Pierre-Jakez Hélias : né en 1914

On ne le redira jamais assez : 2014 est une année extrêmement riche en anniversaires : le centenaire du déclenchement de la Première Guerre mondiale, le soixante-dixième anniversaire de l’année 1944, si déterminante pour l’histoire de la Seconde, mais également pour la Bretagne, le cinq-centième anniversaire de la mort de la duchesse Anne et le centenaire de la naissance de celui qui compte probablement, avec Anatole Le Braz et Henri Queffélec, parmi les plus grands écrivains bretons : Pierre-Jakez Hélias.

On connait l’histoire de l’auteur du Cheval d’orgueil : né le 17 février 1914, enfant de paysans pauvres du pays bigouden, il se distingue très tôt par l’excellence de ses résultats scolaires. D’abord élève de classe préparatoire au Lycée de Rennes, où il a pour camarade un certain Paul Ricœur, il poursuit ses études à l’université et fréquente des intellectuels tels que François Vallée, Louis Guilloux et Max Jacob. Devenu enseignant, il rencontre Jean Vilar et Jean Guéhenno …

Pierre-Jakez Hélias. UBO/CRBC

Mais le succès de Pierre-Jakez Hélias est indissociable d’un certain retour à la Bretagne, d’une nouvelle visibilité de l’idée régionale; mouvement s’incarnant aussi bien dans la musique d’Alan Stivell que dans le travail de collecte menée par l’association Dastum. Assez révélateur est à cet égard le fait que c’est à la demande de Jean Mallaurie, célèbre ethnologue fondateur de l’emblématique collection Terre Humaine, que Pierre-Jakez Hélias publie ce récit autobiographique qu’est Le Cheval d’Orgueil.

Le considérable succès de cet ouvrage, tiré à plus de 3 millions d’exemplaires et traduit en une vingtaine de langues, témoigne d’une certaine réaction à la modernité. En effet, avec le « miracle breton » des années 1950-1980, avec Citroën, l’industrie agro-alimentaire, les télécoms et les navires lancés par les chantiers navals de Saint-Nazaire, la région se trouve définitivement raccrochée au wagon de la modernité. La situation était d’ailleurs telle que certains historiens n’hésitent pas à parler à propos de la Bretagne d’un long XIXe siècle qui ne prendrait réellement fin qu’avec le début des Trente glorieuses.

Mais cette modernité qui débarque, c’est aussi un monde ancien qui disparait. Et le succès du Cheval d’orgueil ne peut pas ne pas se comprendre sans cette dualité, à l'origine de certaines controverses. C’est ainsi par exemple que Xavier Grall écrit Le Cheval couché, réponse cinglante au « folklorisme fossilisant » de Pierre Jakez Hélias. Or ces deux ouvrages ont beaucoup plus en commun qu’il n’y parait de prime abord puisque tous deux témoignent de la vigueur du renouveau breton au cours de ces 1970. Un renouveau qu’incarnent plus Glenmor et Eric Tabarly que le Front de libération de la Bretagne ou l’Union démocratique bretonne.  Cette Bretagne, c’est en effet bien plus par la lutte culturelle que par le combat politique qu’elle se régénère, et c’est aussi ce que rappelle l’étonnant succès du Cheval d’orgueil.

Erwan LE GALL