Valoriser la marque Bretagne en 1934

Il est des stéréotypes qui ont la vie dure. Depuis plusieurs décennies, la Bretagne doit faire face à un triste cliché : il y pleuvrait tout le temps. Alors que de nombreux Bretons cessent de se défendre de telles accusations, d'autres s'obstinent jusqu'à apporter la preuve scientifique que le soleil est particulièrement présent dans leur belle province. Oui, la Bretagne est « l'une des régions les moins pluvieuses de la France ». C'est en tout cas ce qu'affirme le 28 septembre 1934 un communiqué de presse signé Lucien Bahon-Rault, l'influent président de la Fédération des Syndicats d'Initiative de Bretagne1.

Photographie publiée dans L'Ouest-Eclair le 12 janvier 1934. Archives Ouest-France.

L'histoire débute par une banale moquerie, une caricature publiée dans l'hebdomadaire parisien Le Rire. La Bretagne y est une nouvelle fois humidifiée pour ne pas dire détrempée. Pour  Lucien Bahon-Rault, c'est la goutte de trop. Il faut dire que ce dernier lutte depuis de nombreuses années pour promouvoir le tourisme dans sa région2. C'est en ce sens qu'il fonde, en janvier 1934, le Comité de propagande touristique de Bretagne afin de valoriser la marque Bretagne3. C’est ce qu’il affirme le 11 janvier 1934 devant une assemblée de professionnels de l’industrie touristique :

« Je suis commerçant […] et j'ai une singulière déformation professionnelle ! Pour moi, tout se résume à une marque, à une firme. Une firme commerciale ne vaut souvent que par la publicité qu'elle sait faire sur le nom de sa raison sociale, c'est pourquoi nous sommes tous réunis ici, pour exploiter la firme Bretagne.»4

Plus que n'importe qui, il a donc conscience qu'il faut casser les stéréotypes pour séduire des touristes de plus en plus nombreux. Désormais, la Bretagne doit vendre son attrait balnéaire pour mieux satisfaire les nouvelles attentes des visiteurs. En effet, les pratiques touristiques se sont radicalement transformées durant l'entre-deux-guerres, le voyageur cédant la place à l'estivant à la recherche de soleil5. Les affiches promotionnelles, largement distribuées dans les gares françaises, suivent cette évolution. Elles proposent des visuels qui présentent les plaisirs de la plage, abandonnant en conséquence la traditionnelle imagerie pittoresque.

Entre affiches publicitaires et carte postale: les plages de Quiberon. Collection particulière.

Lucien Bahon-Rault profite alors de l'exposition nationale offerte par la caricature pour tenter un véritable coup de communication et briser l'éternel cliché. Pour rendre crédible son propos, il s'appuie sur le relevé du nombre de jours de pluie des dix derniers mois d'août. Ces derniers, publiés dans le très sérieux Bulletin d'étude de l'office national météorologique, placent la Bretagne au deuxième rang des dix « régions » où il pleut le moins, précédé de peu par le sud-est.

Plus qu'une simple réaction d'orgueil, c'est donc bien d’un communiqué publicitaire dont il s’agit ici, de surcroît conclu d'une manière équivoque :

« Venez en Bretagne. Région idéale au tourisme. Venez et vous reviendrez sans  jamais vous lasser de nos sites, de nos côtes, de nos clochers, de nos costumes, ravis de notre hospitalité simple et cordiale. »

Reste à savoir si la démonstration fut réellement entendue, ce qui est peu évident tant la diffusion du communiqué semble s'être restreinte à une diffusion locale... Si la marque Bretagne est désormais acquise, il faut néanmoins reconnaitre que le combat contre l'humide stéréotype reste d’actualité...

Yves-Marie EVANNO

 

1 « La Bretagne est l'une des régions les moins pluvieuses de France », Le Nouvelliste du Morbihan, 28 septembre 1934, 48e année, n°232, p.2.

2 En 1934 il est à la fois président de la Chambre de Commerce de Rennes ; président de la Fédération des Syndicats d'Initiative de Bretagne, et président du 6e Groupement de Régions Economiques.

3 CROLAS, Patricia, Le tourisme sur le littoral du Morbihan pendant l’entre-deux guerres, Rennes 2, mémoire de maîtrise, 1987, p. 25-26.

4 LORANZ, Yann, « Pour une Bretagne plus prospère. Les représentants des diverses collectivités régionales se réunissent et décident de coordonner leurs efforts », L’Ouest-Eclair, 12 janvier 1934, n°13 581, p. 6.

5 SAUVETRE, Aude, « L’art et la manière de brunir dans les années 1930 », in RICHARD, Nathalie et PALLIER, Yveline (dir.), Cent ans de tourisme en Bretagne, 1840-1940, Edition Apogée, 1996, p.131-136.