Le salon nautique : un indicateur original

L’industrie du nautisme est un secteur important pour l’économie française, et singulièrement bretonne : des cirés Guy Cotten aux navires de course construits chez Multiplast à Vannes, en passant par des dizaines de voiliers et autres entreprises d’accastillage. Le salon qui se tient tous les deux ans à la Porte de Versailles à Paris est d’ailleurs une vitrine de cette économie qui sent bon le grand large. Une situation qui n’est en rien nouvelle.

Réclame dans le cadre de l'édition 1927 du Salon nautique. Carte postale publicitaire, collection particulière.

C’est en 1927 que le « premier Salon nautique international » de Paris est organisé et, déjà, la presse bretonne s’y intéresse de près. Dans son édition du 22 avril 1927 L’Ouest-Eclair se félicite d’ailleurs du succès de cette première édition, rappelant que la manifestation est un bon indicateur « des besoins mondiaux pour tout ce qui concerne la navigation et les industries de l’eau ». C’est donc tout autant sous l’angle des loisirs que de l’économie qu’est envisagé ce salon, ce qui permet de comprendre pourquoi « les départements des ministères de la Marine, des Travaux publics et du Commerce ont promis leur participation et leur appui » pour les futures éditions1.

Onze ans plus tard, alors que l’édition de 1937 n’a pu être organisée, le Salon nautique se déroule  non seulement en plein cœur de la capitale mais en un lieu des plus prestigieux : le Quai d’Orsay, entre le pont des Invalides et le pont de l’Alma ! En effet, la Seine est utilisée comme bassin sur lequel sont présentés tout un ensemble divers et varié d’embarcations, du petit monotype de régate au canoë. Car, comme le rappelle L’Ouest-Eclair, le Salon nautique « groupe tout ce qui se rattache aux sports de l’eau et à la marine »2. C’est donc bien une manifestation populaire, orientée vers le plus large public qui est organisée.

Quasiment deux ans après les élections qui portent la coalition de Front populaire au pouvoir et l’instauration d’une loi sur les congés payés, on pourrait s’attendre à ce que le quotidien rennais décrive un climat des plus enthousiastes, dopés par l’essor de l’économie touristique3. Il n’en est rien ! Au contraire, les professionnels du secteur font grise mine, touchés de plein fouet qu’ils sont par la crise économique. Et L’Ouest-Eclair d’ailleurs de rappeler que nombreux sont les constructeurs à ne pas avoir pu se déplacer pour présenter leurs modèles lors de cette édition4.

Au salon nautique, dans les années 1930. Collection particulière.

En définitive, le Salon nautique est à la fin des années 1930, et de la même manière qu’au XXIe siècle d’ailleurs, un indicateur particulièrement intéressant qui témoigne tant de la pénétration de la « civilisation des loisirs » que de la conjoncture économique. Preuve que cette vitrine sur la mer est aussi un bon reflet de ce qui se passe sur terre.

Erwan LE GALL

 

 

1 « Le Salon nautique », L’Ouest-Eclair, 28e année, n°9312, 22 avril 1927, p. 2.

2 « Le Salon nautique a ouvert ses portes », L’Ouest-Eclair, 39e année, 24 avril 1938, p. 2.

3 Pour une synthèse sur l’économie touristique et le Front populaire on renverra à VINCENT, Johan, « Bretagne et congés payés. 1936, l’invention d’un nouveau marché touristique ? », in LE GALL, Erwan, et PRIGENT, François, C’était 1936, Le Front populaire vu de Bretagne, Rennes, Editions Goater, 2016, p. 236-254.

4 « Le Salon nautique a ouvert ses portes », art. cit.