Lorsque Rennes soutient l’héroïsme finlandais contre l’agresseur soviétique

Lors de l’hiver 1939 - 1940, tous les regards semblent tournés vers l’Allemagne, ennemi désigné depuis la déclaration de guerre. Mais la drôle de guerre n’est assurément pas une période sans affrontements. Les premiers torpillages de navires  ont lieu. En témoigne celui du paquebot Bretagne, vécu en octobre 1939 par l’écrivain José Germain. Quelques semaines plus tard, la Finlande est le théâtre d'intenses combats. Ceux-ci suscitent une vive émotion en France, notamment à Rennes où s'organise un gala de soutien le 21 février 1940.

Mitrailleurs finlandais pendant la guerre russo-finlandaise de 1939. Wikicommons / Library of Congress.

Le 30 novembre 1939, Staline déclenche une offensive contre la Finlande. Son objectif est de constituer avec l’annexion de la Carélie un glacis protecteur autour de Leningrad (Saint-Pétersbourg). Vivement critiquée, l’URSS est exclue de la Société des Nations à peine deux semaines après le début des hostilités. L’émotion en France est forte. Le rapport de force laisse perplexe sur la capacité des Finlandais à résister aux assauts de l'Armée rouge. La guerre d'Hiver s'apparente en quelque sorte à la lutte de David contre Goliath. Pourtant, les soldats scandinaves commandés par le maréchal Mannerheim parviennent à stabiliser le front.

Leur résistance est très rapidement qualifiée d’« héroïque » en France. La maréchale Foch, bretonne d’origine, et depuis peu « concitoyenne » rennaise, décide d’organiser un concert de soutien1. Là encore, l'ombre portée de 1914-1918 est bien identifiable. Cette manifestation se déroule le mercredi 21 février 1940 au théâtre municipal. Par cette occasion, « Rennes a voulu témoigner publiquement de son admiration pour un pays de héros entrés vivants dans la légende ».

L’opération est une réussite. Il faut dire que de nombreux Français sont d'autant plus solidaires des Finlandais qu'ils gardent en mémoire le volte-face de Staline lors de l'été 1939 avec la signature du pacte germano-soviétique. Le théâtre est complet. De nombreuses personnalités locales se déplacent. Est aussi présente Claude Holma, belle-fille du diplomate finlandais Harri Holma. En revanche, grippée, la maréchale Foch ne peut se déplacer. Elle est représentée par ses deux filles.

Le théâtre de Rennes, carte postale (détail). Collection particulière.

Au programme de la soirée, un spectacle essentiellement musical. La présence de Lily Laskine, « harpiste de réputation mondiale », montre l’importance de l’évènement. Qui plus est, ses origines  russes résonnent inévitablement comme un symbole. Le public ne s’y trompe pas et se montre particulièrement généreux malgré les nombreuses sollicitations financières dont il fait l'objet depuis le mois de septembre 1939. Les entrées, les dons, la vente de programmes et la quête rapportent ainsi près de 70 000 Francs destinés  « au général Mannerheim ».

Le gala est la preuve que malgré l’attente des combats avec l’Allemagne, les Français ne se détournent pas totalement des préoccupations liées à l’Est. Quelques jours plus tard, le traité de Moscou, signé le 12 mars, met un terme à 104 jours de tragiques combats. Si les pertes sont très importantes pour la Finlande, tant au niveau humain que territorial, son image s’en retrouve considérablement renforcée sur le plan international. Au contraire de l’URSS dont certains commencent même à douter des qualités de son Armée rouge. Un élément qui, selon certains auteurs, n’est pas étranger au déclanchement de l’opération Barbarossa le 22 juin 1941.

Yves-Marie EVANNO

1 « Le Grand Gala franco-finlandais », L’Ouest-Eclair, 23 février 1940, n°15809,  p. 4.