Les flammes du Lafayette
De par leur imposante stature, les paquebots transatlantiques ne manquent pas de fasciner les Français durant l’entre-deux-guerres. L’effervescence qui règne au large de Lorient au printemps 1935, alors que Le Normandie réalise ses premières manœuvres, offre un précieux indicateur de cette popularité. Mais au-delà de la seule prouesse technologique, ces navires représentent également le prestige de la France à l’international. Dès lors, on comprend mieux pourquoi l’incendie du Lafayette, le 4 mai 1938, fait les gros titres de la presse bretonne.
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Carte postale. Collection particulière. |
Bien que largement surpassé par les caractéristiques du Normandie, le Lafayette demeure, en 1938, l’un des fleurons de la Compagnie générale transatlantique, soit le « cinquième par ordre d’importance » selon L’Ouest-Eclair1. Construit à Saint-Nazaire, le paquebot effectue à partir de 1930 des liaisons régulières entre Le Havre et New-York. Ajoutons que le nom e ce navire ne doit rien au hasard : là encore, le souvenir de Lafayette est utilisé pour symboliser la force des relations franco-américaine. Au début du mois de mai 1938, il rentre justement au port du Havre afin d’y effectuer quelques contrôles de routine. Le 4 mai, il se trouve ainsi en cale sèche « pour révision de ses hélices et inspection de sa carène » 2. Mais ce qui devait être une formalité tourne rapidement au drame. Vers 21 heures, un incendie se déclare. En dépit de l’arrivée rapide des pompiers, le feu se propage brusquement à l’ensemble du bâtiment. En moins de deux heures, « l’avant du Lafayette n’était plus qu’un brasier et la passerelle commençait à s’effondrer » selon les témoins3. Vers 4 heures du matin, les Havrais entendent de « formidables explosions » provoquées par les « bouteilles à air comprimé ». Le brasier est tel qu’il illumine « le port et la ville »4.
Au lendemain du drame, les journalistes ne savent pas encore ce qui s’est réellement passé. Selon L’Ouest-Eclair, le feu aurait pris « dans la chaufferie au moment où un chauffeur allait mettre une chaudière en marche » 5. Si « la suite n’a pas d’histoire », selon le quotidien rennais, son homologue lorientais, Le Nouvelliste du Morbihan, assure de son côté que « le feu s’est communiqué à des bacs de mazout voisins et s’est propagé rapidement à l’intérieur du paquebot » 6. Quoi qu’il en soit, la rapidité avec laquelle se propage l’incendie sème le trouble sur la fiabilité des paquebots de la Compagnie générale transatlantique. L’Ouest-Eclair se refuse alors « à imaginer ce qui serait arrivé si le feu avait pris en plein milieu de l’océan, avec les passagers et le personnel de bord au grand complet » 7.
Mais dans l’immédiat, la presse bretonne se félicite surtout de l’absence de victimes. A en croire les journaux, ce bilan relève presque du miracle. Et pour cause, quelques minutes avant l’embrasement complet, les témoins assurent avoir vu « apparaître aux hublots de nombreux sauveteurs que poursuivaient les flammes »8.De justesse, certains ont été obligés de descendre « en utilisant des échelles de cordes lancées du pont » 9.
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Carte postale. Collection particulière. |
Dès le 5 mai, alors que le navire brûle encore, le correspondant de L’Ouest-Eclair n’hésite pas à affirmer que le Lafayette n’est plus « qu’un amas de ferraille tordue ». Il faut près de 48 heures à l’incendie pour s’éteindre. C’est plus de temps qu’il n’en faut au journaliste du quotidien rennais pour conclure que la « flotte française compte une unité de moins » 10. L’avenir lui donne raison. Un mois plus tard, la carcasse du navire, jugée inutilisable, est remorquée vers Rotterdam pour y être détruite.
Yves-Marie EVANNO
1 « L’incendie du Lafayette dans le port du Havre », L’Ouest-Eclair, 6 mai 1938, p. 2.
2 « L’incendie du paquebot Lafayette n’aurait pas fait de victimes », Le Nouvelliste du Morbihan, 6 mai 1938, p. 8.
3 « L’incendie du Lafayette dans le port du Havre », L’Ouest-Eclair, 6 mai 1938, p. 2.
4 « L’incendie du paquebot Lafayette n’aurait pas fait de victimes », Le Nouvelliste du Morbihan, 6 mai 1938, p. 8.
5 « L’incendie du Lafayette dans le port du Havre », L’Ouest-Eclair, 6 mai 1938, p. 2.
6 « L’incendie du paquebot Lafayette n’aurait pas fait de victimes », Le Nouvelliste du Morbihan, 6 mai 1938, p. 8.
7 « L’incendie du Lafayette dans le port du Havre », L’Ouest-Eclair, 6 mai 1938, p. 2.
8 Ibid.
9 « L’incendie du paquebot Lafayette n’aurait pas fait de victimes », Le Nouvelliste du Morbihan, 6 mai 1938, p. 8.
10 « L’incendie du Lafayette dans le port du Havre », L’Ouest-Eclair, 6 mai 1938, p. 2.
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