Emmanuel Le Ray : architecte rennais

Rares sont les architectes qui, comme Emmanuel Leray, sont autant attachés à une ville. Né à Rennes le 17 novembre 1859, il devient l’architecte municipal du chef-lieu du département d’Ille-et-Vilaine et s’occupe de toutes les grandes réalisations de la municipalité de Jean Janvier : les travaux de restauration de l’Hôtel de Ville et du Palais Saint-Georges, dévastés à quelques mois d’intervalles par des incendies, la construction de la piscine, la salle de la Cité, le lycée Robidou, la halle centrale du boulevard de la Liberté, le Panthéon sis au sein de la Mairie…

Les halles de Rennes, sur le boulevard de la Liberté. Archives municipales de Rennes / Wikipedia commons.

De fait, l’œuvre d’Emmanuel Le Ray est essentiellement rennaise. Et d’ailleurs, comment pourrait-il en être autrement lorsqu’on est le fils d’un architecte exerçant en cette même ville et que l’on a deux sœurs ayant épousé respectivement Charles Oberthür, du nom de la grande famille rennaise d’imprimeurs, et Frédéric-Auguste Jobbe-Duval, issu lui aussi d’une grande lignée d’architectes rennais ? De même, n’est-il pas apparenté, par sa mère, à Vincent Morcel, l’adjoint au Maire à qui il doit sa nomination d’architecte municipal ?

Diplômé en 1890 et médaillé cette même année au salon des artistes français, Emmanuel Le Ray s’installe naturellement à Rennes et ouvre son cabinet quai de Nemours, avant de le transférer rue de Viarmes, dans un hôtel particulier qu’il a lui-même conçu. Débute alors une vie où intérêts privés et professionnels s’entrecroisent régulièrement. En effet, en tant qu’architecte libéral, il est amené à construire des hôtels particuliers pour les membres de sa famille et notament pour son beau-frère, Charles Oberthür. Mais lorsqu’il postule en 1894 pour succéder, en tant qu’architecte municipal de la ville de Rennes, à Jean-Baptiste Martenot, c’est face à Frédéric-Auguste Jobbe-Duval qu’il se trouve en concurrence.

Choisi en lieu et place de son beau-frère, Emmanuel Le Ray mène dès lors une riche carrière mêlant commandes privées et publiques. Ses réalisations profitent bien évidemment de la municipalité de Jean Janvier, un maire bâtisseur du fait de la politique de grands travaux qui est menée mais aussi parce que le premier édile est également un homme de l’art, ancien compagnon maçon et entrepreneur en bâtiment. De cette collaboration, pafois orageuse par ailleurs, naissent des dizaines de réalisations qui, aujourd’hui encore, rythment le quotidien de nombreux rennais(es) : crèches municipales, écoles, poste de police, vélodrome, tribunes du champ de courses…

L'école de médecine de Rennes. Archives municipales de Rennes / Wikipedia commons.

Au final, cet homme compte parmi les grands architectes bretons de l’époque contemporaine même si son œuvre demeure, sur le plan géographique, limitée. Pour autant, Rennes est profondément marquée par son travail et il n’est sans doute pas absurde d’ériger Emmanuel Le Ray en passerelle entre Jean-Baptiste Martenot, l’architecte de la seconde moitié du XIXe siècle, et Georges Maillols, l’homme de la seconde partie du XXe.

Mais la carrière d’Emmanuel Leray dépasse de loin le strict cadre du bâtiment comme en témoignent ses remarquables talents d’aquarelliste. Professeur d’architecture à l’école régionale des Beaux-Arts de Rennes, il enseigne à des artistes de renom tels que Jean-Julien Lemordant ou Camille Godet. De même, ses collaborations régulières avec le grand mosaïste Isidore Odorico ou le sculpteur Jean Boucher le place parmi les grands noms des arts décoratifs de la première partie du XXe siècle.

Erwan LE GALL