Les vacances bretonnes de Georges Pompidou

Les politiciens de haut niveau ne sont jamais en vacances. De Robert Boulin, dont la chute débute avec l’acquisition d’une résidence secondaire dans le Sud de la France, à Nicolas Sarkozy et ses quelques jours passés sur le yacht d’un milliardaire breton, nombreux sont ceux qui peuvent en témoigner. A commencer par Georges Pompidou qui fut, rendu à un certain point de sa carrière, obligé de quitter sa villégiature tropézienne pour l’austère Cornouaille.

Georges Pompidou, lors d'un bain de foule. Collection particulière.

Normalien, agrégé de lettres, Conseiller d’Etat puis directeur général de la banque d’affaires Rothschild, Georges Pompidou entre définitivement en politique à la faveur du retour aux affaires du général de Gaulle, en 1958. Tous deux se connaissent en effet depuis le Gouvernement provisoire de la République française où, chargé d’une mission sur l’Education nationale, le jeune enseignant en classes préparatoires est remarqué par l’homme du 18 juin. Pour autant, Georges Pompidou ne suit par le Général dans sa « traversée du désert » et observe à distance la création du RPF. Sans doute la politique n’est-elle alors qu’une aventure révolue pour cet homme à la culture exigeante, réputé pour ses goûts aussi sûrs qu’éclectiques, allant des humanités les plus classiques aux plus précurseurs des artistes contemporains.

Georges Pompidou reste néanmoins jusqu’au début des années 1960 dans l’ombre de l’homme du 18 juin, en étant son directeur de cabinet à l’Elysée : au sommet de l’état le jour mais ne refusant pas de côtoyer le tout Paris des artistes et des affaires le soir, habitude prise alors qu’à la tête de la banque Rothschild. L’été, l’Auvergnat de naissance se repose à Saint-Tropez, villégiature chic et glamour par excellence. Certes, le mode de vie de celui qui devient premier ministre en 1962 n’est pas nécessairement « bling-bling », à l’exception peut-être d’une Porsche blanche. Il est celui d’un homme ayant réussi, ayant gagné très confortablement sa vie et fréquentant les milieux de la très haute-bourgeoisie. L’été, on le voit jouer aux boules, comme le ferait un simple touriste.

Mais le problème est que ce terrain de pétanque est situé à Saint-Tropez, petit port dont l’image associée, notamment, à la voluptueuse Brigitte Bardot, ne sied que peu au modeste train de vie que se doit d’afficher – pour ne pas dire de feindre – un homme d’Etat. La légende prétend d’ailleurs que c’est le général de Gaulle qui aurait suggéré à Georges Pompidou d’abandonner la Provence pour une destination moins « paillettes ». Si l’anecdote n’est semble-t-il pas avérée, il n’en demeure pas moins que c’est en Bretagne, et plus précisément encore à Fouesnant, que le futur Président de la République prend désormais ses congés d’été.

A Fouesnant, Georges et Claude Pompidou sur la plage. Cliché: Agence France Presse.

Il ne faudrait pas pour autant en déduire que ce choix de villégiature est uniquement dicté par des considérations politiques, pour ne pas dire de communication. L’attachement des Pompidou à la Bretagne est réel et, même après la mort de Georges, Claude, sa femme, y viendra elle-même régulièrement. Néanmoins, ce changement radical interpelle d’autant plus que l’image recherchée, c’est-à-dire les valeurs d’authenticité et de simplicité traditionnellement attachées au terroir breton, contraste singulièrement avec les réalités des pratiques touristiques. La Baule n’est pas beaucoup moins « tape à l’œil » que Saint-Tropez et depuis le début du XXe siècle l’élite intellectuelle parisienne vient se ressourcer sur la pointe de l’Arcouest, non loin de Paimpol, à tel point que la localité est surnommé « Sorbonne-Plage » ! Les Pompidou n’abandonneront d’ailleurs pas complètement le Midi. Parvenu à l’Elysée, c’est désormais à Brégançon, sur le célèbre fort, qu’ils y passeront quelques jours sous le chaud soleil méditerranéen.

Erwan LE GALL