Les années F.L.B.

Quiconque connait les contraintes liées à l’histoire du temps présent mesure combien il est difficile de se confronter à l’un des épisodes les plus sulfureux de l’histoire bretonne des cinquante dernières années. Il faut donc saluer le travail du réalisateur Hubert Béasse, soutenu France 3 Bretagne et par la société de production Vivement Lundi !, à qui l’on doit notamment l’excellent Pavillon 10 sorti récemment. Leur initiative est d’autant plus impressionnante qu’elle consiste non pas en un mais deux documentaires de 52 minutes sur le Front de Libération de la Bretagne.

Ces deux documentaires s’articulent suivant une logique chronologique reprenant dans un premier temps les années De Gaulle, puis les années Giscard. C’est ce second volet que nous avons pu voir lors d’une projection en avant-première aux Champs Libres et le moins que l’on puisse dire est que le résultat nous a plus que séduit ! La réalisation est vive, la musique est d’une redoutable efficacité tandis que la photographie souligne particulièrement bien cette esthétique si particulière des années 1970. Surtout, ce film est très intelligemment construit, se basant non sur le seul FLB mais également sur sa traque par les forces de l’ordre et sur ses interactions avec le champ politique.

Extrait du documentaire : FLB, les années Giscard.

Sans doute est-ce d’ailleurs ce dernier point qui pourra interpeller le fin connaisseur du FLB tant il est certain que cette organisation est moins monolithique que ne veut bien le présenter ce documentaire. Mais là est probablement le prix à payer pour un film captivant qui, jamais, ne tombe dans le manichéisme ni dans le piège de la simplification outrancière. Et puis il ne faut pas oublier que les travaux historiques sur la question sont encore peu nombreux. Ainsi, il est frappant de voir que parmi les nombreuses images d’archives diffusées dans le film on distingue plusieurs femmes mais qu’aucune d’entre elle n’est interrogée lorsque la question de la violence et des attentats est abordée. Est-ce à dire que le FLB, pourtant très influencé par de nombreux courants d’extrême-gauche, a une conception assez traditionnelle du genre et de l’implication féminine dans l’action armée ? De même, les liens avec l’écologie politique, notamment au moment du drame de l’Amoco Cadiz, paraissent extrêmement intéressants à démêler.

Cliché pris au début des années 1970. © Cinémathèque de Bretagne / Patrick Prado

Pour autant, il ne faut absolument pas interpréter ces interrogations comme une critique du film. Il est d’ailleurs bien évident qu’il est impossible de faire le tour d’un objet historique aussi complexe en deux documentaires de 52 minutes, aussi remarquables soient-ils. C’est au contraire l’une des plus belles qualités, si ce n’est la plus belle, du travail d’Hubert Béasse que d’amener à réfléchir et à, peut-être, espérons-le en tous cas, susciter d’autres travaux sur la période.

Nous ne pouvons donc que vous conseiller de regarder ces deux documentaires qui, à n’en pas douter, feront date. Alors vendredi soir, tous à vos téléviseurs à 23 heures devant France 3 Bretagne!

Erwan LE GALL