La Bretagne et la naissance du permis de conduire

L’histoire de l’armée française pendant la Première Guerre mondiale est celle d’une mécanisation constante puisque l’on passe d’un fantassin en pantalon rouge se déplaçant à pied en 1914 à un champ de bataille parcouru par les tanks et les avions en 1918. Pour autant, si le conflit constitue une période assurément exceptionnelle, il n’est pas non plus hors du temps et ce mouvement consacrant le cheval vapeur comme force motrice se poursuit une fois le Traité de Versailles entré en vigueur. Or ceci n’est pas sans poser de nombreux problèmes en termes de sécurité routière.

Permis de conduire. Collection particulière.

C’est d’ailleurs bien parce que la qualification des utilisateurs d’automobiles semble globalement faire défaut que l’Etat instaure en France en 1921 un Code de la route puis l’année suivante un véritable permis de conduire, titre se substituant aux certificats de capacité apparus à la fin du XIXe siècle et aux diverses réglementations locales. C’est ainsi qu’en 1899 la municipalité de Rennes, en 1899, prend un arrêté limitant « dans l’intérieur du périmètre de l’octroi » la vitesse des automobiles à 10km/heure et interdisant leur circulation « sur les trottoirs des rues »1. Si les autorités sont contraintes à légiférer de la sorte c’est que, malgré un parc au départ assez réduit, les voitures – et surtout leurs conducteurs – apparaissent comme des fauteurs de troubles à l’ordre public, fauteurs qui par ailleurs font les choux gras de la presse locale qui se délecte de ces faits divers. Le quotidien rennais L’Ouest-Eclair en est une bonne illustration, lui qui, dès sa naissance en 1899, se fait l’écho de nombreux accidents de la route dont l’incendie d’une  « voiture à pétrole à Lamballe », dans les Côtes-du-Nord2.

Une vingtaine d’années plus tard, la nouvelle réglementation instaure des dispositions qui sont toujours à l’œuvre un siècle plus tard. Ainsi le permis de conduire devient obligatoire et ne peut être délivré qu’aux personnes âgées de plus de 18 ans. De même est imposée une certification spéciale pour les véhicules pesant plus de 3 000kg en charge. Parallèlement, des dispositions sont prises pour autoriser en cas d’infraction le retrait du dit permis, notamment « dans le cas de contravention aggravée par l’ivresse du conducteur »3.

Mais, si cette réglementation apparait très moderne, posant les bases de celle que l’on connaît aujourd’hui, elle ne doit pas conduire à passer outre les caractéristiques des usagers du réseau routier breton du début des années 1920. C’est d’ailleurs ce que rappelle un article publié par L’Ouest-Eclair au tout début de l’année 1922, court texte regrettant qu’aucune « disposition n’a été prise pour documenter les populations rurales » et se faisant par la même occasion l’écho de l’initiative prise par L’Automobile Club de l’Ouest pour les informer4. Or loin d’être destinés aux automobilistes, ces quelques conseils – régime de priorité, éclairage… – s’adressent aux conducteurs d’attelage et autres engins hippomobiles qui doivent partager la route avec le cheval vapeur !

Carte de sociétaire de l'Automobile Club de l'Ouest. Collection particulière.

Un tel article rappelle que si l’entre-deux guerre voit effectivement le déclin de la traction attelée, celle-ci demeure très importante en Bretagne au début de la période. Une telle cohabitation entre animal et cheval vapeur n’est bien entendu pas sans poser des problèmes qui, au final, relèvent d’une certaine éducation à la route. Et c’est d’ailleurs bien ce que rappelle l’Automobile Club de l’Ouest qui plaide pour que « le Code de la route soit enseigné dans nos écoles et que ses principes soient connus de toute la génération de demain ». Une revendication encore portée au début du XXIe siècle par les inspecteurs du Code la route.

Erwan LE GALL

 

 

 

1 « Automobiles », L’Ouest-Eclair, Première année, n°69, 9 octobre 1899, p. 3.

2 « Automobile en feu », L’Ouest-Eclair, Première année, n°53, 23 septembre 1899, p. 3.

3 « Nouveau règlement sur la circulation des véhicules automobiles », L’Ouest-Eclair, 24e année, n°8670, 4 octobre 1922, p. 2.

4 « A propos du Code de la route », L’Ouest-Eclair, 22e année, n°7337, p. 2.