Les archives en langue bretonne

Etant donné que la langue française est celle de l’administration et du droit depuis la signature de l’ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539, il est légitime de se poser la question de savoir s’il existe des archives en langue bretonne. Rassurons d’emblée les brittophones, il est tout à fait possible d’en trouver, sur internet notamment.

Carte postale. Collection particulière.

L’une des archives les plus classiques concerne la presse écrite qui a connu son âge d’or de la fin du XIXe siècle, jusque dans la première moitié du XXe siècle. Le nombre de titres est très important, même si tous les journaux sont loin de connaître les mêmes tirages et à la même pérennité. Parmi ceux-ci, un certain nombre sont publiés en langue bretonne. A l’heure actuelle, ce sont les archives départementales du Finistère qui proposent la plus large collection de journaux en breton numérisés. Notons notamment la présence de la collection presque complète de la revue littéraire de l’entre-deux-guerres Gwalarn, fondée en 1925 dans le giron de Breiz Atao par Roparz Hemon et Olier Mordrel. Les archives du diocèse de Quimper et Léon ne sont pas en reste, puisque l’on retrouve dans leurs collections numérisées l’hebdomadaire catholique régionaliste Feiz ha Breiz, notamment pour la période des années 1930-1940. La mine d’or Gallica propose, quant à elle, une trentaine de numéros de Feiz ha Breiz ar vugale, la version enfantine du journal qui prône l’alliance de la Bretagne et de la religion. A bien y regarder de plus près, ces journaux en langue bretonne sont quasi exclusivement orientés politiquement vers des projets régionalistes, voire nationalistes.

L’autre grande source d’archives en breton touche le domaine de l’oralité. Il faut dire que dès le XIXe siècle, ceux que l’on a appelé les « folkloristes », dont Anatole Le Braz, ont collecté la parole des anciens, afin garder trace d’une mémoire bretonne essentiellement orale. Dans les années 1960-1970, de grandes initiatives de collectes sont à nouveau lancées, grâce notamment à l’association Dastum. Forte de cette quarantaine d’années de travail de terrain pour sauvegarder le « patrimoine oral de Bretagne », l’association met à disposition une base de donnée immense qui touche autant aux témoignages, qu’aux chansons populaires, entre autres. Toujours à propos d’enquêtes orales auprès des locuteurs en langue bretonne, notons la présence du projet collaboratif de la « banque sonore des dialectes bretons ». Il propose d’écouter, par exemple, une ancienne chanson de la Toussaint que l’on interprétait autrefois à Moëlan-sur-Mer. Cette archive permet notamment à l’historien d’éclairer le rapport complexe des Bretons à la mort.

Un certain nombre de fonds d’archives autour de la langue bretonne sont également disponibles en ligne. C’est le cas de la Mission de folklore musical en Basse-Bretagne, effectuée par le Musée National des Arts et Traditions Populaires de Paris en 1939. On y retrouve notamment près de 200 chansons enregistrés en langue bretonne. Enfin, le Centre de recherche bretonne et celtique de l’université de Bretagne occidentale met également à disposition sur sa bibliothèque numérique quelques documents originaux, comme ce carnet de chant en français et en breton de Mathurine Philippe, une habitante de Plestin-les-Grèves au début du XXe siècle.

Les archives en langue bretonne peuvent également être audiovisuelles, grâce au développement des émissions en langue bretonne à la télévision régionale. Pour les consulter – ou au moins quelques unes –, il faut se tourner vers le portail régional de l’INA. Les concepteurs du site l’Ouest en mémoire ont entrepris une véritable démarche de mise en valeur des reportages télévisuels tournés en langue bretonne. Des archives qui couvrent la période 1970 jusqu’à nos jours et qui traitent autant de la vie culturelle, qu’économique ou sociale de la Bretagne.

Dans une école Diwan, où l'enseignement est dispensé en Breton. Carte postale. Collection particulière.

Au final, s’il apparaît difficile à l’historien de baser entièrement un travail de recherche sur des archives en langue bretonne ; pouvoir les consulter peut se révéler intéressant, tant elles donnent accès à la fois à une culture populaire non francophone, et aussi à des écrits exposant  une vision politique régionaliste ou nationaliste de la Bretagne.

Thomas PERRONO