Que Bérose vous aide dans vos recherches !

Bérose est un historien de l’antique Babylone ayant vécu au temps de Ptolémée. S’il n’est aujourd’hui connu que de quelques initiés, férus d’histoire antique, il est néanmoins l’objet d’une certaine réactivation mémorielle depuis que l’anthropologue Daniel Fabre, décédé en 2016, l’associe au « paradigme des derniers », cette propension qui pousse à la collecte d’informations sur les sociétés alors que celles-ci sont précisément en train de mourir. En Bretagne, cette tendance est notamment incarnée par la vague des folkloristes de la fin du XIXe siècle qui, sentant la traditionnelle société rurale bretonne vaciller, tentent d’en conserver la trace en patrimonialisant la parole des anciens1. Comment dès lors s’étonner que l’Encyclopédie internationale des histoires de l’anthropologie, outil gratuitement disponible en ligne, soit dénommée d’après l’historien babylonien, BEROSE faisant lieu d’acronyme de Base d’études et de recherche sur l’organisation des savoirs ethnographiques ?

Carte postale. Collection particulière.

Un temps dirigée par Daniel Fabre, cette riche plateforme ayant bénéficié de financements de l’Agence nationale pour la Recherche est aujourd’hui porté par un laboratoire du CNRS – le LAHIC, Laboratoire d’anthropologie et d’institution de la culture, Institut interdisciplinaire de l’anthropologie du contemporain – et compte de nombreux partenaires : la Bibliothèque nationale de France, le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM) ainsi que le Centre de recherche bretonne et celtique (CRBC). Rien de surprenant dès lors à ce que Bérose accorde une telle place à la péninsule armoricaine. Ce ne sont en effet pas moins de 216 notices qui renvoient à la Bretagne, ce qui érige cette encyclopédie en ligne en outil indispensable pour tout historien contemporanéiste de la péninsule armoricaine.

La variété des documents que l’on peut trouver sur Bérose est remarquable. On peut ainsi accéder à des sources primaires, comme cette lettre adressée par François-Marie Luzel à Théodore Hersart de la Villemarqué le 1er mai 1861, ou à des synthèses constituant autant de précieux outils de travail, à l’instar de cet article relatif à la paroisse des Bretons de Paris que l’on doit au célèbre ethnologue Fañch Postic. Dans la même optique, sont également disponibles des bibliographies thématiques comme celle par exemple que Nelly Blanchard, professeure de Celtique à l’Université de Bretagne occidentale, consacre à l’épineuse question des rapports entre Théodore de La Villemarqué, encorer lui, et le Barzaz-Breiz.

Résolument transnationale, l’encyclopédie en ligne Bérose est par ailleurs un parfait révélateur de l’état de l’art et des frontières qui traversent le champ académique. C’est ainsi par exemple que le nom de Stéphane Audoin-Rouzeau n’apparaît qu’une seule fois – et encore en tant que préfacier d’un volume que Sophie Delaporte consacre aux gueules cassées de la Grande Guerre – alors que ses travaux sont considérés par beaucoup comme relevant plus de l’anthropologie du fait guerrier que de l’histoire militaire au sens strict2. Autrement dit, l’interdisciplinarité ne parait pas encore totalement de mise sur cette plateforme et la discipline historique y semble même singulièrement en retrait. Mais loin de nous l’idée de critiquer le formidable outil qu’est Bérose. En construction permanente, ce portail doit impérativement être investi par les historiens pour qu’enfin puisse germer le dialogue avec les sociologues et les ethnologues afin d’aboutir à une anthropologie réellement transdisciplinaire.

Carte postale. Collection particulière.

Ajoutons que cette remarque vaut pour tout le monde, qu’il s’agisse de chercheurs professionnels ou d’amateurs plus ou moins éclairés. On ne saurait en effet trop conseiller la consultation de ce site remarquable. A l’instar de plateformes comme le Maitron, Bérose n’est bien entendu pas sans témoigner d’un certain nombre de défauts. On aurait par exemple préféré qu’une plus large place soit accordée à l’iconographie, afin que le portail puisse conquérir un public plus large et réponde aux enjeux de l’éducation populaire sur le web. Mais sa consultation offre une profondeur de réflexion particulièrement bienvenue, notamment pour les généalogistes qui trouveront là matière à resituer les récits de vie qui constellent leurs arbres dans des trames analytiques beaucoup plus vastes.

Erwan LE GALL

 

 

1 Cette propension a bien été mise en évidence à propos des derniers poilus survivants de la Grande Guerre par OFFENSTADT, Nicolas (dir.), 14-18 Aujourd’hui. La Grande Guerre dans la France contemporaine, Paris, Odile Jacob, 2010.

2 AUDOIN-ROUZEAU, Stéphane, Combattre. Une anthropologie historique de la guerre moderne (XIXe – XXIe siècle), Paris, Seuil, 2008.