La violence des Chemises noires italiennes vue de Bretagne en 1922

La période de l’entre-deux-guerres est marquée par la montée des totalitarismes en Europe. Les programmes scolaires accordent une place importante à cette thématique et mettent très largement en évidence la violence avec laquelle certains groupuscules imposent leurs convictions, comme les Chemises brunes en Allemagne, ou les Chemises noires en Italie. Ces noms, tristement gravés dans la mémoire collective, ne sont pas ignorés par les contemporains. Et pour cause, la presse de l’époque dénonce régulièrement les excès dont ils font preuve. En témoigne cet article publié dans L’Ouest-Eclair, le 2 novembre 1922, et dont le titre ne laisse aucun doute sur son contenu : « M. Mussolini gronde et les chemises noires cassent des vitres »1.

Les Chemises noires, Mussolini et la Marche sur Rome. Carte postale. Collection particulière.

Il faut tout d’abord remettre l’article dans son contexte. Quelques jours plus tôt, le 28 octobre, les fascistes entament une marche sur Rome qui porte Benito Mussolini au pouvoir. Mais le triomphe du Duce est très largement perturbé par les violences commises par les Chemises noires. Ce sont ces dernières qui sont relatées par L’Ouest-Eclair. Le quotidien breton n’est d’ailleurs pas surpris par ce qui se passe en Italie, assurant que

« les fascistes marquent une tendance à reproduire les gestes dépourvus de mesure dont les pays à pronunciamientos sont coutumiers. Le chef parle en dictateur – et de quel ton courroucé ! – pendant que les troupes s'attardent un peu trop aux joies de l'action directe. »

Plus loin, le journal précise que de nombreux morts et blessés sont à déplorer à la suite de ces « excès » commis « par les chemises noires, tant à Milan et dans d'autres villes de province qu'à Rome ». Les communistes et les socialistes sont les premières victimes de la chasse à l’homme. A Rome, le journal indique que les « fascistes se sont […] livrés à des voies de fait sur des socialistes et des communistes en plusieurs endroits ». Des « coups de feu » sont mêmes échangés dans la capitale italienne entre « fascistes et communistes ». A Milan, c’est

« une bombe [qui] a été lancée sur un train de fascistes passant à la gare de Caserta. L'engin a éclaté. Il y a des tués et des blessés. »

Les Chemises noires s’en prennent également aux consulats de Grèce et des Etats-Unis, ainsi qu’à l’ambassade de France domiciliée au Palais Farnèse. A chaque fois le procédé est le même : un groupe d’hommes, d’un ton menaçant, exige que le drapeau italien soit hissé à l’entrée des bâtiments diplomatiques. Ces dérives jettent évidemment le discrédit sur le nouveau pouvoir qui ne tarde pas à réagir. Selon le quotidien breton, des dirigeants fascistes viennent s’excuser dès le lendemain auprès de l’ambassadeur français Camille Barrère.

Mussolini et ses Chemises noires en 1922. Collection particulière.

Un tel article n’est certainement pas sans conséquence sur la représentation que les contemporains se font du fascisme. Nul n’ignore alors les méthodes violentes utilisées par les Chemises noires afin de favoriser l’arrivée au pouvoir de Mussolini. Quelques années plus tard, dans le lourd contexte des années 1930 – notamment en 1934 et en 1936 –, ces représentations joueront un rôle déterminant pour dénoncer « la menace fasciste » qui plane alors sur la France et sur la Bretagne.

Yves-Marie EVANNO

 

1 « M. Mussolini gronde et les chemises noires cassent des vitres », L’Ouest-Eclair, 2 novembre 1922, p. 1.