoriel des combats de 1914-1918 »60. Pour ne citer qu’un exemple, le pèlerinage des anciens combattants français – et tout particulièrement des Bretons du 10e corps – est d’autant plus facilité qu’en Belgique, sur les lieux mêmes où ils combattent entre Sambre et Meuse en 1914, est fondé au Roux, dès 1919, un comité du souvenir chargé d’organiser une grande réunion chaque dernier dimanche du mois d’août61. Ainsi, à l’occasion du 10e anniversaire, de nombreuses familles viennent se recueillir sur la tombe d’un proche mort pour la France à Charleroi62. Certes, avec les années, la ferveur semble aller decrescendo – à tel point qu’en 1935 l’on s’émeuve d’un possible « abandon du culte du souvenir »63. Toutefois, jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale, des voyages au départ de Paris sont organisés tous les étés pour que des Français puisse assister aux commémorations en  Belgique64. Malgré une nouvelle occupation entre 1940 et 1945, période éminemment dramatique qui aurait pu à bien des égards constituer un écran occultant la mémoire de la bataille de Charleroi, le Comité du souvenir de Le Roux reprend ses activités, d’abord sous l’impulsion d’Adrien Challe puis avec Daniel Tilmant. Aujourd’hui encore le souvenir se transmet avec ferveur. Grâce à une opération de parrainage des tombes initiée depuis 2006 par le Comité du souvenir, les commémorations de la fin du mois d’août se déroulent devant une assistance sans cesse plus importante, des délégations venant même de Bretagne ou de la Manche. Charleroi compte donc parmi les grands lieux de cette pratique culturelle de masse qu’est le voyage au champ de bataille, expérience se situant aux confins du tourisme et du deuil65. Quelle est donc l’empreinte de ces combats d’entre Sambre et Meuse dans la mémoire collective, en France, en Allemagne, mais aussi en Belgique et en Grande-Bretagne ? Celle-ci est-elle figée depuis août 1914 ou au contraire évolue-t-elle au cours du siècle ? Si oui, suivant quelle chronologie ? Peut-on comparer les représentations (picturales, littéraires…) qui sont faites de la bataille de Charleroi dans ces différents pays ? Y a-t-il une spécificité du souvenir suivant les nationalités ? Peut-on comparer les discours des anciens combattants français et allemands des combats de Sambre et Meuse ? Quelle place cette mémoire accorde-t-elle aux civils ?

L'inauguration du monument en mémoire du 10e corps d'armée à Arsimont. Archives du Comité du Souvenir de Le Roux.

Une attention toute particulière sera portée au cimetière de la Belle-Motte en tant qu’objet d’histoire. On sait en effet que les morts de la bataille de Charleroi deviennent très rapidement un enjeu politique entre Français et Allemands. Suivant quelles modalités ? La fin du conflit est-elle pour les défunts le moment du retour à une certaine neutralité ou non ? Comment la situation évolue-t-elle une fois la paix signée à Versailles en 1919 ? Il s’agira donc d’étudier, du point de vue de l’ingénierie culturelle mais aussi des discours, des représentations mentales qui y sont associées, comment fonctionne un lieu de mémoire tel que la nécropole de la Belle-Motte dans les années 1920/30 mais aussi au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, puis au fur et à mesure de la construction européenne. Quelles sont les techniques successivement employées pour faire de cette nécropole un vecteur de mémoire ? En quoi le cas de Leroux est-il comparable ou au contraire diffère-t-il d’exemples tels que Notre-Dame de Lorette ?

De la même manière, le centenaire de la bataille de Charleroi devra être le moment où seront développées des pistes pour l’évolution de ce lieu spécifique qu’est une nécropole militaire et plus particulièrement celle de la Belle-Motte. Ainsi, ce lieu de recueillement est-il un élément de cette « histoire à soi » qu’évoque N. Offenstadt ou constitue-t-il au contraire une sorte de « niche mémorielle » bien spécifique, centrée sur un souvenir familial des combats d’août 1914 ?

Carte postale. . Archives du Comité du Souvenir de Le Roux.

 Le vol en octobre 2011 d’un bas-relief en bronze à l’effigie d’Ernest Cotelle, Breton père de deux soldats morts pour la France pendant la Grande Guerre, dont un à Leroux le 22 août 1914, et par ailleurs promoteur ardent du pèlerinage à la Belle-Motte dans les années 20/3066, pose à cet égard un certain nombre de questions. La marchandisation du souvenir67 et plus particulièrement des vestiges en est une. Quelles sont les interactions entre les collectionneurs et les historiens ? S’agit-il de deux mondes concurrents ou qui travaillent ensemble ? La préservation des lieux en est une autre. Autrefois lieu de mémoire ouvert à tous pour pouvoir diffuser au plus grand nombre le souvenir, les nécropoles militaires sont de plus en plus exposées au vandalisme, qu’il s’agisse de profanations xénophobes ou mercantiles – puisque tel semble bien devoir être le mobile du vol de la Belle-Motte. Dès lors, entre volonté de préserver l’intégrité des sépultures et exigence de diffusion au plus grand nombre du souvenir, quelle ingénierie culturelle doivent mettre en œuvre les responsables de tels lieux de mémoire ?

 

Les propositions de communication seront adressées au comité d’organisation pour approbation par le comité scientifique sous format word à erwan.legall@enenvor.fr et axel.tixhon@unamur.be.

Le colloque se tiendra en Belgique les 24 et 25 avril 2014 au théâtre de Sambreville et le 26 avril 2014 à l'université de Namur.

Afin de publier le plus rapidement possible les actes de ce colloque, les intervenants sont priés de venir avec leur communication rédigée. Celle-ci ne doit pas excéder 40 000 caractères, notes de bas de pages comprises. Les textes peuvent être rendus en français mais également en néerlandais, anglais ou encore en allemand.

Le comité scientifique est composé de Michaël Bourlet (CREC, Ecoles de Coëtquidan), Emmanuel Debruyne (Université Catholique de Louvain) et Yann Lagadec (Université Rennes 2, CERHIO-UMR 6258.

Le comité d’organisation est composé d’Erwan Le Gall, Axel Tixhon et Daniel Tilmant, assistés de Nathalie Arnould et Beaudoin Brasseur.

Erwan LE GALL et Axel TIXHON

 

 

1 BECKER, Jean-Jacques, « L’évolution de l’historiographie de la première guerre mondiale », Revue Historique des Armées, n°246, 2006, p. 4-15, en ligne ; PROST, Antoine et WINTER, Jay, Penser la Grande Guerre, un essai d’historiographie, Paris, Seuil, 2004.

2 RIDEL, Charles, Les embusqués, Paris, Armand Colin, 2007 ; BOULOC, François, Les profiteurs de guerre 1914-1918, Paris, Complexe, 2008 ; BECKER, Jean-Jacques, 1914 : Comment les Français sont entrés dans la guerre, Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1977 ; CABANES, Bruno, La victoire endeuillée, la sortie de guerre des soldats français (1918-1920), Paris, Seuil, 2004 ; MOSSE, De la Grande Guerre au totalitarisme. La brutalisation des sociétés européennes, Paris,Hachette, 1999 ; PROST, Antoine, Les Anciens Combattants et la société française, 1914-1939, Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1977.

3 AUDOIN-ROUZEAU, Stéphane et Becker, Annette, 14/18. Retrouver la guerre, Paris, Gallimard, 2000 ; PROST, Antoine, « La guerre de 1914 n’est pas perdue », Le Mouvement social, n°199, avril-juin 2002, p. 95-102, en ligne.

4 Sur la construction de la figure du « dernier Poilu » et des élargissements au niveau européen on renverra à OFFENSTADT, Nicolas, 14/18 aujourd’hui, la Grande Guerre dans la France contemporaine, Paris, Odile Jacob, 2010, p. 136-142.

ibid, Chapitre 1 : p. 13-56.

TARDI, Jacques, C’était la guerre des tranchées, Paris, Casterman, 1993.

www.inflandersfields.be/fr/ontdek

8 HANSON, Victor Davis, Le modèle occidental de la guerre : La bataille d'infanterie dans la Grèce classique, paris, Les Belles Lettres, 2001 ; DUBY, Georges, Le Dimanche de Bouvines (27 juillet 1214), Paris, Gallimard, 1974 ; CHÂLINE, Olivier, La bataille de la Montagne Blanche (8 novembre 1620). Un mystique chez les guerriers. Paris, Noesis, 2000 ; BLIN, Arnaud, Wagram ou la guerre d’anéantissement, Paris, Tallandier, 2010.

9 LAGADEC, Yann, Perréon, Stéphane, Hopkins, David (avec la collaboration de), La bataille de Saint-Cast (Bretagne, 11 septembre 1758), entre histoire et mémoire, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2009, p. 14.

10 HOBSBAWM, Eric, L’âge des extrêmes, histoire du court XXe siècle, 1914-1991, Bruxelles, Complexe, 1999.

11 LE GALL, Erwan, « La prégnance du souvenir de 1870 dans l’entrée en guerre en 1914 : l’exemple du 47e régiment d’infanterie », Actes de la journée d’études sur la guerre 1870-1871 tenue le 5 novembre 2011 à Beauvais, à paraitre.

12 BALDIN, Damien et SAINT-FUSCIEN, Emmanuel, Charleroi, 21-23 août 1914, Paris, Tallandier, 2012, p. 11.

13 Appel à communication du colloque international La bataille: du fait d’armes au combat idéologique (XIe-XIXe siècles) organisé à Rennes les 5 et 6 décembre 2012 par A. Boltanski, Y. Lagadec et F. Mercier. Actes à paraitre.

14 GOYA, Michel, La Chair et l’acier, l’invention de la guerre moderne, 1914-1918, Paris, Tallandier, 2004, p. 280, évoque une « densité matérielle » environnant le fantassin 60 fois plus importante en 1918 qu’en 1914.

15 KEEGAN, John, The face of the battle, London, Pimlico / Random House e-books, 2004.

16 HERWIG, Holger H., The Marne, 1914, the opening of the world war I and the battle that changed the world, Random House, New-York, 2011.

17 LARCHER, Commandant, « Le 10e corps à Charleroi », Revue militaire française, juillet 1930-juin 1931 ; Rouquerol, Général, Charleroi, août 1914, Paris, Payot, 1932.

18 Tel est notamment la vision de la « nouvelle histoire bataille » défendue par HENNINGER, Laurent, « Introduction pour une nouvelle histoire bataille », Cahiers du Centre d’Etudes d’Histoire de la Défense, Ministère de la Défense, Secrétariat Général pour la Administration, Centre d’Etudes d’Histoire de la Défense, Paris, 1999, p. 7-15.

19 Sur cette dernière on mentionnera la brillante synthèse de CONTAMINE, Henry, La Victoire de la Marne, Paris, Gallimard, 1970.

20 BALDIN, Damien et SAINT-FUSCIEN, Emmanuel, Charleroi,…, op. cit., p. 84, HERWIG, Holger H., The Marne, …, op. cit., p. 122.

21 BALDIN, Damien et SAINT-FUSCIEN, Emmanuel, Charleroi,…, op. cit., p. 107-110.

22 LE GALL, Erwan, « Investir la culture de guerre du premier conflit mondial ? Le 47e régiment d’infanterie au fort de la Pompelle, 13-17 septembre 1914 », Bulletins et mémoires de la Société archéologique & historique d’Ille-et-Vilaine, Tome CXVI, 2012, p. 261-286, en ligne.

23 BALDIN, Damien et SAINT-FUSCIEN, Emmanuel, Charleroi,…, op. cit., p. 108.

24 GOYA, Michel, La Chair et l’acier,…, op. cit., p. 113.

25 Sur ce point BOULANGER, Philippe, La France devant la conscription, géographie historique d’une institution républicaine, 1914-1922, Paris, Economica, 2001, dans une certaine mesure MAURIN, Jules, Armée, guerre, société, soldats languedociens (1889-1919), Paris, Publications de la Sorbonne, 1982 et, pour une analyse plus politique, CHANET, Jean-François, Vers l’Armée nouvelle, République conservatrice et réforme militaire, 1871-1879, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2006. 

26 Il y eut bien le 15e bataillon d’artillerie à pied caserné à Saint-Servan mais ces unités sont réorganisées en régiments en 1910. A cette occasion, le 15e BAP quitte Saint-Malo

27 FAYOLLE, Marie-Emile, Cahiers secrets de la Grande Guerre, Paris, Plon, 1964, p. 14.

28 BALDIN, Damien et SAINT-FUSCIEN, Emmanuel, Charleroi,…, op. cit., p. 84.

29 Le général Fayolle explique toutefois que c’est le 1er septembre qu’il voit se réaliser la liaison au sein de la division qu’il commande. Fayolle, Marie-Emile, op. cit., p. 58. 

30 C’est là une des conclusions majeures du colloque La bataille: du fait d’armes au combat idéologique (XIe-XIXe siècles) précité.

31 KEEGAN, John, The face of the battle, op. cit.

32 Travaillant sur l’aristocratie française pendant la Grande Guerre, Bertrand Goujon n’hésite pas à se poser cette question : « La proximité sociologique avec les officiers nobles de l’autre camp primerait-elle finalement sur la solidarité nationale avec les hommes de troupe ? » GOUJON, Bertrand, « Insertion et distinctions nobiliaires parmi les combattants français de la Grande Guerre », in BOULOC, François, CAZALS, Rémy et LOEZ, André (dir.), Identités troublées 1914-1918, les appartenances sociales et nationales à l’épreuve de la guerre, Toulouse, Privat, 2011, p. 54.

33 HORNE, John et KRAMER, Allan, Les Atrocités allemandes, Paris, Tallandier, 2005, p. 317.

34 Sans oublier que ces populations civiles peuvent être des acteurs de la bataille, par l’aide aux blessés, les renseignements fournis aux soldats, etc. Et qu’ils ne subissent pas la bataille uniquement par la violence directe : l’exode, l’isolement de l’extérieur, le stress, les difficultés multiples du quotidien, … sont autant d’aspects à ne pas négliger.

35 Ibid.

36 BALDIN, Damien et SAINT-FUSCIEN, Emmanuel, Charleroi,…, op. cit., chapitre 8 : « Violence contre les civils, la contagion du champ de bataille », p. 125-132.

37 MOSSE, De la Grande Guerre au totalitarisme, op.cit.

38 www.lesgrandsdebats.fr/Debats/L-enseignement-de-l-histoire-au-lycee-est-il-menace/La-defaite-de-la-volonte-de-comprendre

39 Pour une esquisse du cas français on renverra à LE GALL, Erwan, La prégnance du souvenir de 1870 dans l’entrée en guerre en 1914 : l’exemple du 47e régiment d’infanterie, à paraitre.

40 VERNIERS, Louis, BONENFAUT, Paul, QUICKE, François (Textes réunis et présentés par), Histoire de Belgique, T.III, De l’évacuation de la Belgique par les Français jusqu’au traité de Versailles (1814-1919), Bruxelles, Maison d’édition A. De Boeck, 1936, p. 154.

41 BALDIN, Damien et SAINT-FUSCIEN, Emmanuel, Charleroi,…, op. cit., p. 59.

42 BALDIN, Damien, « Les tranchées ont-elles enterré la cavalerie ? … », art cit. et Goya, Michel, La Chair et l’acier, …, op. cit., p. 162-167.

43 BALDIN, Damien et SAINT-FUSCIEN, Emmanuel, Charleroi,…, op. cit., p. 114-116.

44 SAUNDERS, Anthony, Trench warfare, 1850-1950, Barnsley, Pen & Sword, 2010, p. 3: « Indeed, the trenches around Sebastopol may be regarded as the birthplace of what was to become known as trench warfare».

45 Ibid., p. 8.

46 WIEVIORKA, Annette, « L’expression ‘camp de concentration ’ au XXe siècle », Vingtième Siècle, Revue d’histoire, n°54, avril-juin 1997, p. 4-12, en ligne.

47 Petit manuel illustré du soldat, Paris, Marc Imhaus et René Chapelot 1914, p. 39-45. 

48 CONTAMINE, Henry, La Revanche, Paris, Berger-Levrault, 1957, p. 188.

49 BALDIN, Damien et SAINT-FUSCIEN, Emmanuel, Charleroi,…, op. cit., p. 112.

50 L’historiographie rapporte régulièrement le nombre 27 000 morts pour la France pour la seule journée du 22 août 1914, assurément l’une des plus meurtrières du conflit avec celle du 1er juillet 1916, date du déclanchement de la bataille de la Somme.

51 PROST, Antoine, « Compter les morts et les vivants, l'évaluation des pertes françaises de 1914-1918 », Le Mouvement social, n°222, 2008, p. 41-60, en ligne

52 BALDIN, Damien et SAINT-FUSCIEN, Emmanuel, Charleroi,…, op. cit., p. 118.

53 BECKER, Annette, Oubliés de la Grande Guerre, humanitaire et culture de guerre, Paris, Noésis, 1998.

54 Les papiers Schmitz conservés aux archives de l’Etat à Namur permettent d’attester l’activité d’un « office provisoire pour l’information des prisonniers de guerre » de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège.

55 DEBRUYNE, Emmanuel, « Combattre l’occupant en Belgique et dans les départements français occupés », Vingtième Siècle, Revue d’histoire, n°115, juillet-septembre 2012, p. 15-30.

56 PURSEIGLE, Pierre, « Warfare and belligerence : approaches to the first world war », Purseigle, Pierre (Dir.), Warfare and belligerence : perspectives in First World War Studies, Boston, Brill, 2005, p. 3.

57 De manière significative, les organisateurs du colloque La bataille : du fait d’armes au combat idéologique (XIe-XIXe siècle) organisé à Rennes les 5 et 6 décembre 2012 indiquent dans leur appel à communication pas retenir 14-18 « dans le champ chronologique de [leur] étude dès lors que la Grande Guerre représente, à bien des égards, une rupture considérable dans l’histoire des conflits ».

  58 ROYNETTE, Odile, « Pour une histoire culturelle de la guerre au XIXe siècle », Revue d’histoire du XIXe siècle, n°30, 2005, en ligne.

59 En cela nous souhaitons nous placer dans le sillage de ROCHET, Bénédicte et TIXHON, Axel (Dir.), La petite Belgique dans la Grande Guerre. Une icône, des images, Namur, Presses Universitaires de Namur, 2012.

60 Sur ce point nous sommes en désaccord avec BALDIN, Damien et SAINT-FUSCIEN, Emmanuel, Charleroi,…, op. cit., p. 191.

61 http://lasambreaout1914.blogs.lalibre.be/about.html

62 « 10e anniversaire de la bataille de Charleroi », L’Ouest-Eclair, n°8356, 1er septembre 1924, p. 3.

63 OTTOBON, Louis, « Un émouvant pèlerinage au cimetière breton d’Auvelais », L’Ouest-Eclair, n°14902, 28 août 1937, p. 4.

64 « Les cérémonies commémoratives d’Arsimont, à la mémoire des morts du Xe corps d’armée », L’Ouest-Eclair, n°15609, 7 août 1939, p. 5.

65 Pour une première approche de ce tourisme de mémoire, BRANDT, Susanne, « Le voyage aux champs de bataille », Vingtième Siècle, Revue d’histoire, n°41, janvier-mars 1994, p. 18-22, en ligne.

66 Pour une retranscription de deux discours prononcés par Ernest Cotelle on renverra, pour celui prononcé à l’occasion de l’inauguration du monument franco-belge d’Aiseau le 20 août 1922 à la page  http://25eri.lescahiersdhistoire.net/articles.php?Ing=fr&pg=19 puis, pour celui prononcé le 21 août 1921 au cimetière de la Belle-Motte à http://25eri.lescahiersdhistoire.net/articles.php?Ing=fr&pg=20. Pages consultées le 25 octobre 2011. Pour la cérémonie de l’année 1920, on pourra également se reporter à « Comment les Belges honore nos morts  », L’Ouest-Eclair, n°7286, 28 septembre 1920, p. 1-2.

67 A moins qu’il ne s’agisse d’une marchandisation du métal au mépris du souvenir.