Des vacances bretonnes...

Quoi de plus normal alors que ce mois de juillet s’annonce sous les meilleurs auspices météorologiques que d’envisager de passer ses vacances en Bretagne et de profiter du splendide littoral de cette région ? Pas grand-chose me direz-vous sauf que cette pratique éminemment culturelle est encore relativement récente et constitue, de surcroît, un magnifique objet d’histoire.

Publicité publiée dans le n°4 555 du 21 juin 1930 de L'Illustration.

C’est notamment ce que permet de découvrir cette publicité publiée dans le numéro 4 555 du 21 juin 1930 du prestigieux magazine L’Illustration. Conçue par la célèbre agence de communication Havas, elle vente la Bretagne en tant que produit touristique. Or, c’est précisément parce que cette publicité est le fruit du travail de communicants professionnels qu’elle nous semble constituer un intéressant sujet d’enquête.

On remarquera tout d’abord que le graphisme n’est pas laissé au hasard puisque celui-ci est signé d’Hervé Baille, célèbre dessinateur qui sera même plus tard nommé peintre de la marine et à qui l’on doit notamment de nombreuses publicités touristiques dont certaines pour la French Riviera ou encore la Côte Basque. Ensuite, deux éléments doivent retenir l’attention.

En premier lieu, il est manifeste que la Bretagne touristique est essentiellement littorale puisque seul le château de Josselin figure sur le parcours proposé. Ni Nantes avec le château des Ducs ni Rennes avec le parlement ne paraissent dignes d’intérêt aux yeux de cet opérateur touristique. En indiquant cela nous ne signifions pas qu’Argoat n’a que peu d’intérêt par rapport à Armor. Nous soulignons au contraire le fait que pour les voyagistes de l’entre-deux-guerres, la seule Bretagne qui soit dotée d’un réel potentiel commercial est celle située au bord de la mer. Le texte qui accompagne la publicité est d’ailleurs sur ce point limpide puisqu’il indique que le voyageur ne parcourra en réalité qu’un « ruban de route », qui est bien sûr le plus « beau » et le plus « pittoresque ».

Cette dernière notion est d’ailleurs fondamentale. En effet, on remarque que la Bretagne qui est ici vendue au voyageur est une contrée « mythique », éternelle, constituée de clichés, où se croisent navires corsaires à Saint-Malo, tempêtes formidables à la pointe du raz … et bien entendu Bretons en costume traditionnel. On voit donc que le tourisme de masse qui sous-tend ce type de publicités est d’une certaine manière indissociable d’une certaine folklorisation des régions visitées.

Entête du Grand Hôtel Océan de Pronichet. Collection particulière.

Enfin, l’attention des lecteurs pourra être attirée par les cartouches située en bordure de la publicité. Au nombre de dix, ils présentent des hôtels qui sont, on imagine, autant de lieux d’étapes de ce voyage. Or ces établissements qui, au cours des années 1920 et 1930, ne sont dédiés qu’aux seules haltes des voyageurs de commerce et à la détente des touristes prennent durant la Seconde Guerre mondiale une toute autre dimension. En effet, on sait grâce à la remarquable étude d’Y.-M. Evanno sur le Morbihan que ces établissements constituent un prisme par l’intermédiaire du quel il est fascinant d’observer les relations entre l’occupant, l’occupé et les autorités de Vichy. Un tel exemple dit d’ailleurs bien combien l’hôtel peut être un fantastique objet d’histoire, un sujet d’étude encore relativement inexploré et qui a encore énormément à nous dire, dimension qui bien entendu renvoie au colloque qui, à Saint-Brieuc, en juin 2014, entendra les étudier. Une bonne occasion pour nous de relayer encore une fois l’appel à communication de cette manifestation, appel qui sera clos le 15 septembre prochain. Alors à vos stylos !

Erwan LE GALL