Les Leçons de l’Artilleur

Après des semaines d’un temps maussade alternant froid, grisaille et pluie, voire même de la neige, le week-end dernier fut marqué par un beau soleil attendu de longue date. Immédiatement, les terrasses furent envahies pour autant de bien agréables séances de déjeuner en plein air.  Revenu d’une de ces agapes, déambulant en centre-ville, mon œil est irrémédiablement attiré par l’étal d’un bouquiniste. Rien de particulier à dépeindre, juste la sensation qu’il y a là, sur ces quelques tréteaux, un livre dont j’ignore encore l’existence mais qui va s’avérer indispensable. Comme aimanté, je commence à farfouiller pour, au bout de quelques instants, tomber sur un manuel d’instruction pour la manœuvre du canon de 75. Je sors quelques euros et en deviens l’heureux propriétaire. Mon instinct ne s’est, encore une fois, pas trompé !

Les Leçons de l'artilleur.

Ecrit par le « commandant breveté Laffargue de l’infanterie » et le « capitaine Moureton de l’Artillerie », ces Leçons de l’artilleur, sous-titrées Le livre du canonnier avec la manœuvre illustrée du 75, sont d’un grand intérêt pour qui s’intéresse à l’histoire militaire. C’est notamment le cas pour l’artillerie, une arme technique qui emploie un vocabulaire spécifique qui n’est pas nécessairement aisé d’acquérir. Or c’est précisément ce que vous permet ce type de manuels.

Pour ne citer qu’un exemple, le terme de batterie est, pour l’artillerie, particulièrement important. Le très utile lexique des termes employés en 1914-1918 consultable sur le site du CRID 14-18 définit ainsi la batterie comme étant un « ensemble coordonné de canons, faisant partie d’un régiment d’artillerie ».

Cette définition est un petit peu vague. En réalité, un régiment d’artillerie de campagne est en théorie constitué de trois groupes d’artillerie (l’équivalent d’un bataillon d’infanterie), eux-mêmes subdivisés en 3 batteries (assimilables à des compagnies) de 4 canons chacune. Telle est notamment la constitution du 7e régiment d’artillerie de campagne en août 1914. Cette unité nous est d’ailleurs connue grâce au témoignage récemment publié de Jean Leddet qui indique que sa batterie regroupe 120 hommes et 65 chevaux. Plus petit échelon organisationnel de l’artillerie, la batterie n’en demeure pas moins un élément vaste, à la mesure de l’ampleur du recrutement de l’armée en 1914.

Les Leçons de l'artilleur. Détail de la couverture.

Mais la lecture de ces Leçons d’artillerie nous confirme que le terme de batterie ne s’applique pas qu’à l’organigramme d’un régiment. En effet, un canon est dit en batterie lorsque, la crosse reposant à terre, il est dirigé vers l’ennemi. Voilà une définition simple, précise, qui se révèle essentielle pour celles et ceux qui passent des heures à déchiffrer les journaux des marches et opérations des unités françaises pendant la Première Guerre mondiale !

Ce type d’ouvrage est d’autant plus utile que l’artillerie est une arme difficile à saisir tant les notions sont précises : ainsi des tirs fusant et percutants, minutieusement décrits, des fonctions de pourvoyeur, de tireur, de pointeur, de chargeur, des différentes pièces composant l'arme ...

Extrait de l'ouvrage.

Je suis donc d’autant plus satisfait d’avoir été irrémédiablement attiré par mon instinct vers cet étal de bouquiniste que le volume que j’ai acheté est visiblement celui de l’école de perfectionnement du 43e régiment d’artillerie divisionnaire ! C’est notamment ce qu’atteste un certain nombre de tampons et d’inscription au crayon. Si en plus on ajoute à cela le fait que j’ai payé cet ouvrage trois fois moins cher que ce que l’on peut trouver sur certains sites internet, alors oui, je suis plutôt content de mon week-end. ! Je ne peux donc que vous inviter à être des êtres faibles qui écoutent leur instinct et fouillent méticuleusement les échoppes des bouquinistes et des brocanteurs. Vous serez peut-être assujettis à vos pulsions, mais vous aurez une belle bibliothèque !

Erwan LE GALL