Prendre des nouvelles des prisonniers de guerre lors de la campagne de 1940

Lors du printemps 1940, la débâcle de l’armée française entraine la capture de plus de 137 000 soldats bretons. Si certains sont détenus quelques semaines dans des camps en Bretagne, d’autres quittent immédiatement la France en direction de l’Allemagne. Ce long trajet, pénible pour les captifs, laisse également de nombreuses familles dans l’incertitude. Sans nouvelles de leurs proches pendant plusieurs semaines, elles ne peuvent en effet contenir leurs angoisses. Là encore, la correspondance reste la meilleure preuve de vie qui soit. Forts de « l’expérience de la guerre 1914-18 », les membres de la Fédération nationale des anciens combattants prisonniers de guerre (FNAPG) tentent de prodiguer quelques conseils utiles aux familles par voie de presse1.

Carte de correspondance pour prisonniers de guerre pendant la Seconde Guerre mondiale. Collection particulière.

Le 15 juin, alors que les Allemands sont aux portes de la Bretagne et que les captures se multiplient, Le Nouvelliste du Morbihan diffuse un communiqué. Le premier conseil est destiné aux familles qui sont sans nouvelles des leurs. L’association leur demande « de conserver l’espoir » en leur rappelant que, comme lors du précédent conflit, « les autorités allemandes ne permettent pas toujours aux prisonniers d’écrire aussitôt capturés ». Evidemment, une telle réponse ne permet pas de lever tous les doutes sur l’état dans lequel se trouvent leurs proches mais a au moins le mérite d’installer le silence dans une certaine normalité. Les familles sont alors invitées à écrire aux commandants de dépôts qui, à l’aide des informations dont ils disposent, pourront normalement confirmer la capture de leur proche ou, au contraire, sa disparition.

D’autres familles sont déjà renseignées sur ce point. Certaines ont même reçu, quelques semaines auparavant, une première lettre d’un soldat captif. Mais depuis, plus rien. Les familles craignent naturellement le sort qui est réservé outre-Rhin aux prisonniers. Là encore, la FNAPG se veut rassurante. Elle rappelle que les hommes transitent bien souvent par plusieurs camps avant d’être affectés dans un Stalag. C’est bien souvent cette mobilité qui les empêche de prendre leur plume. Malgré tout, l’association affirme qu’il est possible de leur envoyer des lettres à condition d’indiquer « Kreigsgefangenenpost » sur l’adresse.

Le dernier conseil prodigué par la FNAPG concerne les familles qui disposent déjà d’une adresse définitive. L’association tient à rappeler que, contrairement à une idée rependue, il est préférable d’envoyer directement les courriers et les colis en Allemagne plutôt que de passer par l’agence centrale des prisonniers de guerre à Genève. Les anciens prisonniers de guerre conseillent également, dans le cas des colis, d’insérer l’adresse du Stalag à l’intérieur du paquet au cas où l’enveloppe externe « serait déchirée accidentellement ».

Prisonniers du stalag III-D, sans date. Collection particulière.

Enfin, parce que chaque prisonnier de guerre a fait l’expérience, durant la Grande Guerre, de recevoir des denrées moisies, la FNAPG rappellent quelques consignes relatives au conditionnement de l’envoi des colis. En effet, de nombreuses familles oublient que les aliments s’apprêtent à subir un long trajet. Face à la récurrence de ce type de problème, le ministère de la Guerre était d’ailleurs intervenu en 1917 auprès des services postaux afin de leur demander de « REFUSER les colis contenant des denrées alimentaires périssables (escargots vivants, tomates, œufs, viande, beurre, fruits) »2. Pour éviter toute mauvaise surprise, la FNAPG préconise d’adresser des conserves et des « biscuits spéciaux ». Rédigés dans l’urgence de la débâcle, ces conseils seront finalement valables et utiles pendant près de cinq ans…

Yves-Marie EVANNO

 

 

 

 

 

 

1 « Pour rassurer les familles qui sont sans nouvelles de leurs soldats », Le Nouvelliste du Morbihan, 15 juin 1940, p. 2.

2 Archives départementales du Morbihan, R 1614, lettre du ministre de la Guerre, 31 juillet 1917.