Passer par la Normandie pour connaître le 41e RI de Rennes

Riche et profitable petit volume que ce livre que Jean-Yves Meslé, Marc et Sophie Pottier consacrent aux Normands dans la Grande Guerre1. En effet, en une trentaine de parcours individuels, cet ouvrage confirme d’une part la richesse des fonds privés d’archives de la Grande Guerre, d’autre part combien l’histoire de la Bretagne pendant ce confit peut se découvrir par des chemins détournés.

Carte postale. Collection particulière.

Celles et ceux qui s’intéressent au 41e régiment d’infanterie de Rennes seraient en effet bien inspirés de se procurer ce livre pour y découvrir deux parcours méconnus, celui du sous-lieutenant Hubert Morineau d’une part (p. 28-30), celui d’autre part de Marcel Gambier. Effectuant à partir d’octobre 1887 son service militaire au sein de cette unité, il y noue une amitié déterminante avec Henry Chéron, autre conscrit normand venu à Rennes pour son passage sous les drapeaux et qu’il suit dans son parcours politique. Et c’est ainsi que le binôme forgé sous les auspices du 41e RI atteint les sommets, Henry Chéron étant nommé sous-secrétaire à la Guerre dans le gouvernement Clemenceau en 1906, Marcel Gambier devenant son directeur de cabinet et suivant par la suite son ami dans tous ses postes ministériels jusqu’au 19 avril 1917, date de sa mort au front, quelques semaines donc avant, ironie de l’histoire, le retour de Clemenceau au pouvoir.

Ces deux parcours disent la formule de ce volume publié par les éditions OREP : à partir de fonds privés, issus de la Grande collecte menée par Europeana mais aussi d’archives restées pour certaines dans les familles, pour d’autres conservées dans les collections publiques, proposer un panorama de la Grande Guerre des Normands. Ce faisant, les auteurs montrent combien la Grande Guerre est un intense moment de brassage de populations. Les poilus partent bien entendu combattre dans des contrées dont ils ignorent tout ou presque, parfois bien au-delà des frontières de l’hexagone. Mais il y a également la question des réfugiés, belges notamment, abordée par l’intermédiaire d’un couvent de Clarisses repliées en Normandie (p.  58-60). Intéressantes, et du reste assez neuves nous semble-t-il, sont également les quelques pages consacrées aux travailleurs russes employés dans les haut-fourneaux caennais (p. 69-70).

Bien entendu, le volume n’est pas exempt d’erreurs et d’approximations. Chérubin Flambard n’est ainsi probablement pas affecté au 236e RIT mais au 236e régiment d’infanterie, une unité de réserve (p. 15). De la même manière, avouons notre circonspection quant au prétendu « oubli » entourant la bataille de Charleroi  (p. 27): certes, celle-ci est sans doute moins connue que Verdun ou la Somme mais les commémorations du centenaire, en 2014, ont montré combien vif reste le souvenir. Enfin, il est peu probable qu’Alphonse Milcent effectue 3 ans de service militaire puisque la loi du même nom n’est votée qu’en 1913, et qu’il est incorporé au 36e RI en 1910.

Carte postale. Collection particulière.

Mais ces détails importent finalement peu au regard des réelles qualités de l’ouvrage. Celui-ci réussit en effet le tour de force, grâce à une présentation soignée, de pouvoir intéresser tous les publics. Le lectorat peu au fait de la Grande Guerre trouvera avec ces pages un panorama attrayant, première approche qui à n’en pas douter invite à d’autres lectures, plus approfondies. Les fins connaisseurs du conflit, pour leur part, liront ce volume comme une succession de présentations de fonds d’archives qui, toutes, constituent autant d’appels à une consultation plus détaillée.

Erwan LE GALL

MESLE, Jean-Yves, POTTIER, Marc et Sophie, Les Normands dans la Grande Guerre, Bayeux, OREP Editions, 2018

 

 

 

 

 

1 MESLE, Jean-Yves, POTTIER, Marc et Sophie, Les Normands dans la Grande Guerre, Bayeux, OREP Editions, 2018.