Le jour où le Stade rennais a failli disparaître

Le 20 juin 1937, les passionnés bretons de sport sont sous le choc : le Stade rennais, confronté à d’inquiétantes « difficultés financières », est sur le point de disparaître1. L’information est relayée par de nombreux journaux de la région qui, par solidarité, diffusent l’appel à souscription qui vient d’être lancé par les dirigeants du club phare de Bretagne et son emblématique président, Isidore Odorico2. Qu’on se le dise, les lecteurs les plus médisants réagiront très certainement à cette information par un ironique : « A quoi bon ? Ce club ne gagne jamais rien après tout ». Loin d’être totalement anachronique, la réputation d’équipe maudite commence à se forger durant l’entre-deux-guerres. En effet, si le Stade rennais parvient à se hisser à deux reprises en finale de la coupe de France, il s’incline autant de fois (en 1922 face au Red-Star, puis en 1935 contre l’Olympique de Marseille).

Carte postale. Collection particulière.

Malgré ces deux revers, le Stade rennais profite de son statut de club professionnel – le seul dans l’Ouest – pour s’attirer les sympathies de toute une région. Il n’y a donc pas encore de rivalité avec le FCNA puisque ce dernier n’est créé qu’en 1943. A l’époque, Nantes est d’ailleurs davantage tournée vers Rugby3. Du côté de Rennes, les dirigeants affirment qu’ils sont à la tête de la seule « grande équipe de football-association [de l’Ouest] capable de battre les meilleures équipes de l'autre moitié de la France ». Oui mais voilà, à l’issue d’une médiocre saison 1936-1937, le club est relégué en deuxième division. Cette contre-performance met en péril les finances du Stade rennais.

Afin de collecter les fonds nécessaires à sa survie, les dirigeants lancent un appel à une souscription « régionaliste », convaincus que la « fierté » des Bretons pour leur « petite patrie » les incitera à donner quelques francs. Isidore Odorico et ses adjoints qualifient ainsi le Stade rennais de « bon ambassadeur de la Bretagne » dans la mesure où, chaque week-end, l’équipe se révèle aux yeux de centaines de milliers de passionnés à travers la France. Le Stade rennais serait en quelque sorte une formidable vitrine pour la promotion de la région :

« Des foules immenses qui ne nous connaîtraient encore qu'à travers de fantaisistes légendes savent, grâce à lui, que notre province, par ailleurs si poétique et si belle, a aussi le goût de la vie ardente et des plus nobles compétitions de l'existence moderne. »

L’Ouest-Eclair partage intégralement cet avis même s’il demeure perplexe quant au  professionnalisme dans le sport. Le quotidien assume néanmoins pleinement son choix de soutenir l’appel du Stade rennais en expliquant

« [qu’]on peut discuter de l'utilité d'une équipe payée, on peut vaticiner sur la direction d'un sport devenu spectaculaire après avoir été confidentiel. Et après? Après? Un stade meurt. Après ? Une grande ville de 100 000 habitants se voit abandonnée par les foules sportives. Après ? Une région entière n'est plus représentée dans les plus imposantes compétitions sportives de la nation. »

Mais surtout, le journal rennais rappelle que derrière le club se cache un « fécond amateurisme » qui ne survivrait pas à la disparition du Stade rennais : « tant footballeurs des petits gars aux grands que basketteurs, qu'athlètes et que hockeyeurs ? Des centaines! ».

Match de football dans les années 1930. Photographie de presse. Collection particulière.

Finalement, le club réunit les 200 000 francs nécessaire à sa survie. Le Stade rennais peut alors sereinement se remettre au travail pour conquérir la France et ses trophées… ou presque.

Yves-Marie EVANNO

 

1 « Le Stade rennais doit vivre », L’Ouest-Eclair, 20 juin 1937, p. 5.

2 L'Ouest-Eclair, le Nouvelliste, Les Nouvelles de l'Ouest, Le Semeur d'Ille-et-Vilaine, Le Petit Rennais et La Bretagne Sportive.

3 ABED-DENESLE, Loïc, « Lorsque Nantes était en terre d'ovalie », Nantes Passion, n°147, septembre 2004, p. 29-31, en ligne.