Chayriguès bourreau du SRUC

L’année 1922 marque assurément un tournant dans l’histoire du Stade rennais université-club, ancêtre de l’actuel Stade rennais football-club. Après une victoire en 1916 dans la Coupe des Alliés, l’équipe bretonne accède en effet à la finale de la coupe de France, performance qui témoigne d’une réelle affirmation sur la scène footballistique nationale. Sous l’impulsion de son président, le célèbre mosaïste Isidore Odorico, l'un des collaborateurs réguliers de l'architecte Emmanuel Le Ray, l’équipe devient professionnelle au début des années 1930 et compte, au final, parmi les pionniers du championnat de Première division, que les passionnés suivent aujourd’hui avec toujours autant de ferveur, chaque week-end.

Le temps des pionniers: le Stade rennais en 1904. Wikicommons.

Le charme de la Coupe de France est que cette épreuve est au final une longue odyssée, nécessitant des déplacements parfois hasardeux – surtout à l’époque lorsque l’on songe aux conditions de transport – et où s'affrontent des équipes de tous niveaux. Pour mémoire, rappelons ainsi que le 2 octobre 1921 l’Association sportive des Cheminots de Rennes est sèchement battue au deuxième tour de la compétition, 5-1, par le Club français. Le Stade quimpérois est lui éliminé par le Stade nantais, qui est sorti au tour suivant par le Stade rennais sur le score sans appel de 3-0. Autre formation du chef-lieu du département d’Ille-et-Vilaine, les Cadets de Bretagne sont battus 4-1 par une équipe de région parisienne.

Au fur et à mesure que se succèdent les tours, les équipes bretonnes baissent pavillon : l’AS brestoise est éliminée en trente-deuxièmes de finale par Levallois tandis que l’US Servannaise – une des grandes équipes françaises des années 1910 – tombe au tour suivant, de même que le Stade Briochin, sorti par l’Olympique de Paris. Pendant ce temps, le Stade rennais poursuit sa route en éliminant Bordeaux, Saint-Ouen, Le Havre, Lille puis, en demi-finale, l’Olympique de Paris.

La finale de la Coupe de France 1922 se joue donc le 7 mai et oppose le Stade rennais université-club au Red Star, autre formation extrêmement prestigieuse pour quiconque connait l’histoire du football français. Basé en région parisienne, ce club est co-fondé par Jules Rimet, l’homme qui invente la coupe du monde de football ! La rencontre se joue au stade Pershing, enceinte située dans le bois de Vincennes où se déroulent en 1919 les Jeux interalliés. C’est donc devant plusieurs milliers de spectateurs et par un temps splendide que les vingt-deux protagonistes de la rencontre s’affrontent pour conquérir la Coupe de France.

Lors de la finale de la Coupe de France 1922, le Stade rennais face au Red Star. Wikicommons.

Malheureusement, la rencontre ne se déroule pas comme prévue pour les Bretons qui, dès la dixième minute, concèdent un premier but avant de céder une seconde fois, dans les ultimes instants de la partie. Le journaliste de L’Ouest-Eclair, quotidien fondé à Rennes, a beau rappeler dans le compte rendu qu’il livre à ses lecteurs que « l’écart de deux buts entre les équipes rennaise et parisienne ne se justifie pas si l’on tient compte du jeu fourni par les deux équipes », il n’en demeure pas moins que les attaquants bretons se heurtent au roc Pierre Chayriguès, gardien de but du Red Star et première grande vedette à occuper ce poste. Le journal rennais en convient d’ailleurs lui-même, saluant « le jeu impeccable, étourdissant, vraiment unique de Chayriguès ». Il faudra attendre plus de quarante ans pour que la Coupe de France s’offre enfin aux rennais, en 1964.

Erwan LE GALL