Fernand Picot, un Poulidor breton ?

Son récent décès, le 22 octobre 2017, a été annoncé dans le quotidien sportif L’Equipe. Mais qui était Fernand Picot ? Né en 1930, il est probablement l’un des cyclistes bretons les plus populaires des années 1950. Sa saison 1958, à l’image de sa carrière, est marquée par des victoires locales (dont le prix de Plonéour-Lanvern), des coups d’éclat (à l’image de sa victoire d’étape sur Paris-Nice) et des succès inachevés (il porte le maillot vert sur le Tour de France sans réussir pour autant une Grande Boucle à la hauteur de ses espérances).

Pontivy, ville natale de Fernand Picot. Carte postale. Collection particulière.

Ainsi, le facétieux coureur originaire de Pontivy reste dans les années 1950 méconnu du grand public. Et pour cause, il est difficile de se faire un nom dans l’ombre d’une génération dorée constituée de Louison Bobet, Jean Malléjac, François Mahé ou encore Joseph Groussard. Pourtant, le « carnassier de poche du type rongeur », tel que le décrivait le célèbre journaliste Antoine Blondin, fait preuve d’une remarquable régularité en s’imposant à près de 500 reprises lors de sa carrière, toutes compétitions confondues1.

Un menuisier de Pontivy devenu cycliste professionnel

« Pattes de grenouilles », comme il était surnommé dans le peloton, débute sa carrière au Véloce club pontivyien en 1947. Menuisier aux établissements Jacques à Tréleau, Fernand Picot, qui avait fait ses premières armes sur le vélodrome de Bolumet à Pontivy (construit en 19232), court en Arrow, équipement auquel il reste fidèle toute sa carrière. D’abord indépendant, il devient professionnel chez Urago (1955), avant de porter le maillot violine de l’équipe Mercier (1956-1961). Il termine sa carrière professionnelle chez Peugeot (1962), Bertin (1963) puis Margnat (1964-1965).

Après avoir écumé les « courses de clochers » bretonnes, Fernand Picot se distingue en 1954, à l’âge de 24 ans, sur le Circuit de l’Aulne à Châteaulin. Il y domine le Suisse Fritz Schaer, vice-champion du monde professionnel cette même année. Sa carrière est alors bel et bien lancée. En l’espace d’une décennie, il remporte des étapes sur les principales courses du calendrier français : Dauphiné Libéré, Paris-Nice et Midi-Libre. Il inscrit également son nom au palmarès du Tour de Champagne (1955) et de Gênes-Paris (1961) ainsi que, par deux fois, à celui du Grand prix de Plouay (1961, 1963). Enfin, preuve de sa grande régularité, il termine deuxième du Tour de l’Ouest 1955 et troisième du Dauphiné libéré 1957.

Fernand Picot, sur la ligne d'arrivée. Sans lieu ni date. Collection particulière.

Mais, comme souvent, ce n’est pas à son palmarès que l’on juge la valeur d’un cycliste mais à ses performances sur les routes du Tour de France. C’est bien là que se situe le principal échec de Fernand Picot, dont l’histoire avec la Grande Boucle commence de façon cocasse. En 1954, postulant à l’équipe régionale de l’Ouest, Fernand Picot ne figure plus dans la liste finale, confirmant un des principes chers à Jacques Goddet, directeur du Tour de France : « Pas de picots sur le tour ». Cette anecdote croustillante, ce jeu de mots « potache », qui colle à son début de carrière a une explication simple : l’organisation du Tour, en lien avec la police, faisait la chasse aux vendeurs illégaux de nougats, « les picots », sur les routes du Tour3.

L’art de manquer les grands rendez-vous ?

En huit participations, le Breton ne manque pourtant pas de s’illustrer dans la Grande Boucle : 18e en 1956, 13e en 1957 du classement général. Mais la malchance le poursuit systématiquement. Il termine en effet à trois reprises à la deuxième place d’étapes entre 1956 et 1957. En 1956, entre Lorient et Angers, il participe à l’une des plus célèbres échappées de l’histoire du Tour de France, celle qui permet à Roger Walkowiak de remporter le classement général. Cette épopée est également celle de Fernand Picot. A l’issue de l’étape, il prend le maillot vert. Mais alors qu’il possède une avance confortable, il chute quelques jours seulement avant l’arrivée finale à Paris et doit abandonner sa tunique à Stan Ockers. Encore une fois, il termine deuxième de ce classement honorifique.

Le peloton à la poursuite de l'échappée Picot-Walkowiak lors de la 7e étape du Tour de France 1956. Carte postale. Collection particulière.

A l’inverse d’un Raymond Poulidor devenu populaire après avoir obtenu de multiples accessits, les échecs de Fernand Picot ne lui permettent pas d’accéder à la notoriété nationale. Il n’y a bien qu’en Bretagne qu’il recueille l’admiration du public. Lors de l’année 1958, par exemple, Yves Guelard, lui consacre plusieurs brèves dans les pages de l’hebdomadaire de la fédération socialiste du Morbihan,  Le Rappel du Morbihan4. Il faut dire que l’homme sait se rendre incontournable. Très présent sur les courses bretonnes jusqu’à la fin des années 19605, il remporte près de 500 victoires durant sa carrière : Circuit de l’Aulne en 1954, Prix d'Hennebont en 1957, Prix de Plonéour-Lanvern en 1958, Prix de Dinan en 1960, Prix de Saint-Méen-le-Grand en 1962… Il s’impose d’ailleurs sur tous les critériums bretons à l’exception de celui de Pontivy… A se demander si Fernand Picot ne maîtrisait pas l’art de manquer les grands rendez-vous ! 

Yves-Marie EVANNO & François PRIGENT

 

 

 

1 L’Equipe, 11 juillet 1955, cité dans OLLIVIER, Jean-Paul, L'aventure du cyclisme en Bretagne, Quimper, Ed. Palatines, 2007, p. 113. Le journaliste sportif lui a consacré un portrait-vidéo diffusé lors des volets « rétrospectives » qui meublent les temps d’antenne des retransmissions sur le Tour actuel, avant que l’étape ne devienne sportivement intéressante.

2 Arch. Mun. de Pontivy 4 M/111. Notons qu’au printemps 2015, Pontivy étant alors ville-étape du Tour de Bretagne, une exposition autour de l’histoire du cyclisme à Pontivy et dans sa région, a été montée par les archives municipales de Pontivy. Exposition parrainée bien sûr par Fernand Picot, qui, après sa carrière sportive, s’était installé à Pontivy où il tenait un bar rue Leperdit.

3  PENOT, Christophe, « Fernand Picot, baron de Bretagne », article en ligne sur le site de la Ligue nationale de cyclisme professionnel.

4 Le Rappel du Morbihan, 6 mars, 27 mars et 26 juin 1958.

5 A l’été 2012, période rythmée par Le Tour,  Le Télégramme a consacré un long portrait de Fernand Picot, retraçant sa carrière. « Interview de Fernand Picot », Le Télégramme, 11 juillet 2012. Sur son palmarès, cf. http://www.memoire-du-cyclisme.eu/palmares/picot_fernand.php