18 mai 1945: le défi de la Reconstruction

Le 18 mai 1945, soit il y a tout juste 68 ans, sont tournés deux reportages qui montrent l’étendue des ravages causés par les bombardements à Lorient et Saint-Nazaire. Ceux-ci sont visibles sur le remarquable site de l’Institut national de l’audiovisuel, L’Ouest en Mémoire.

Pour comprendre l’impact de ces reportages sur celles et ceux qui peuvent les visionner à l’époque, il faut se souvenir que si la Bretagne est libérée en août 1944, Lorient et Saint-Nazaire donnent leur nom à des poches de résistance allemandes qui ne tombent qu’avec la fin du Reich, en mai 1945. Aussi, c’est bien de la découverte de ces villes nouvellement reconquises qu’il s’agit ici.

Ce qui frappe, tant en Loire-Inférieure que dans le Morbihan, c’est le contraste entre les édifices français complètement rasés et les blockhaus allemands intacts. Partout les habitations des civils sont complètement rasées. Bien évidemment, le contexte dans lequel sont tournées ces vidéos expliquent pour partie cette différence. Il y a là une évidente stratégie de dénonciation de l’ennemi dans un reportage qui, par bien des égards, s’inscrit dans la poursuite d’une culture de guerre, quand bien même celle-ci est achevée en Europe depuis le 8 mai avec la reddition sans condition des nazis. Lorsqu’il s’agit d’évoquer Lorient, l’opérateur indique que « là-aussi, c’est une ville en ruine qui est rendue à la France », propos de ce point de vue sans équivoque. Le suite du commentaire est encore plus explicite:

« Un port de guerre dont l'ennemi avait fait une des ses bases principales et qui l'avait par là-même condamné à mort. Ce qu'ils n'ont pas détruit eux-même, ils ont forcé les autres à le détruire. »

Mais, indépendamment des propos formulés dans ces deux reportages, qui encore une fois relèvent d’une certaine continuation de la guerre, il n’en demeure pas moins que l’ampleur des dégâts est saisissante. Ainsi, en se rendant sur le site Géobretagne, on peut disposer d’une vue satellite de la ville de Lorient prise en 1950, cinq ans après que soient filmées ces images. Les destructions dans le quartier de Keroman, près de la base sous-marine, sont encore clairement visibles. Dans le centre-ville, près du quai des Indes, des parcelles entières sont en friche, en attente de reconstruction.

Bien entendu, Lorient et Saint-Nazaire ne sont pas les deux seules villes bretonnes touchées par les bombardements. Saint-Malo et Brest sont également terriblement éprouvées, de même que Rennes, ou encore Bruz. On signalera à ce propos l’intéressant dossier sur la reconstruction de Nantes édité en septembre 2003 à l’occasion des journées du patrimoine ainsi que l’article de P. Bouju sur l'hôte de ville de Lorient publié par la Société archéologique et historique du pays de Lorient. Autant de ressources qui, espérons-le, nous amèneront à reconsidérer autrement ces villes « de reconstruction ». Si leur architecture est parfois considérée comme douteuse d’un point de vue esthétique – et encore, Le Havre n’est-elle pas classée par l'UNESCO au patrimoine mondiale de l’humanité ? - elles témoignent néanmoins d’une farouche volonté de renaissance. C’est ce que démontre le reportage ci-dessus, tourné moins de 40 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, à Lorient.

Erwan LE GALL