Saint-Brieuc Sports Chaffoteaux, l’aventure du football féminin à Saint-Brieuc

En juin 2018, la France semble découvrir un sport nouveau, sorti de nulle part, le football pratiqué par les femmes. A la pointe de l’attaque des Bleues, la bretonne Eugénie Le Sommer – elle est en effet originaire de Ploemeur, dans le Morbihan – est l’atout numéro 1 des footballeuses françaises pour tenter de remporter leur première Coupe du monde, à domicile. Pour preuve, elle a marqué, avec le maillot tricolore, la bagatelle de 76 buts. Pour mémoire, au printemps 2018, le meilleur buteur chez leurs homologues masculins est Thierry Henry avec 51 buts… Avant d’exercer ses talents en Equipe de France et au poste de n°9 du meilleur club européen, l’Olympique lyonnais, la footballeuse bretonne commence sa carrière professionnelle au Stade briochin (2007-2010). C’est ainsi que l’on reconnecte un sport féminin actuellement en plein boom médiatique, avec l’esprit des pionnières, ces ouvrières briochines de Chaffoteaux et Maury qui avaient créé une équipe corporative pour pratiquer le football entre collègues féminines.

L'usine historique de Chaffoteaux et Maury, sur le port du Légué, entre Plérin et Saint-Brieuc. Carte postale. Collection particulière.

En effet, en 1971, suite à un tournoi interateliers, plusieurs ouvrières, dont Josette André – qui sera par la suite entraîneuse et présidente – décide de créer une section féminine de football au sein de l’association sportive de leur usine. Dans un premier temps, ces femmes pratiquent le football à 7 en étant affiliées à la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT), une fédération sportive affinitaire, née sous le Front populaire, proche de la CGT et du Parti communiste. L’objectif de la FSGT est alors de promouvoir la dimension éducative du sport en direction des masses avant d’intégrer, en 1973, la Fédération française de football (FFF). La section féminine prend alors le nom de Saint-Brieuc Sports Chaffoteaux (Saint-Brieuc SC) et commence à participer aux championnats régionaux de football à 11 de la Ligue de Bretagne. Moins de dix ans après la création de l’équipe féminine des ouvrières de « Chaffoteaux », l’équipe fanion accède à la Division 1, l’élite du foot féminin français, lors de la saison 1980-1981.

L’audace de créer une équipe féminine de football, à peine un an après que la FFF se soit décidée à reconnaître la pratique féminine du football, et la montée en puissance rapide du Saint-Brieuc SC, ne sont certainement pas étrangères au contexte économique florissant que connaît alors Chaffoteaux et Maury, l’un des fleurons industriels de la préfecture des Côtes-du-Nord. La modernisation de la Bretagne, et plus largement l’équipement des ménages français, dans la décennie 1960, est une période faste pour cette entreprise qui fabrique des chaudières murales et des chauffe-eaux. Fondée dans les Ardennes par les frères Chaffoteaux, cette entreprise est délocalisée à Saint-Brieuc pour fuir l’invasion allemande lors de la Première Guerre mondiale. En 1969, face à l’accroissement de la production, Chaffoteaux et Maury quitte le port du Légué pour s’installer à Ploufragan. Ce sont alors environ 2 000 ouvriers qui travaillent dans l’usine. Par comparaison, l’autre grande usine briochine, le Joint français, n’emploie – que – 600 ouvriers à la même époque.

La décennie 80 marque un décrochage progressif entre l’entreprise briochine et son équipe féminine de football. Alors que Chaffoteaux et Maury connaît plusieurs changements de propriétaires, qui s’accompagnent de restructurations successives, le Saint-Brieuc SC s’implante dans l’élite. Jusqu’à la saison 1988-1989, qui représente l’apogée du club, puisque l’équipe, qui compte plusieurs joueuses internationales françaises, remporte le championnat de France. Pour autant, les pionnières de 1971 ne sont pas loin. Josette André est alors la présidente du club.

Une activité de football féminin qui cadre mal avec l'image très masculine liée à l'activité de Chaffoteaux et Maury. Publicité. Collection particulière.

Au tournant du XXIe siècle, la dimension corporative du Saint-Brieuc SC disparaît complètement. En 1999, la section féminine de football de l’entreprise briochine devient un club à part entière sous le nom de Saint-Brieuc Football Féminin (Saint-Brieuc FF). L’époque est  alors au début de la professionnalisation du football féminin sous l’impulsion de dirigeants comme Louis Nicollin à Montpellier. Pour tenter de rester dans l’élite, le Saint-Brieuc FF fusionne avec le Stade briochin en 2004 en devenant sa section féminine. La mue vers le professionnalisme du football féminin s’achève véritablement, en 2011, par une nouvelle fusion – ironie de l’histoire – avec le rival historique des Côtes-d’Armor, l’En Avant de Guingamp

Thomas PERRONO