Louis Bernicot autour du monde

La Bretagne est une terre de marins. Parmi les plus illustres on compte Eric Tabarly, Olivier de Kersauson, les frères Rallier du Baty ou encore Jean Le Cam. Mais aussi Louis Bernicot, décédé le 29 novembre 1952 en Dordogne, à Saint-Nexans. Indissociable de son célèbre côtre, Anahita, il est pourtant aujourd’hui complètement tombé dans l’oubli alors qu’il compte parmi les pionniers de la circumnavigation.

Né en 1883 à Saint-Antoine-de-Landéda, près de l’Aber-Wrac’h dans le Finistère, Louis Bernicot voit le jour à une époque où la marine à voile est en pleine mutation, cessant peu à peu d’être un outil de travail pour devenir un loisir, un vecteur de découverte du monde. Issu d’une famille de marins, son père est pilote, le jeune Louis ne voit pas d’autre perspective professionnelle que dans la mer. C’est ainsi qu’à l’issue de son service militaire on le retrouve sur le quatre-mâts barque Félix Faure, grand voilier de 99 mètres et jaugeant 2860 tonneaux qui assure le transport du nickel entre la Nouvelle-Calédonie et la France.

A partir de 1909, il continue à servir dans la marine marchande, y compris pendant la Première Guerre mondiale, mais ses navires ne sont désormais plus à voile. Son parcours est néanmoins brillant puisqu’il se voit confier quelques commandements, dont celui du Saint-Louis qui inaugure la ligne entre la France et le sud de l’océan Pacifique.

Louis Bernicot, photographié au Texas, en 1926. Wikicommons.

Mais cette vie cesse lorsqu’au début des années 1920 il pose son sac à terre pour mener une carrière administrative dans les bureaux de la compagnie générale transatlantique. Celle-ci est d’ailleurs loin d’être sédentaire puisqu’elle le mène en Louisiane, au Texas et en Guadeloupe.

Alors que vient la retraite, il s’installe dans une propriété achetée à Saint-Nexans, en Dordogne.

Anahita en 1937. Wikicommons.

Mais la vie de gentleman farmer le lasse et l’appel de la mer se fait sans cesse plus fort. Le projet de Louis Bernicot est de faire le tour du monde en solitaire sur un voilier qu’il dessine lui-même : Anahita. Construit à Carantec, ce côtre mesure un peu plus de douze mètres et est d’une étonnante modernité lorsque l’on considère sa simplicité générale – parfaite pour un équipage réduit – et son roof en verre permettant d’observer la mer de l’intérieur du cockpit, sans sortir. Un détail qui n’est pas sans rappeler la casquette que l’on retrouve sur les actuels monocoques de course.

Avec Anahita, la déesse des eaux de la mythologie perse, Louis Bernicot s’élance en décembre 1936 dans une circumnavigation qu’il est seulement le second français à accomplir après Alain Gerbault.

Son périple l’emmène notamment par Mar del Plata en Argentine, l’île de Pâques, Tahiti, Maurice, Durban puis les Açores pour finalement accoster à la Pointe de Graves, le 30 mai 1938.

Curieusement, cette sensationnelle aventure ne fait pas la une des journaux. L’Ouest-Eclair l’évoque occasionnellement, d’un petit encart, lors d’escales au Chili ou à la Réunion. C’est d’ailleurs moins pour l’exploit en lui-même que pour flatter la fierté régionale que la croisière d’Anahita est mentionnée par le journal rennais : Louis Bernicot y est décrit comme un « rude marin breton », on insiste sur le fait qu’il soit parti de Carentec1.

Dans ces conditions, il ne faut sans doute pas s’étonner que le retour d’Anahita s’effectue dans une relative discrétion. Louis Bernicot reçoit bien la médaille d’honneur de la ville de Bordeaux ainsi qu’un prix de l’académie du sport mais on ne peut pas parler de réelle notoriété. Le livre qu’il sort pour conter ses aventures demeure ainsi relativement confidentiel, même s’il compte aujourd’hui parmi les classiques absolus de la littérature maritime. Mais il est vrai que celui-ci est publié par Gallimard en 1939…

Erwan LE GALL

1 « Parti de Carentec, un navigateur solitaire atteint le littoral chilien », L’Ouest-Eclair, n°14 689, 26 janvier 1937, p. 2 ; « A bord d’un côtre de dix mètres, un marin breton fait le tour du monde », L’Ouest-Eclair, n°14 979, 13 novembre 1937, p. 1.