Et Vercel fut Goncourt

Le numéro du 11 décembre 1934 du quotidien L’Ouest-Eclair tient assurément une place à part dans l’histoire de ce quotidien, et de la Bretagne en général. En effet, ce jour, le journal rennais annonce fièrement le triomphe de l’un de ses collaborateurs réguliers, Roger Vercel, à qui la prestigieuse académie Goncourt vient tout juste de décerner son fameux Prix pour son roman Capitaine Conan.

Roland Dorgelès annonce le lauréat du Prix Goncourt 1934. Photographie publiée par L'Ouest-Eclair dans son édition du 11 décembre 1934. Archives Ouest-France.

Pour L’Ouest-Eclair, et à la différence de la Dépêche de Brest qui ne traite que laconiquement l’information, l’évènement est d’importance et est bien évidemment placé en première page. On pourra certes remarquer que l’article est légèrement convenu, accordant une large place au folklore de la remise du Prix Goncourt : le lecteur n’ignore ainsi rien du traditionnel menu des membres de l’académie siégeant au fameux restaurant parisien Drouant, de même il découvre la frénésie qui soudain s’empare du lauréat, assailli par des meutes de reporters voulant les premiers saisir les impressions de l’heureux élu. A dire vrai, on ne peut qu’être émerveillé par une telle constance puisque ce sont précisément les mêmes scènes qui, 80 ans plus tard, sont rituellement rejouées à chaque remise du fameux Prix.

Mais si ce Goncourt est, en cette année 1934, d’une telle importance pour L’Ouest-Eclair, c’est qu’il couronne un auteur aux multiples dimensions locales, ce que ne manque pas de rappeler le reporter chargé de couvrir l’évènement : « Après avoir lancé un télégramme de félicitations à Roger Vercel qui n’est point à Paris mais à Dinan, comme si aucun évènement ne devait se produire, je m’évertue à l’atteindre par téléphone afin de lui confirmer l’heureuse nouvelle dont l’honneur rejaillit sur L’Ouest-Eclair et sur tout le pays de l’Ouest, car Roger Vercel, on le sait, est professeur de première au lycée de Dinan où il prépare des jeunes gens au baccalauréat ».

Petit mot manuscrit à l'intention des lecteurs de L'Ouest-Eclair publié dans l'édition du 11 décembre 1934. Archives Ouest-France.

Mais, plus encore que cette double activité d’enseignant et d’éditorialiste, c’est bien son sujet qui ancre profondément Roger Vercel en Bretagne puisqu’au téléphone il prend soin de rappeler au journaliste de L’Ouest-Eclair que son héros, le Capitaine Conan, « il est Breton ». On pourrait même ajouter qu’à ce moment, l’œuvre de l’écrivain, né au Mans et ayant fait ses études à Caen, est déjà très imprégnée par cette région puisqu’il a déjà publié deux romans maritimes qui, peu ou prou, s’inscrivent dans cet imaginaire local. En dérive, publié en 1931, et Au large de l’Eden, sorti l’année suivante, traitent tous deux de la grande pêche morutière en Atlantique nord et s’inscrivent dans un même port d’attache, Saint-Malo. Viendront ensuite bien d’autres œuvres se rapportant elles aussi à la Bretagne, parmi lesquelles la sublime Caravane de Pâques dont l’intrigue se noue sur les quais du port de la Houle, à Cancale. Autant de romans qui, à l’évidence, assurent à Roger Vercel une place éminente au panthéon des écrivains bretons, aux côtés des Pierre Jakez Hélias, Henri Quéffelec et autres Max Jacob.

Erwan LE GALL