Michel Coiffard : L’as des as breton

L’histoire de la Première Guerre mondiale se confond parfois avec celle des as de l’aviation. Qui n’a jamais entendu parler de Manfred von Richthofen, le célèbre Baron rouge, de Georges Guynemer ou encore de René Fonck ? Tous sont érigés en héros de la Grande Guerre, à l’instar de Marcel Brindejonc des Moulinais, véritable vedette. Mais dans l’ombre de ces quelques noms célèbres, on aurait presque tendance à oublier que d’autres pilotes se sont également illustrés. C’est le cas de l’as des as breton, le Nantais Michel Coiffard. Ce dernier remporte 34 victoires aériennes homologuées, presque toutes acquises lors des quatre derniers mois du conflit. Sixième pilote le plus prolifique de l’aviation française lors de la campagne 1914-1918, il demeure pourtant l’un des héros méconnus de la Première Guerre mondiale.

Un SPAD, type d'avion sur lequel vole MIchel COiffard. Carte postale. Collection particulière.

Michel Coiffard naît à Nantes le 16 juillet 1892. A 18 ans, il refuse de suivre la même voie que son père, modeste employé de la Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans1. Rêvant d’aventures, il s’engage dans l’artillerie coloniale avec laquelle il participe aux campagnes tunisiennes (1911) et marocaines (1912) – cette dernière s’inscrivant dans la continuité de la crise d’Agadir. C’est d’ailleurs au Maroc, à Dar-Ben-Amar, qu’il est pour la première fois blessé au combat.

En 1914, il part combattre dans le Nord de la France, d’abord au sein de l’artillerie, puis de l’infanterie. Avec le 13e bataillon de Chasseurs à pied, il est grièvement blessé en 1916 : une balle lui transperce le bras gauche avant qu’un éclat d'obus ne lui perfore l'intestin. Mais Michel Coiffard ne souhaite pas se tenir éloigné du front et, durant sa convalescence, il demande à rejoindre l’aviation. Son souhait est exaucé au début de l’année 1917. S’il abat son premier appareil quelques semaines plus tard, le 5 septembre, il se spécialise dans les reconnaissances2.

Michel Coiffard n’est alors qu’un pilote anonyme, comme il en existe des dizaines d’autres. Mais son destin bascule au début de l’été 1918. Il multiplie les victoires aériennes, plus d’une vingtaine en l’espace de deux mois. Cet impressionnant palmarès lui offre une popularité aussi soudaine qu’inattendue, principalement en Loire-Inférieure. C’est ainsi qu’à l’occasion de ses fiançailles, L’Ouest-Eclair lui consacre un article élogieux. Le quotidien brosse le portrait de l’un « de nos as les plus célèbres », héros aux « onze blessures et vingt-six victoires » 3. Au passage, le journaliste exagère son « record » qu’il estime à « 25 avions en trois semaines ».

L’arrivée de l’automne n’entame en rien sa détermination et Michel Coiffard multiplie les exploits aériens. Mais son destin bascule subitement le 28 octobre 1918 lorsque, pris en chasse par un pilote allemand, il est grièvement touché. Il parvient malgré tout à prendre le dessus sur son adversaire. Il le descend puis pose calmement son appareil et est immédiatement pris en charge. Mais cela ne suffit pas. Le lendemain, Michel Coiffard décède dans l'ambulance n°5 du 1er corps colonial à Bergnicourt (Ardennes). Il est inhumé à la nécropole nationale de Sommepy-Tahure (Marne).

Escadrille prête au vol. Carte postale. Collection particulière.

Avec 34 victoires aériennes (soit 26 ballons captifs de type Drachen et 8 avions), Michel Coiffard est indiscutablement l’un des principaux pilotes de l’aviation française. Pourtant, son nom est rapidement oublié comme le déplore Louis Lucas dans L’Ouest-Eclair en 1938 :

« En cherchant à recueillir des souvenirs sur Coiffard, j'ai pu, ces dernières semaines, mesurer combien le pauvre grand héros était oublié. Le mot est pénible, mais la chose l'est encore plus. Coiffard ? Cela ni dit rien d'abord et puis, à la réflexion : ‘‘c'était un aviateur, n'est-ce pas ? Il y a du côté de Monselet une avenue du Lieutenant-Coiffard, est-ce de celui-là que vous voulez parler ?’’ Que dis-je encore ? Nantes même, sa ville natale, semble ignorer Coiffard le nom glorieux ne figure pas sur les Tables Mémorables du Monument qu'elle a élevé à ses enfants morts pour la France. On ne sait pas sur quel monument est gravé le nom de l'as des as, sous quelle croix de bois git son corps et dans quel cimetière. »4

L’erreur sur le monument aux morts a depuis été réparée mais qui se souvient aujourd’hui que Michel Coiffard a été l’as des as breton ?

Yves-Marie EVANNO

 

1 LUCAS, Louis, « Il y a vingt ans… », L’Ouest-Eclair (éd. Nantes), 29 octobre 1938, p. 6.

2 LUCAS, Louis, « Il y a vingt ans… », L’Ouest-Eclair (éd. Nantes), 29 octobre 1938, p. 6.

3 « Dans la région de Nantes », L’Ouest-Eclair (éd. Nantes), 15 septembre 1918, p. 4.

4 LUCAS, Louis, « Il y a vingt ans… », L’Ouest-Eclair (éd. Nantes), 29 octobre 1938, p. 6.