Bénodet : que deviennent les stations balnéaires en hiver ?

Bénodet, « l'une des plus belles [stations] de Bretagne, la plus célèbre du Finistère, est prête, cette année [1974], à accueillir 20 à 25 000 estivants »1. Quand Gilbert Bousquet, journaliste de Bretagne actualités, tient ces propos le 23 mars 1974, cela fait près d’un siècle que cela dure. Depuis que le train est arrivé à Quimper en 1863 permettant au tourisme de s’y développer dans les dernières décennies du XIXe siècle. L’arrivée de populations aisées adeptes des bains de mer crée ainsi une nouvelle activité économique, qui s’ajoute à la pêche et à l’agriculture à la belle saison. Dans les Trente glorieuses, à l’époque du reportage de l’ORTF, le tourisme de masse a remplacé les villégiateurs. Cependant le caractère saisonnier de l’activité n’a pas changé. C’est pourquoi, le journaliste se demande, si tout au long de l’hiver, Bénodet « a-t-elle vécu plusieurs mois de léthargie, comme les apparences le laissent volontiers croire ? »

Le port de Bénodet au début des années 1970. Carte postale. Collection particulière.

Les apparences ne laissent que peu de place au doute : des belles villas du bord de mer aux maisons de style néo-breton, toutes présentes le même visage de volets clos. La plage, elle aussi, semble abandonnée aux coquillages et crustacés. Face à cela, Jean L’Hénoret, le maire de Bénodet, ne peut cacher que sa commune passe « d’une activité intense pendant l'été [à] ne disons pas une mort mais quand même, une sorte de léthargie pendant l'hiver. » Pour autant, si « la population locale vit au ralenti durant ces longs mois » ; elle n’est pas pour autant inactive. L’hiver, c’est le moment où « la saison [touristique] se prépare […] de façon discrète. Elle se prépare dans les coulisses. » Au port, par exemple, le calme est trompeur. Le chantier naval est en pleine effervescence : «  les bateaux se construisent ou font toilette ». Des projets d’agrandissement du  port de plaisance sont également à l’étude. Dans le centre-ville, ce sont les pelleteuses qui œuvrent tout l’hiver pour améliorer le réseau d’assainissement, parce que « ne peut se prévaloir [du] titre de station balnéaire qu'une station comme la nôtre qui a l'assainissement ». Au bout du compte, l’obtention de ce statut de station balnéaire pour Bénodet est un véritable enjeu d’attractivité touristique pour Monsieur le maire : cela « permettra en particulier aux casinos d'avoir des jeux, ce qui, pour la commune, sera aussi une source de revenus, je pense, je le souhaite, importante. »

Toutefois, si le maire met tout en œuvre pour améliorer l’attractivité estivale de Bénodet, il est conscient qu’il faut aussi s’occuper des 2 000 habitants à l’année de sa commune : « il faut […]arriver quand même à un certain équilibre entre la saison d'hiver et la saison d'été. » Car, le risque, avec toutes ces résidences secondaire fermées tout au long de l’hiver, c’est que Bénodet devienne une ville fantôme, qui ne fonctionne que durant « trois mois d'activité, de suractivité ». Pour éviter cela, la municipalité s’est fixée comme « premier objectif [de] fixer une population, en particulier jeune, sur le territoire de la commune ».

La plage de Bénodet, à la fin des années 1960. Carte postale. Collection particulière.

Quarante ans après ce reportage, bon nombre des constats dressés sur la vie hivernale d’une station balnéaire demeurent valables. Pire encore, les crises économiques successives en ont renforcé certains. Ainsi, les coûts d’entretien importants des résidences secondaires ont pour effet de  faire  fleurir les panneaux « à  vendre » sur les volets clos. Dans le même  temps, la cherté du marché immobilier sur le littoral rend difficile l’accession à la propriété de jeunes qui auraient  vocation  à résider à l’année dans ces stations balnéaires.

Thomas PERRONO

 

 

 

1 INA – L’Ouest en mémoire. « Une station balnéaire en hiver : Bénodet », ORTF, Bretagne actualités, 23/03/1974, en ligne.