Sauvetage héroïque en baie de Quiberon : l’enseigne Frank Monroe Upton

Dès le début de l’année 1919, les quotidiens américains prennent l’habitude d’annoncer l’arrivée des navires qui, en provenance de Brest ou de Saint-Nazaire, ramènent les doughboys au pays. La plupart du temps, il s’agit de communiqués laconiques annonçant le nom du bâtiment et les unités convoyées, le tout dans un style aussi télégraphique qu’impersonnel. L’édition du 10 juillet 1919 du New-York Tribune constitue néanmoins une notable exception puisqu’elle mentionne explicitement le retour au bercail de Frank Monroe Upton, enseigne de l’US Navy originaire de Denver, dans le Colorado1.

L'USS Florence H. Crédits: archeosousmarine.net.

Pour comprendre le fabuleux destin de ce marin, récipiendaire de la très rare Congressional medal of honor, il faut se rappeler que le véritable pont maritime instauré pour l’envoi du corps expéditionnaire américain en France ne se limite pas qu’à des transports de troupes. En effet, ce sont des milliers de tonnes de matériaux les plus divers qui sont acheminés par voies maritimes afin de subvenir aux besoins des doughboys : de la nourriture bien entendu mais également des effets d’uniformes et même des locomotives en pièces détachées afin de pouvoir transporter biens et personnes rapidement vers le front. A cet inventaire à la Prévert, il faut de surcroît ajouter des quantités impressionnantes de poudres et explosifs, matériaux indispensables sur le champ de bataille.

Eminemment dangereuses, ces cargaisons nécessitent de prendre de nombreuses précautions, ce d’autant plus que l’on craint encore les sous-marins allemands. Cargo charbonnier de plus de 110 mètres de long, le Florence H. offre de ce point une garantie de sécurité importante : sa rapidité, qui est un gage de minimisation des risques. Réquisitionné par les autorités américaines, il subit les transformations nécessaires au transport de poudres et d’explosifs et est, de surcroît, équipé de deux canons de 90mm et d’un de 57, pour lutter contre d’éventuels submersibles. Quittant New York le 1er avril 1918, le Florence H. appareille à destination de Saint-Nazaire à un moment où les troupes de l’entente sont dans une mauvaise posture à la suite des sévères offensives allemandes du printemps 1918.

Après une traversée sans encombre, le navire approche des côtes françaises et décide, le 17 avril 1918, de mouiller sous l’île de Houat afin d’attendre les instructions relatives à son entrée dans le port de Saint-Nazaire. Les parages sont en effet minés et il ne serait pas raisonnable de s’aventurer dans ces eaux à l’aveugle, surtout avec une telle cargaison. La nuit tombe tranquillement, sombre et nuageuse, quand, d’un seul coup, à 23 heures, le Florence H. s’embrase comme une torche puis explose. En 40 minutes environ, le bâtiment sombre.

Chaloupe de sauvetage sur la zone de l'explosion du Florence H le matin du 18 Avril 1918. Photographie d'époque prise par George Koktavy. Crédits: wreck.fr.

Présent à bord d’un destroyer mouillant à proximité, l’enseigne Upton n’hésite pas une seconde et se jette à l’eau et, nageant à travers les vestiges de ce qui est déjà en train de devenir une épave, part à la rescousse de l’équipage. A lui seul, il parvient à en secourir 7 puis, aidé par des compagnons d’armes, notamment le lieutenant Harvey Hislip et un cuisinier du nom de Jesse Cington, il réussit à en sauver dix autres. Pour autant, le bilan est extrêmement lourd puisqu’il se monte à plus de 40 morts, sur les 77 membres de l’équipage du Florence H. Aujourd’hui encore, les causes de ce drame ne sont pas connues. Mais l’explication la plus plausible est bien celle du mine sous-marine.

Erwan LE GALL

 

 

1 « Hero of Explosion on Dynamite Ship Home With Medal », New York Tribune, Vol. LXXIX, n°26534, July 10, 1919, p. 9