René Vautier, un cinéaste militant

Le septième art est véritablement éclectique. Quoi de commun entre une œuvre à forte dimension esthétique, comme le cinéma surréaliste de Luis Buñuel par exemple, et une comédie réalisée dans un esprit de divertissement populaire, dont la trilogie de La 7e Compagnie est un bel exemple ? Pas grand-chose à vrai dire. Mais le cinéma sait aussi se faire militant à travers des documentaires, tout comme des œuvres de fiction. Le Breton René Vautier est à ce titre l’un des plus illustres cinéastes à s’inscrire dans cette veine.

Carte postale. Collection particulière.

Il est né le 15 janvier 1928 à Camaret, cette commune littorale de la presqu’île de Crozon. Son père est ouvrier et sa mère institutrice. Son adolescence est forgée par le scoutisme laïc des Eclaireurs de France. Sous l’Occupation, René et son frère Jean prennent la tête du clan René-Madec qui réalise des opérations de résistance dans le sud-Finistère. A la Libération, âgé de seulement 16 ans, il est décoré de la Croix de Guerre avec palme et est cité à l’ordre de la Nation pour faits de Résistance par le général de Gaulle. Une fois le lycée achevé à Quimper, René Vautier entame des études à Paris au sein de l’Institut des hautes études cinématographiques (IDHEC), une école fortement marquée à gauche, proche du Parti communiste. Diplômé, René Vautier devient un cinéaste militant.

Il est d’abord un militant anticolonialiste et ce dès son premier film tourné en AOF en 1949, sous la commande de la Ligue française de l’enseignement. Le documentaire Afrique 50 dénonce avec force le système de domination coloniale qu’exerce l’Empire français en Afrique1. Un film coup de poing qui vaut à son réalisateur 13 inculpations et une peine d’un an de prison. Malgré cela, René Vautier devient le porte-voix des colonisés. En 1956, il intègre les maquis algériens qui luttent pour leur indépendance. Il réalise ainsi plusieurs films et documentaires sur la guerre d’Algérie : L’Algérie en flammes (1958), Peuple en marche (1963). Mais c’est surtout Avoir vingt ans dans les Aurès qui marque le sommet de sa carrière, en 1972, avec l’obtention du Prix de la critique internationale au Festival de Cannes. Dans ce film de fiction, dans lequel jouent notamment Philippe Léotard et Alexandre Arcady, Vautier se donne pour but de montrer comment des appelés du contingent bretons deviennent progressivement des « criminels de guerre », selon ses propos, face à l’âpreté des combats contre les fellaghas.

René Vautier est aussi un militant breton, qui pense le rapport entre sa région de naissance avec l’Etat français à travers une grille de lecture anticolonialiste. Dès 1950, Vautier raconte la répression policière sur les ouvriers bretons qui œuvrent à la reconstruction de la ville de Brest, qui n’est alors qu’un vaste chantier à ciel ouvert. A l’appel de la CGT locale, le cinéaste filme les obsèques d’un jeune militant brestois, Edouard Mazé, tué par balles au cours d’une manifestation. Outre le tournage d’un documentaire sur la lutte en cours dans la cité du Ponant, Vautier projette son travail sur les différents piquets de grève, jusqu’à l’usure totale de la pellicule. Il ne reste ainsi aucune copie du film Un homme est mort. En 1970, Vautier répond au slogan régionaliste « Vivre et travailler au pays » par la création de l'Unité de production cinématographique Bretagne (UPCB). Il réalise au cours de la décennie plusieurs films militants sur la Bretagne : Mourir pour des images (1971) qui évoque le tournage tragique d’un documentaire sur l’île de Sein, Quand les femmes ont pris la colère (1977, réalisé avec Soazig Chappedelaine) qui retrace les luttes ouvrières de 1975 au sein de l’usine Tréfimétaux à Couëron en banlieue nantaise, ou bien Marée noire, colère rouge (1978) qui dénonce les mensonges qui ont entouré le naufrage de l’Amoco Cadiz.

René Vautier. Crédits: radio-univers.com.

Si à partir des années 1980, sa vision d’un cinéma militant fait moins recette, René Vautier continue pour autant de tourner plusieurs films sur le racisme, l’extrême-droite, ou la pollution environnementale. A sa mort, survenue le 4 janvier 2015 à Cancale, les hommages sont dithyrambiques. Il serait même devenu une part « du patrimoine du cinéma français »2. Comme si la mémoire venait effacer l’histoire d’un cinéaste militant loin de faire l’unanimité à son époque…

Thomas PERRONO

 

 

1 Le documentaire Afrique 50 est visible en intégralité sur Youtube.

2 « René Vautier. "Il fait partie du patrimoine du cinéma français" », Ouest-France, 04/01/2015, en ligne.