France-Allemagne(s), 1870-1871. La guerre, la Commune, les mémoires

Depuis le 13 avril et jusqu’au 30 juillet 2017, le Musée de l’Armée propose une exposition temporaire consacrée à la Guerre de 1870, à la Commune ainsi qu’à l’héritage de ce conflit d’une importance cruciale dans l’histoire du XIXe siècle. Cette place capitale, tant au niveau politique, diplomatique que culturel, est très bien mise en avant par la muséographie. Cette guerre est présentée comme un point de bascule capital pour l’Allemagne, la France mais également l’équilibre des puissances européennes.

L'Enigme de Gustave Doré, peinture allégorique représentant l'Humanité confrontée aux horreurs de la défaite et, plus généralement, à sa propre fin. Prêt du Musée d'orsay à celui de l'Armée pour cette exposition. Wikicommons.

Ainsi, l’exposition montre bien toute la complexité de l’organisation politique allemande à la veille du conflit : un État unifiant les Allemands ne va pas de soi, et cette construction politique a donné lieu à des conflits avec le Danemark en 1864, ainsi qu’avec l’Empire d’Autriche en 1866, également appelée guerre fratricide dans l’historiographie allemande (Deutscher Bruderkrieg). Autant de tensions bien documentées dans le parcours et illustrées par les toiles allemandes représentant les batailles de ces guerres d’unification. Du côté français, le Second Empire a certes été plébiscité le 8 mai 1870, mais la politique étrangère de Napoléon III n’en est pas moins erratique, et la contestation sociale toujours vive. Ce sont ces deux régimes qui entrent en guerre en juillet 1870.

Après l'évocation de la confrontation diplomatique culminant avec la dépêche d'Ems, le propos de l’exposition se concentre sur les deux temps de la guerre : la fulgurante victoire de l’armée allemande puis les tentatives de renversement du cours du conflit par les armées de la Défense nationale de la République récemment proclamée. La muséographie rend compte de manière très pédagogique et claire du déroulement des opérations au moyen d’infographies de grande qualité. Celles-ci valorisent également les progrès techniques mis au service des belligérants durant le conflit, comme par exemple la mitrailleuse Bollée ou les canons Krupp. Mais l’exposition fait également la part belle à la vie quotidienne des Françaises et Français pendant le conflit, et notamment durant le rude siège de Paris par l’armée allemande : bombardements, restrictions alimentaires, occupation du pays, etc. Le Musée de l’Armée est ici largement servi par la richesse de ses collections.

Lorsqu’il s’agit d’évoquer l’armistice, la Défense nationale, la Commune et l’occupation militaire de la France, des infographies détaillées permettent de saisir la violence des combats dans les rues de Paris, lors de la répression de la Commune tandis que des interfaces numériques proposent aux visiteurs de riches albums photos de régiments allemands occupant le pays. Les séquelles de la guerre et de l’insurrection parisienne sont également très bien documentées et illustrées par une collection de cliché urbains qu’on croirait tirés des paysages de désolation de la Grande Guerre ou des villes d’Europe centrale après la Seconde Guerre mondiale. Les visiteurs familiers des rues de Paris seront frappés de retrouver des places et avenues connues meurtries par les bombardements et pourront de même découvrir les redoutes et forts défensifs de la capitale française.

Image patriotique. Collection particulière

La mémoire et les conséquences de ce conflit dans le temps long de l’histoire sociale, diplomatique et politique de la France et de l’Europe sont évoquées en fin d’exposition. Les Bretons de passage dans l’exposition seront peut-être attirés par le livre de Camille Le Mercier d’Erm, L’Étrange Aventure de l'Armée de Bretagne : le drame de Conlie et du Mans. On pourra toutefois regretter que cette exposition n’ait pas mis plus en avant les armées de la Loire, de Bretagne, de l’Est, ces troupes issues d’une levée en masse qui se réclama des soldats de l’An II. Il n’en demeure pas moins que le musée de l’Armée offre une nouvelle fois une exposition de grande qualité, didactique et très riche qui vaut très largement le détour.

Gwendal PIÉGAIS

 

France-Allemagne(s), 1870-1871. La guerre, la Commune, les mémoires. Jusqu'au 30 juillet 2017, Musée de l'Armée, Paris.