Camille Godet : un artiste entre guerre et paix

Sans doute l’exposition que le musée des Beaux-arts de Rennes a consacrée à Camille Godet au cours de l’été 2017 n’a-t-elle pas bénéficié de toute la publicité qu’elle méritait. Le catalogue qui en est issu permettra, aux Rennais comme aux autres, de (re-)découvrir cet artiste important pour la ville mais pas seulement1.

Le chantier, la pluie. Première moitié du XXe siècle. Crédit: Musée des Beaux-Arts de Rennes.

Né en 1879 et de ce fait un peu plus âgé que ses contemporains – sans doute mieux connus – que sont Mathurin Méheut et Jean-Julien Lemordant, Camille Godet est présenté dans ce riche volume à la fois comme un peintre, un dessinateur et un pédagogue en Bretagne. La dimension bretonne de son œuvre de peintre et de dessinateur n’échappera à personne : les nombreuses reproductions de ces dessins ou toiles de paysages en attestent, à l’instar des quelques grands décors qu’on lui doit, qu’il s’agisse des fresques de la Maison du Peuple à Rennes, commandées par Jean Janvier, d’ailleurs représenté sur l’une d’entre elles (p. 152 sq.), ou de celles de la mairie de Guéméné-Penfao, en Loire-Atlantique, moins connues, que l’on découvre donc ici avec plaisir (p. 162-169). L’intérêt porté par le peintre au monde du travail, agricole ou artisanal entre autres, son goût apparent pour le dessin des gestes techniques dans les métiers du bâtiment ou de la mer ne sont pas sans rappeler certains des travaux de Mathurin Méheut (p. 170-175) avec qui il partage d’ailleurs des qualités incomparables de coloriste.

Mais Godet est aussi un pédagogue, professeur de dessin industriel à l’école des Beaux-arts de Rennes à partir de 1914, puis directeur de l’école de préapprentissage de la rue Vasselot, toujours à Rennes. On comprend mieux alors son attrait pour le monde du travail, mais aussi la précision de certaines de ses représentations, quand bien même son œuvre artistique ne peut se limiter à ces seules dimensions techniques : il en connait cependant les codes, les principes, ce qui n’est pas sans conséquences, comme l’illustrent les pages d’un fort intéressant carnet de cours (p. 56-57).  

Sans doute pourtant est-ce l’œuvre de guerre que l’on retiendra ici. La Seconde Guerre, ponctuellement, illustrée par un « Rennes, 12 juin 1944 » (p. 188) où l’on peut voir un énorme panache de fumée au-dessus des toits de la ville, panache dû sans doute à un énième bombardement allié dans le quartier de la gare. Mais c’est bien la Première, la « Grande », qui se trouve superbement dessinée ou peinte par Godet qui, malgré son âge déjà avancé (35 ans en 1914), se porte volontaire et sert successivement au 10e escadron du train des équipages mobilisé à Fougères, à partir de 1917 au 7e régiment d’artillerie de campagne (parti de Rennes en 1914), et entre les deux au sein du service topographique du 10e corps d’armée (STCA 10), lui aussi rennais. Ses fonctions lui laissent, à l’instar d’un Charles Oberthür, peintre amateur, qui sert au 7e RAC, ou d’un Mathurin Méheut, qu’il côtoie au STCA 10, le temps de représenter la guerre, « sa » guerre, mais pas seulement. En offrant au lecteur de nombreuses reproductions des dessins, aquarelles ou peintures de cette période, souvent inédites, récemment exhumées de collections privées2, le catalogue permet de mesurer une fois encore la proximité des œuvres de Godet et de Méheut, la similitude de leurs pratiques aussi, notamment à travers les nombreux exemples de lettres illustrées.

Portrait de combattant de la Grande Guerre (détail). Crédit: Musée des Beaux-Arts de Rennes.

Là ne s’arrête pas le rapport à la guerre du peintre rennais. Alors que son homologue lamballais poursuit son œuvre par l’illustration de certains ouvrages, Godet s’affirme dans les décors commémoratifs. Le cas du Panthéon rennais est finement étudié ici, bien mis en perspective, tandis que le plus confidentiel salon « des poilus » de l’opéra de Rennes bénéficie d’un éclairage attendu.

Bref, on l’aura compris : ce catalogue convaincra nombre de lecteurs, admirateurs de la peinture bretonne de la première partie du XXe siècle comme passionnés de la Grande Guerre.

Yann LAGADEC

Camille Godet 1879-1966. Un peintre dessinateur et pédagogie en Bretagne, Gand, Snoeck, 2017.

 

1 Camille Godet 1879-1966. Un peintre dessinateur et pédagogie en Bretagne, Gand, Snoeck, 2017. Afin de ne pas surcharger inutilement l’appareil critique, les références à cet ouvrage seront dorénavant indiquées dans le corps de texte, entre parenthèses.

2 Certaines avaient déjà été présentées par Denise Delouche dans le numéro 30 de Place publique-Rennes, en 2014.