Lucien Sigot, un médecin au service de la Résistance morbihannaise

Lucien Sigot n'est certainement pas le résistant breton le plus célèbre. Pourtant, ce dernier joue un rôle déterminant dans l'unification de la Résistance dans le Morbihan, tâche ardue dans un département où les questions politiques et religieuses demeurent sensibles.

Arzon, porte d'entrée du golfe du Morbihan et résidence secondaire de Lucien Sigot. Carte postale. Collection particulière.

Lucien Sigot naît le 11 mars 1879 à Saint-Nicolas-des-Biefs dans l'Allier, commune où exerce son père, instituteur. Elève brillant, il s’oriente vers des études de médecine et s’installe à Paris pour y faire carrière. Il y rencontre notamment les époux Joliot-Curie qu'il fréquente à l'occasion. Au début de la guerre, il décide, avec sa femme, de venir à Arzon, dans le Morbihan, où le couple possède une résidence1. Mais ce n'est véritablement qu'à partir de 1943 qu'il s'engage dans la Résistance, suite à sa rencontre avec le chef de la gendarmerie morbihannaise, Maurice Guillaudot. Désormais, la demeure des Sigot devient une véritable plateforme où sont centralisés tous les renseignements obtenus sur la presqu'île de Rhuys. Elle devient également la cachette permanente de trois réfractaires au travail obligatoire de la commune. Parmi eux se trouve notamment Jacques Féret, originaire de région parisienne, bientôt incorporé aux Forces françaises de l’intérieur et qui officiera notamment en tant qu’agent de liaison de Lucien Sigot.

En septembre 1943, la maison accueille l'instructeur-saboteur « Morvan » qui traverse depuis plusieurs semaines le Morbihan à bicyclette, afin d'assurer la formation des futurs instructeurs. Durant onze jours, de nombreux résistants de la presqu'île défilent chez les Sigot, sans que l'agitation n'éveille les soupçons de l'occupant. Sept mois plus tard, au début du mois de mars 1944, c'est encore chez les Sigot que se tiennent deux réunions fondamentales qui permettront à la Résistance morbihannaise de s'unifier définitivement. En effet, Paul Chenailler, souhaitant achever la structuration des FFI du département, y rencontre avec succès les représentants des FTP.

Mais le 12 mars 1944, les époux Sigot sont informés du coup de filet qui se prépare contre les chefs de la Résistance morbihannaise. Jacques Féret est arrêté le 22 mars à Saint-Nicolas-des-Eaux : d’abord interné à Pontivy, puis à Rennes, il est condamné à mort par le tribunal militaire allemand siégeant dans le chef-lieu du département d’Ille-et-Vilaine et est fusillé le 30 juin 1944 en la butte de la Maltière avec 17 autres Résistants2. Les époux Sigot s’enfuient pour leur part à Larmor-Baden où une camionnette de FTP les prend en charge pour les cacher à Réguiny, petite localité située entre Pontivy et Ploërmel. Les renseignements fournis étaient exacts. Le 31 mars, les Allemands se présentent à leur résidence où est resté leur domestique de 19 ans, Joseph Le Dorven. Bien que n’ayant jamais été impliqué dans les activités des Sigot, le jeune homme est arrêté le même jour que Joseph Rollo et 27 autres résistants morbihannais. Il est déporté à Neuengamme et meurt quelques jours avant l'arrivée des Américains.

Les maquisards à l'assaut! Scène de théâtre, sans lieu ni date. Carte-photo. Collection particulière.

À 65 ans, Lucien Sigot entame, de son côté, une nouvelle vie de maquisard. Il met à profit son expérience de médecin pour soigner les résistants de la région de Réguiny puis, à partir de la fin du mois de mai, de Pleugriffet, non loin de là. Mais en juillet 1944, Lucien Sigot tombe malade, victime d'une broncho-pneumonie. Mal soigné, le médecin décède quelques mois plus tard, le 22 novembre 1944, dans sa demeure à Arzon. Celle qui aura joué un rôle si important pour la Résistance morbihannaise.

Yves-Marie EVANNO

 

 

 

1 LEROUX, Roger, Le Morbihan en guerre 1939-1945, Mayenne, Joseph Floch Editeur, 1978, p. 425-426.

2 PRIGENT, Alain et TILLY, Serge, « Féret, Jacques, Gérald », in Pennetier, Claude, Besse Jean-Pierre, Pouty, Thomas et Leneveu, Delphine (Dir.), Les Fusillés, 1940-1944, Paris, Editions de l’Atelier, 2015, p. 677.