« La fête des rois » : le marronnier de la nouvelle année

Votre estomac est à peine remis des agapes pantagruéliques des fêtes de Noël et du jour de l’an ? Voici venu le temps  de l’Epiphanie et de sa traditionnelle « fête des rois très populaire […] à cause de la fameuse galette qui contient, ainsi que le veut l’antique coutume, la fève d’une éphémère royauté ».1 A feuilleter la presse régionale du début du XXe siècle, qui n’hésite pas à clamer : « vive la tradition de la galette des rois ! »2, on se rend vite compte que ce cérémonial constitue de longue date un magnifique marronnier journalistique.

Carte postale. Collection particulière.

Si cette fête a des origines religieuses indéniables, puisqu’elle  se déroule tous les 6 janvier, à l’occasion de l’Epiphanie qui célèbre la visite des rois Mages (Gaspard, Melchior et Balthazar) à l’enfant Jésus,  la célébration des rois semble également réunir plusieurs traditions aux origines diverses. En 1931, L’Ouest-Eclair fait remonter la tradition de la galette des rois « au XVe siècle ». « Une vielle chronique » rapporte :

« On s’asseyait en rond autour d’une immense galette et, lorsque la fève se trouvait enfin aux mains d’un des invités, on lui passait une couronne en papier et le gobelet en métal […] puis tout le monde se levait pour s’écrier : "Le Roi boit, le Roi boit, vive le Roi !" »

Une fête des rois qui n’oublie pas pour autant les reines, d’après le quotidien rennais : « sous Louis XIV, la coutume de tirer les Rois et d’élire les Reines fut en grand honneur. » Comme en 1648, quand des femmes de la Cour partagèrent un « gâteau des rois » en compagnie de la reine-mère Anne d’Autriche : « elles l’arrosèrent d’Hippocrate [en réalité de l'hypocras], vin sucré à la cannelle et […] crièrent avec entrain : "La Reine boit !" chaque fois que l’élue buvait. »4 En fait, cette « antique coutume » d’une « royauté éphémère » d’une année pourrait même remonter à beaucoup plus loin, jusqu’à la fête romaine des Saturnales. En effet, on y pratiquait alors l’inversion des rôles sociaux, en élisant notamment un roi d’un jour à l’aide d’une fève dans un gâteau.

Une tradition du gâteau ou de la galette des rois qui se serait donc perpétuée jusqu’à l’époque contemporaine. D’ailleurs, l’édition 1931 du journal L’Ouest-Eclair donne même une recette de galette à base de pâte feuilletée, sans frangipane celle-ci… mais avec l’incontournable fève !5 Dans une perspective d’histoire du genre, on notera que cette recette prend place dans la « page de la femme », juste à côté d’un article sur « la parure des fenêtres ». Dans l’entre-deux-guerres, les schémas familiaux sont encore ceux de la femme aux fourneaux et de la fée du logis

Carte postale. Collection particulière.

La célébration des rois est également perçue vue comme une fête de « gourmets », étant donné qu’elle est « avant la mi-carême, la dernière fête "pour l’estomac" ».6 Mais plus encore comme une fête familiale. La presse semble d’ailleurs se lamenter que « comme toutes les traditions, la fête des rois semble disparaître peu à peu. On ne peut que les regretter, les fêtes de famille deviennent si rares ! »7 Pourtant, en ce début de XXIe siècle, à voir les étals des boulangeries et des supermarchés, on peut affirmer que cette fête des rois à gardé toute sa vigueur !

Thomas PERRONO

 

 

 

 

1 « La fête de l’Epiphanie », L’Ouest-Eclair, 06/01/1933, p. 9.

2 « La fête des rois », L’Ouest-Eclair, 06/01/1934, p. 9.

3 « La galette des rois », L’Ouest-Eclair, 02/01/1931, p. 9.

4 Ibid.

5 Ibid.

6 « La fête de l’Epiphanie », art. cit.

7 « La fête des rois », L’Ouest-Eclair, 06/01/1932, p. 7.