Louison Bobet : champion cycliste et entrepreneur à succès

D’apprenti boulanger à Saint-Méen-le-Grand, dans la campagne d’Ille-et-Vilaine, à triple vainqueur de la Grande boucle : le destin de Louison Bobet est assurément l’un des plus prodigieux du cyclisme breton.

Sur le Tour de France 1954. Louison Bobet et l'accordéoniste Yvette Horner. Carte postale. Collection particulière.

Louison Bobet (Louis Pierre Marie de ses prénoms de naissance) naît le 12 mars 1925, à Saint-Méen-le-Grand, dans une famille de boulangers. Le père, Louis, s’applique à transmettre sa passion du sport à son fils aîné. De ses premiers coups de pédales à l’âge de deux ans, aux tournées de livraison du pain à bicyclette, jusqu’à ses premières performances au Premier Pas Dunlop – ancêtre du championnat de France junior – en 1943, rien ne prédestine Louison Bobet à devenir cycliste professionnel. D’ailleurs, il intègre, à ses 14 ans, la boulangerie familiale pour se former au métier de son père et pratique assidument le tennis de table, sport dans lequel il révèle de très belles capacités.

Parce que le cyclisme est un sport mécanique qui fonctionne grâce aux sponsors, c’est la marque nantaise de vélo Stella qui permet l’éclosion de sa carrière cycliste, dans l’immédiat après-guerre. Raymond Le Bert, par ailleurs soigneur du Stade rennais, devient son préparateur physique. Abonné aux places d’honneurs, Bobet remporte sa première victoire significative lors du championnat de France amateur 1946. Cette performance lui permet de participer au Tour de l’Ouest, en compagnie de jeunes espoirs bretons, puis d’intégrer la formation cycliste professionnelle Stella dirigée par l’ancien cycliste morbihannais Paul Le Drogo. L’année suivante, en 1947, il participe au premier Tour de France de l’après-guerre au sein de l’équipe de France dévouée au champion René Vietto. Las, après avoir montré de belles aptitudes de grimpeur, Bobet est contraint à l’abandon sur chute dans la 9e étape. Quelques jours plus tard, à Paris, c’est Jean Robic – coureur de l’équipe de l’Ouest – qui remporte la 34e édition de la Grande boucle.

Lors du Tour de France 1948, les deux Bretons sont désormais coéquipiers au sein de l’équipe de France. Bobet revêt sa première tunique jaune à l’issue de l’étape entre Dinard et Nantes. Perdue dès le lendemain, il redevient leader du classement général grâce à sa victoire à Biarritz. Mais les étapes pyrénéennes sont un long calvaire pour Louison, dont le corps est affaibli par des furoncles. Pire, ses coéquipiers refusent de se mette à son service dans son combat face au champion Italien Gino Bartali. L’équipe de France se disloque, victime d’un trop-plein de leaders… A bout de force, Bobet termine son calvaire au Parc des Princes à la quatrième place. Les champions cyclistes se construisent à coup de légendes et c’est là que se construit celle de Bobet, dans la souffrance du Tour 1948. A contre-pied, son « martyr » est raillé par une partie du peloton. Jean Robic est l’un des plus virulents en l’affublant de surnoms peu flatteurs : « la Pleureuse » ou « Louisette Bonbon ».

Le « boulanger de Saint-Méen » se forge un immense palmarès dans les années 1950 : champion de France 1950 et 1951 ; Milan-San Remo et Tour de Lombardie 1951 ; Paris-Nice 1952 ; premier triple vainqueur consécutif du Tour de France en 1953, 1954 et 1955 ; champion du monde sur route 1954, Paris-Roubaix 1956 etc. Mais sur le bord des routes, le public ne lui est pas entièrement acquis : les bobétistes qui crient « Vas-y Bobet ! » s’opposent aux antibobétistes. Attisée en grande partie par la rivalité entre Bobet et Robic, cette opposition révèle l’apparition d’un cyclisme moderne – prôné par Bobet à la suite du champion italien Fausto Coppi1 – qui se base sur un entraînement et une alimentation rigoureuse. L’antagonisme entre les deux publics dépasse également le cadre du cyclisme pour faire du perfectionniste Bobet, le héro d’une Bretagne moderne ; quand Robic demeure la figure du paysan sur un vélo, digne héritier des « forçats de la route ».

Carte publicitaire. Collection particulière.

La carrière de Louison Bobet subit un coup d’arrêt en décembre 1961. Alors qu’il prépare la mythique course Bordeaux-Paris et qu’il vient de signer au sein d’une nouvelle équipe Margnat-Paloma, pour encadrer des jeunes coureurs ; il est victime d’un accident avec son frère Jean. Il souffre de fractures au fémur et à la cheville2. Dès le début de l’année 1962,  il s’attèle à une rééducation auprès de Raymond Le Bert, le soigneur de ses débuts, et bénéficie des bienfaits de la thalassothérapie à Roscoff. Dans les mois qui suivent, Bobet remonte sur son vélo avec pour objectif de reprendre la compétition au mois de septembre. Mais au cœur de l’été, âgé de 37 ans et pas suffisamment guéri, il annonce sa retraite sportive.

Retiré des pelotons, Louison Bobet devient chef d’entreprise. En effet, il décide de créer un centre de thalassothérapie à Quiberon, inaugurée en mai 1964 en compagnie du ministre de la Santé Raymond Marcellin. Il développe son entreprise en investissant dans l’hôtellerie. Cependant, c’est une nouvelle fois sa santé qui lui fait défaut. Il meurt le 13 mars 1983 à Biarritz, âgé de seulement 58 ans, des suites d’une longue maladie. Il est inhumé dans sa commune natale, Saint-Méen-le-Grand, où l’on trouve désormais un musée consacré à sa carrière.

Thomas PERRONO

 

 

1 INA. « Louison Bobet gagne le Tour 1953 dans l'Izoard », Télévision Française 1, 13/01/1976, en ligne.

2 INA. « Louison Bobet », Les coulisses de l’exploit, RTF, 19/05/1962, en ligne.