Maillols, architecte du logement

Du point de vue architectural, l’histoire de Rennes se résume probablement à trois noms. Le premier est assurément Jacques Gabriel, l’homme du plan de reconstruction de la ville (avec Forestier de Villeneuve) après le grand incendie de 1720. Le second est certainement Emmanuel Le Ray à qui l’on doit des œuvres aussi emblématiques que la piscine Saint-Georges, les halles centrales du boulevard de la liberté ainsi que de nombreux hôtels particuliers. Le troisième est indubitablement le moins connu et pourtant son empreinte sur la ville, et sur l’architecture de manière générale, est immense : il s’agit de Georges Maillols.

Né à Paris en 1913, il forge à partir de 1946 le paysage urbain rennais par ses réalisations : les Horizons, la Barre Saint-Just, la Caravelle ou encore le Trimaran surgissent sous sur sa planche à dessin. On ne peut dès lors que rendre grâce à Jean-Yves Andrieux et Simon Letondu de publier aux Presses universitaires de Rennes, en partenariat avec la Maison de l’architecture et des espaces en Bretagne, ce Georges Maillols architecte qui retrace la vie de ce grand rennais. Mais son œuvre dépasse grandement le cadre de l’histoire locale et c’est toute le mérite d’ailleurs des deux auteurs que de la replacer dans l’histoire de l’architecture française de la seconde moitié du XXe siècle.

Plus qu’un bâtisseur, Georges Maillols est un architecte du logement et sa production est à cet égard indissociable du déficit locatif que connait la ville au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Grande figure des Trente glorieuses, il participe également à la construction de la ZUP sud, aujourd’hui appelée Blosne, en réalisant la grande barre de la Binquenais et l’ensemble d’immeubles des Hautes-Ourmes. Enfin, l’ouvrage insiste sur la proximité de l’architecte avec son commanditaire, Georges Maillols ayant développé avec Henri Fréville une relation comparable à celle, à Lyon, de Tony Garnier et Edouard Henriot.

La construction des horizons. Archives municipales de Rennes: 14 Z, fonds Georges Maillols.

Pour les auteurs, Georges Maillols ne compte pas parmi les maîtres de l’architecture française de la seconde moitié du XXe siècle. C’est un propos que l’on pourra sans doute discuter mais qui, paradoxalement, fonde tout l’intérêt de cet ouvrage qui se doit de figurer dans la bibliothèque de tous les amoureux du patrimoine breton. En effet, Jean-Yves Andrieux et Simon Letondu constatent que l’histoire de l’architecture a tendance à s’attacher aux « grands patrons » pour « laisser dans l’ombre les architectes a priori moins prestigieux ». Et d’ajouter : « Si leurs œuvres sont en effet moins aisées à identifier et à documenter, force est pourtant d’admettre que ce sont elles qui composent, par leur nombre, leur intérêt, et leur variété, le paysage bâti du pays ». C’est donc une histoire de l’architecture par le bas que propose ce volume magnifiquement illustré. Une démarche audacieuse qui rend pleinement hommage au talent de Georges Maillols.

Erwan LE GALL

ANDRIEUX, Jean-Yves et LETONDU, Simon, Georges Maillols Architecte, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013.