Les formations sanitaires dans une place militaire de l’arrière, Fougères 1914-1918

 

Il est coutume de dire que le nombre et la multiplicité des hôpitaux pendant la Première Guerre mondiale, qu’ils soient mixtes, temporaires ou encore auxiliaires, est un excellent révélateur de l’extrême violence qui règne sur le champ de bataille. Cela est d’ailleurs rigoureusement exact mais ce que livre Daniel Bouffort en se basant sur le cas de Fougères, c’est une analyse systémique de ces établissements de santé destinés aux combattants. Car derrière cette multitude se cache en réalité une organisation bien particulière.

Par Daniel BOUFFORT

 

 

Avant le déclenchement des hostilités de la Grande Guerre, la ville de Fougères est une ville moyenne caractérisée et reconnue par sa puissance économique, basée sur sa mono-industrie de la chaussure. C’est aussi un chef-lieu d’arrondissement rayonnant sur une région rurale prospère où l’agriculture et l’élevage occupent une nombreuse population laborieuse. Le développement de l’activité économique a justifié, dans la seconde moitié du XIXe siècle, outre la création d’un réseau ferré complet desservant tous les cantons de l’arrondissement, la construction d’un nouvel hôpital. C’est dans ce contexte que  s’implante également en 1874 une garnison.

Fougères, qui relève de la 10e région militaire, demeure cependant une place militaire modeste. La ville héberge, en temps de paix, une unité de 700 hommes, le 10e escadron du train des équipages, cantonné à la caserne des Urbanistes, et accueille une annexe de l’école d’artillerie de Rennes, située à proximité immédiate de la gare. Le service de santé de la garnison est lui aussi modeste. Il se résume à une infirmerie de corps et un cabinet dentaire à la caserne des Urbanistes ainsi qu’à 20 lits dédiés et gérés par l’autorité militaire dans les locaux de l’Hôtel-Dieu (133, rue de la Forêt), dans le cadre d’une convention entre la région militaire et les hospices civils de Fougères1. Cette configuration est brutalement et durablement bousculée par l’entrée en guerre.

Carte postale. Collection particulière.

Un fonds d’archives, relatif au fonctionnement de l’hôpital mixte2 installé dans les locaux de l’Hôtel-Dieu, est demeuré fort opportunément à l’hôpital de Fougères et a été déposé dans un second temps aux Archives municipales. C’est sur la base d’un examen exhaustif de ce fonds, inexploité jusqu’à présent, que nous présenterons successivement l’impact de la guerre sur la structuration du dispositif local de santé militaire ainsi que l’étendue et la complexité de la mission qui va lui être assignée afin de traiter les milliers d’hommes qui vont lui être adressés. Mais notre étude ne se réduira pas à une description « médico-technique » d’un aspect de la guerre 1914-1918, vue d’une place de l’arrière. Nous avons en effet l’ambition de mettre en lumière les conditions de vie et hélas de mort de ces hommes et des femmes qui furent plongés dans cette tourmente.

 

Les formations sanitaires de la place de Fougères

La déclaration de guerre du 1er août 1914 et la mobilisation entraînent le déploiement du dispositif prévu en cas d’hostilités. Le plan de mobilisation prévoit en effet l’extension des capacités de l’hôpital mixte ainsi que la mise en fonctionnement d’hôpitaux temporaires au 6e jour de son déclenchement et l’affectation d’un médecin-chef et d’un officier d’administration par formation. L’organisation sanitaire de la place de Fougères change donc radicalement de configuration, tant en ce qui concerne son dimensionnement qu’en ce qui concerne sa vocation.

Les formations sanitaires de la place de Fougères relèvent de l’autorité de la Direction du Service de Santé de la de la 10e région militaire qui couvre les départements des Côtes-du-Nord, de l’Ille-et-Vilaine et de la Manche. Localement, elles sont commandées par un « médecin-chef de la place », basé à la caserne des Urbanistes. Se succèderont à cette fonction au cours de la guerre les docteurs Laurens, Chapon, Simon et Leard.

Les missions des formations sanitaires de la place de Fougères

Les formations sanitaires de la place de Fougères ont vocation à assurer le diagnostic et les soins médicaux aux blessés et malades des différentes unités en garnison, dépôt, cantonnement, en repos ou à l’instruction dans la région. A ce titre et au moins jusqu’au début de 1917, la place de Fougères accueille, outre le 10e escadron du train des équipages :

  • le 106e régiment d’artillerie lourde (106e RAL), composé de 4 batteries. Constitué à Fougères en septembre 1915, il comporte 1650 hommes campant dans divers cantonnements : 62e et 64e batteries à Fougères, 61e et 63e batteries à Javené…3
  • un détachement de 4 compagnies du 70e Régiment d’Infanterie de Vitré,
  • un détachement de la 10e section des commis et ouvriers d’administration (80 hommes), chargée des prestations l’intendance, d’habillement, du paiement des soldes… 
  • un détachement de la 10e section d’infirmiers militaires (32 hommes) à l’Hôpital Mixte et dans les hôpitaux complémentaires.
Carte postale. Collection particulière.

A ces éléments, il faut ajouter un certain nombre d’unités repliées de la 6e région militaire (Chalons-sur-Marne) du fait de l’avancée allemande dans le territoire national puis de la stabilisation du front. On recense ainsi :

  • le bataillon cycliste du 6e corps dépendant de la 5e division de cavalerie, à savoir 140 hommes cantonnés notamment à la Retraite (88 rue de la Forêt) et aux Urbanistes,
  • le 48e régiment d’infanterie territoriale, initialement cantonné Chalons puis replié à Chantepie,
  • ainsi que le 6e escadron du train des équipages (582 hommes), replié de Châlons-sur-Marne après les premiers mois de guerre et qui cantonne notamment dans les usines Pitois et Bahu.

A ces hommes, il faut ajouter les prisonniers de guerre allemands et bulgares internés et consignés au Château de Fougères et dans les dépôts temporaires (mine de Montbelleux, ferme de Saint-François, verrerie de Laignelet…) ainsi que les détachements chargés de les garder. Au total, l’effectif des militaires stationnés dans la place de Fougères s’élève jusqu’à 7000 hommes en 1915, pour décroître à environ un millier à partir de 19174.

A droite sur la photo, le lieutenant Alexander Kirmsse, prisonnier allemand en captivité à Fougères. Europeana 14/18: Leutnant der Reserve Alexander Kirmsse.

Les formations sanitaires de la place de Fougères ont vocation à prendre en charge les blessés et malades évacués de la zone des armées, affectés par le Directeur du Service de santé de la région militaire. A ces missions de soins, s’ajoute également le contrôle de tous les militaires, réformés ou permissionnaires se trouvant dans le ressort de la place et pour lesquels un avis médical est requis par une autorité civile ou militaire. De même, les médecins militaires reçoivent également au cours de la guerre la mission de surveiller cliniquement les prostituées de la ville, dans le cadre de la prophylaxie des maladies vénériennes.

La  déclaration de guerre et l’ordre de mobilisation ont donc comme conséquence la montée en charge des capacités d’accueil militaire à l’hôpital mixte de Fougères (de 20 lits réservés en temps de paix à 112 lits), la création et la mise en fonctionnement de structures temporaires (hôpitaux complémentaires, hôpitaux auxiliaires, formations bénévoles…) ainsi que le déploiement d’infirmeries régimentaires pour les différentes unités stationnées dans la ville.

L’hôpital mixte de Fougères

En quelques semaines, le service de santé dispose sur la place de Fougères d’une formation permanente de référence, l’hôpital mixte. Dans le cadre de la convention passée avec la commission administrative des Hospices civils de Fougères, 112 lits sont mis à disposition de l’autorité militaire dans les locaux de l’Hôtel-Dieu. Il reste ainsi 120 lits disponibles pour les malades civils (60 pour les femmes et 60 pour les hommes). 55 lits militaires sont installés au rez-de-chaussée ouest de l’établissement et affectés à la prise en charge des blessés chirurgicaux « service de grande chirurgie » (21 dans la grande salle, 34 dans le pavillon). 57 lits sont installés au rez-de-chaussée est et sont dévolus aux malades contagieux et fiévreux (23 dans la grande salle, 34 dans le pavillon). 80 lits supplémentaires seront installés dans des baraquements démontables dans les tous derniers mois de la guerre5.

Carte postale. Collection particulière.

Au  long du conflit, les blessés et malades accueillis à l’Hôpital mixte de Fougères sont pris en charge par un corps médical militaire composé d’un médecin-chef, d’un médecin-major chirurgien, de médecins major affectés aux lits des contagieux et des malades non-chirurgicaux ainsi que d’un médecin-major radiographe6. Au poste de médecin-chef, se succèdent notamment à Fougères les Dr Duval, Le Damany et Leard. Pierre Duval est sans doute le plus connu de ces praticiens. Chirurgien parisien chevronné, il exerce à Fougères après avoir opéré dans les ambulances du front. Il sera par la suite chef de secteur chirurgical de la 10e région militaire, puis retourne animer des formations sanitaires du front, avant de prendre la direction de l’hôpital de Pontoise, ce qui explique peut-être l’évacuation sur Fougères de nombre de blessés issus de cette structure. Il connut après la guerre une carrière médicale prestigieuse.

Parmi les médecin-major chirurgiens, on retrouve notamment les docteurs Moyrand, Hallopeau ou encore Laffite, qui est également anesthésiste. Mais, l’examen des registres de chirurgie nous apprend cependant que d’autres opérateurs, venus plus ponctuellement de certaines formations rennaises ou du secteur chirurgical de la 10ee région, interviennent également à Fougères, y compris d’ailleurs dans les soins aux patients civils7. On retrouve ainsi les noms des docteurs Eon, Dujarrier8, Chemin, Chaumet, Francois, Debecourt, Lebreton, Coriat, Montjarret…

Pour ce qui concerne le personnel de soin, l’effectif se compose de 6 infirmiers militaires, 1 par salle, relevant de la 10e section d'infirmiers militaires. Ces infirmiers, en général issus du service auxiliaire, c'est-à-dire médicalement « inaptes à faire campagne », assurent le brancardage vers la salle d’opération et la radiographie ainsi que les gros travaux de propreté tels que – par exemple pour le service de contagieux – la salle de bains et les frottis pour le traitement de la gale. L’économe des Hospices Civils, Armand Guérin, assure bénévolement les fonctions de gestionnaire tandis qu’un caporal ou un sous-officier est chargé de la comptabilité et du secrétariat du médecin-chef.

En 1917, les infirmiers militaires sont remplacés par des infirmières religieuses de la Communauté des Augustines, desservant l’hôpital civil. L’autorité militaire, qui souhaite réaffecter les infirmiers militaires dans les formations sanitaires de l’avant, sollicite l’administration civile pour trouver une solution de remplacement. La mère supérieure de la Communauté des Augustines, consultée, ne désirant «  nullement l’introduction d’un personnel féminin dans les salles militaires »  proposera d’affecter des religieuses à ces salles. On en profitera d’ailleurs pour remarquer combien cette solution acceptée par l’autorité militaire et les pouvoirs publics de manière générale tranche avec les crispations observées dix ans plus tôt, lors de la séparation de l’Eglise et de l’Etat9. Notons enfin que début 1918, cinq soldats annamites viendront assurer des fonctions « d’infirmier-d’exploitation »10.

Carte postale. Collection particulière.

Pendant la Première Guerre mondiale, l’hôpital mixte de Fougères dispose d’un plateau technique composé notamment d’une salle d’opération, dont l’arsenal a été complété par le service de santé, et d’une unité de radiographie dotée d’un équipement semble-t-il assez hétéroclite et plus ou moins fonctionnel puisque certains éléments appartiennent à l’hospice civil (générateur Gaiffe11) tandis que d’autres sont mis en place par le service de santé (soupapes, ampoules….)12. A noter que certains équipements sont acquis par le docteur Duval sur ses propres deniers et sont par la suite rétrocédés aux hospices civils13. A ces éléments il convient également d’ajouter une grande étuve à vapeur pour la désinfection ainsi qu’une pharmacie en lien direct avec la pharmacie centrale de l’Armée, en particulier pour la fourniture des sérums antipneumococcique, antistreptococcique, antidysentérique, antidiphtérique, antiméningococcique, antitétanique… Enfin, s’adjoint à tout cela un embryon de laboratoire de chimie permettant de faire des analyses d’urine simples à l’Hôpital Complémentaire n°29.

Les autres formations sanitaires de la place de Fougères en temps de guerre

Si l’hôpital mixte est à la formation permanente de référence, celle-ci est complétée par quatre hôpitaux temporaires complémentaires dont le rôle consiste soit à prendre en charge en première intention des blessés et malades ne nécessitant pas de gestes techniques ou d’avis médicaux spécialisés, soit à poursuivre les traitements effectués à l’hôpital mixte et à en désengorger les lits. Ces hôpitaux complémentaires sont également sous administration militaire.

L’hôpital complémentaire n°11 (HC n°11) est installé au Collège communal de garçons, rues Rallier et Lesueur. Il dispose d’une capacité de 160 lits et fonctionne de la déclaration de guerre au 10 août 1916. 45 lits y sont affectés aux blessés du front, 45 aux « musulmans » et 70 aux malades. Le médecin-chef Feltmann, médecin aide-major de 2e classe, en assure longtemps la direction. L’inventaire des instruments et du matériel équipant cette formation laisse penser qu’on pouvait y pratiquer des actes chirurgicaux14.

Carte postale. Collection particulière.

L’HC n°11 dispose de plusieurs annexes (100 lits) à Louvigné-du-Désert dans le bourg (à l’école libre et communale) ainsi que dans la propriété du comte de La Riboisière, sénateur d’Ille-&-Vilaine et maire de la commune. Cette annexe, gérée à titre d’hôpital bénévole par M. et Mme de La Riboisière relève de la société française de secours aux blessés militaires et est encadrée médicalement par le docteur de Montigny. Le service de santé verse au Comte de La Riboisière un prix de journée (2 francs en 1916) pour chaque militaire en traitement.

L’hôpital complémentaire n°12 (HC n°12) est installé pour sa part à l’Ecole primaire supérieure (EPS) de filles, sise au 7, rue Rallier. Il dispose d’une capacité de 100 lits et fonctionne d’août 1914 à son évacuation en janvier 1917. Les locaux sont restitués à l’usage scolaire de la ville de Fougères en août 1917. Les Majors Leard, Chapon, puis Benoist en assurent successivement l’encadrement médical.

L’HC 12 contrôle trois annexes. Une se trouve à l’hospice de vieillards Saint-Louis sis au 13, rue de l'Hospice. 72 lits sont ouverts du 9 novembre 1914 au 6 décembre 1918. Notons qu’après la fermeture du site de l’EPS de la rue Rallier, l’annexe de Saint-Louis sera rattachée à l’HC 29. L’annexe de l’hospice Saint-Louis accueille notamment des prisonniers allemands, hébergés dans une salle dédiée (Salle Ste Elisabeth) au deuxième étage du bâtiment et un corps de garde. Une autre annexe de l’hôpital complémentaire n°12 se trouve à l’hospice civil de Saint-Brice-en-Coglès, sur la route de Fougères. 30 lits sont ouverts du 2 août 1914 au 7 février 1917. C’est le Dr Helleu, médecin civil, qui y assure – à titre bénévole – la prise en charge médicale. Enfin, troisième et dernière annexe, celle de Louvigné-du-Désert (50 lits) qui restera ouverte après la fermeture de l’HC 12, sur la demande du sénateur de La Riboisière et sera alors rattachée à l’hôpital complémentaire n°29.

L’hôpital complémentaire n°29 (HC n°29) est installé au sein de la Communauté des sœurs de Rillé, établissement de sourds-muets sis au 54, rue de Rillé. Cet hôpital complémentaire est doté d’une capacité de 110 lits dont 55 pour blessés et malades français et 40 pour les troupes coloniales. Il fonctionne du 14 août 1914 au 28 février 1919. Il lui est rattaché à partir du 1er juillet 1917, l’annexe de l’Hospice Saint-Louis, relevant initialement de l’HC 12 (60 lits) qui fonctionne jusqu’au 10 janvier 1919.  A noter que la décision de construire un hangar Bessonneau d’une capacité d’accueil de 110 lits est prise en août 1918.

Carte postale. Collection particulière.

L’HC 29 est dirigé par le Dr Martinais, médecin-chef jusqu’en août 1916, puis par le Dr Vignat. Il fonctionne avec un pharmacien aide-major, 8 infirmiers dont 2 religieuses, renforcés en fonction de l’activité, par un médecin bénévole, d’autres religieuses et des bénévoles de l’Union des femmes de France. L’inventaire des instruments et du matériel équipant cette formation laisse penser qu’on pouvait y pratiquer des actes chirurgicaux15.

L’hôpital complémentaire n°93 (HC n°93) est installé à l’hospice d’Antrain-sur-Couesnon. 60 lits y sont ouverts auxquels il faut ajouter 44 lits au Patronage municipal de la route de Fougères, 24 lits à l’Ecole communale, 44 lits à l’Ecole libre de 1914 au 31 mars 1919, 30 lits à l’Hospice de Tremblay qui fonctionnent à partir d’octobre 1915 ainsi que 40 lits à l’annexe de Saint-Ouen-la-Rouërie (ouvert en août 1915).

L’ensemble de cet important dispositif est géré par un médecin-major, poste sur lequel se succèdent les docteurs Perret, Legrand, Laffond-Gallity…. Outre le fait que 40 lits de cet hôpital sont « réservés aux arabes », on notera l’édification,sur le site de l’hospice, de baraques Adrian et l’existence d’une salle d’opération.

A ces quatre hôpitaux complémentaires viennent s’ajouter deux hôpitaux auxiliaires ou bénévoles. L’administration de ces structures est déléguée à des sociétés d’assistance de la Croix Rouge (Société de secours aux blessés militaires, Union des femmes de France, Association des dames de France… ) homologuées par le ministère de la guerre. Elles sont classées en 3 catégories: A pour grand blessés, B moyen blessés, et C pour « petits blessés » et convalescents16. La numérotation de ces établissements ne doit rien au hasard et est au contraire attribuée par région militaire dans une série continue : de 1 à 99 et 300 à 399 pour les hôpitaux de la Société de secours aux blessés militaires, de 100 à 199 et de 400 à 499 pour ceux de l’Union des femmes de France et de 200 à 299 et 500 à 599 pour ceux de l’Association des dames de France17.

L’hôpital auxiliaire n°106 est installé à l’école de filles, 5 rue Charles Malard. Cette structure de  45 lits est gérée par le comité de Fougères de l’Union des femmes de France et dirigée par Mme Hélye du 30 aout 1914 au 26 septembre 1916. Le médecin fougerais Albert Deroyer (fils) y apporte bénévolement ses soins. L’hôpital auxiliaire n°5 est lui installé à l’école Saint Marthe, sise au 113, rue de Rillé. Il résulte de l’initiative de la Société française de secours aux blessés militaires et fonctionne avec 40 lits du 31 août 1914 au 13 mars 1917 sous la direction de M. Pautrel (fabricant en chaussures) avec le concours de Mme le Dr Darcanne, médecin fougerais18.

Brochure de présentation de l'Union des femmes de France (détail). Collection particulière.

A ces différents hôpitaux on peut également ajouter des structures bénévoles d’assistance aux convalescents. Celles-ci sont créées dès le début de la guerre pour venir en aide aux soldats qui, sortant des hôpitaux, ne peuvent partir en convalescence dans leur famille, que celle-ci soit dans le dénuement ou réside dans les zones d’occupation allemande ou encore outre-mer. C’est ainsi que dans la région fougeraise on recense19:

  • un « dépôt » d’assistance aux convalescents de 20 lits à Parigné. Ouvert en 1915 et organisé par la comtesse de Bagneux-Faudoas au château de la Ville-Gontier, il est rattaché à l’hôpital complémentaire n°11 de Fougères;
  • un « dépôt  de 20 lits à Saint-Georges-de-Reintembault. Ouvert en 1914 par le maire et dirigé par les religieuses dans l’hospice communal, il est rattaché à l’hôpital complémentaire n°11 de Fougères;
  • un « dépôt  de 20 lits à Saint-Rémy-du Plain. Ouvert en 1914 par le Maire dans les locaux du patronage et dirigé par l’abbé Lefrançois dans l’hospice communal, il est rattaché à l’hôpital complémentaire n°93 d’Antrain.

Pour mémoire, il convient de préciser que relèvent également de l’autorité du médecin-chef de la place médicale de Fougères les hôpitaux complémentaires n°118 et 119 de Sourdeval (chacun 40 lits) ainsi que l’hôpital complémentaire n°113 de Saint-Hilaire-du-Harcouët (134 lits) et le dépôt de l’hôpital de Pontorson (150 lits).

Au total, on peut donc estimer les capacités maximales d’accueil dans la région fougeraise à plus  1 600 lits. Ce chiffre corrobore peu ou prou les estimations déjà publiées et confirme de ce point de vue le rang intermédiaire de la place de Fougères, plus importantes que des localités telles que Redon, Saint-Méen, Dol, Bruz ou encore La Guerche-de-Bretagne mais clairement en retrait par rapport à Vitré, l’agglomération malouine et bien entendu Rennes20. Mais, plus que ce chiffre déjà très impressionnant, c’est sans doute la diversité des structures existantes qui dit le mieux l’impact de la guerre sur la région. Car il ne faut pas oublier que les unités stationnées à Fougères adressent et soignent en première intention leurs personnels dans  leur infirmerie de corps. Ainsi, le 10e escadron du train dispose à la caserne des Urbanistes d’une infirmerie assurant des consultations et des traitements. Celle-ci, placée sous la direction d’un médecin-major comprend 25 lits. Même chose pour le 6e escadron du train qui établit son infirmerie régimentaire dans un immeuble situé 1, rue Balzac (10 lits), sous la direction successive des docteurs Hamon, Tregouet puis Chaumet. Pour sa part, le 106e  RAL installe son infirmerie régimentaire à l’Orphelinat de la Providence, situé place du Marchix (45 lits). Enfin, on doit également prendre en compte l’existence d’une petite infirmerie de 6 lits à l’intérieur du dépôt de prisonniers de guerre du Château de Fougères, au 1er étage de la tour Mélusine, et d’une autre au camp de la Lande d’Ouée, administrativement rattachée à la place de Fougères à la fin de la guerre.

 

Militaires décédés, blessés et malades…

Tel est donc l’imposant dispositif d’accueil et de soins mis en place dès les premières semaines de la guerre. Celui-ci se rationalise à partir de 1916 autour d’un « noyau dur » constitué de l’hôpital mixte, des HC 29 et 93, de l’annexe Saint-Louis et de l’hôpital bénévole de Louvigné-du-Désert qui fonctionnent jusqu’à la fin de la guerre, en fonction des flux et des besoins de soins des hommes blessés ou malades. Mais plus encore que la multiplicité et la diversité des structures mises en place, c’est bien l’approche statistique des militaires décédés, blessés et malades qui dit l’importance de l’activité de soin dans la région fougeraise pendant la Première Guerre mondiale.

Blessés et soignants pendant la Première Guerre mondiale. Europeana 14:18: FRAD014_61 Photographie de blessés.

Repères quantitatifs et qualitatifs

L’étude exhaustive du registre des décès et des registres des entrées des malades de l’hôpital mixte de Fougères offre la possibilité d’établir une statistique de l‘activité de cette formation21. Malheureusement, l’absence de sources disponibles localement ne permet pas d’apprécier l’activité des autres formations sanitaires de la place. Mais l’examen des registres d’état civil (registres des décès) des communes de Fougères, Antrain, Saint-Brice-en-Coglès et Louvigné-du-Désert comble très partiellement cette lacune.

Entre le 1er août 1914 et le 31 décembre 1918, 163 militaires décèdent à l’hôpital mixte de Fougères. 19 meurent des suites de blessures graves reçues au front. Ce chiffre peut paraitre étonnement bas mais, en réalité, tout porte à croire que les blessés graves décèdent avant d’arriver dans un établissement sanitaire de l’arrière tel que ceux de la région de Fougères, c’est-à-dire dans une ambulance à proximité des lignes ou dans un des hôpitaux d’évacuation de la zone des armées. Tous les autres, soit 144 soldats, décèdent d’affections médicales dont certaines sont contractées sur le champ de bataille.

On relève également l’extrême fréquence de la pathologie infectieuse, où domine la grippe (dans les derniers mois de la guerre – 60 décès imputés à la grippe espagnole et à ses complications broncho-pneumopathiques de juin à décembre 1918) – avant la tuberculose sous ses différentes localisations (cause de 27 décès) et la fièvre typhoïde (cause de 6 décès). Cette dernière affection disparaît pratiquement sous l’effet de la vaccination systématique proposée à partir de 1915 par le Dr Hyacinthe Vincent22.

Mais l’étude statistique des décès nous permet de dégager d’autres tendances. Ainsi, il apparait que ce sont les unités stationnées à Fougères où dans la région qui « fournissent» le plus grand nombre de militaires décédés : 17 décès de militaires affectés au 10e escadron du train, 23 pour le 106e RAL, 10 pour le 6e escadron du train, 6 également pour le détachement du 70e régiment d’infanterie. De même, une très grande partie des militaires décédés sont originaires de la région : 60 sont nés en Ille-et-Vilaine – dont 9 fougerais – 13 sont des Cotes du Nord, 11 sont nés dans la Manche. Il faut sans doute y voir la conséquence du rôle d’établissement de garnison que joue l’hôpital mixte. Mais c’est aussi la traduction d’une pratique médicale consistant à adresser les blessés ou malades jugés incurables à la formation sanitaire proche de leur domicile pour mourir auprès de leur famille23. On remarque cependant quelques décès « atypiques » qui échappent à cette médicalisation régionale: ainsi un allemand (prisonnier de guerre), un russe, deux bulgares de même que six combattants venus d’Afrique du nord (Algérie et Tunisie).

Notons enfin que la durée moyenne de séjour (entre l’admission et le décès) des militaires est de l’ordre de 22 jours, la durée médiane étant de 6 jours. Rapportée au nombre de patients admis, la mortalité à l’hôpital mixte est ainsi proche de 4%24.

Carte postale frappée du tampon postal de l'HC 29. Collection particulière.

4124 militaires sont admis à l’hôpital mixte de Fougères entre le 1er août 1914 et le 31 décembre 1918. Sur ce total impressionnant, les poli-hospitalisations sont plutôt rares et ne représentent que 3% à 4% des cas, ce qui n’impacte que très marginalement l’analyse. Sur les 4124 militaires admis, seuls 3780 motifs d’admission sont renseignés. Parmi ces hommes, les 1040 militaires victimes de blessures ne représentent qu’une minorité des soldats admis à l’hôpital mixte: 21 % pour les blessés venant du front, 27 % si l’on ajoute les soldats blessés à l’entraînement ou au cantonnement. Les affections médicales, contractées ou non au front constituent donc le motif majeur d’admission à l’hôpital mixte. Dans cet échantillon significatif de 2737 malades, on relève à nouveau l’extrême fréquence de la pathologie infectieuse, avec les ravages de l’épidémie de grippe dans les derniers mois de la guerre – 43% des malades infectés de 1918 –, très loin devant les endémies tuberculeuse et typhoïdique. S’agissant des affections médicales non infectieuses – sur un échantillon de 900 séjours documentés –, on remarque parmi les pathologies les plus fréquentes les affections parasitaires, et en particulier la gale qui représente le tiers des motifs d’admission ou de réadmission, les affections de l’appareil digestif, pour un second tiers, qu’elles soient gastriques (dyspepsies, ulcères de l’estomac), entériques (diarrhées, hernies) ou proctologiques (fissures et fistules anales, hémorroïdes) et enfin les affections dermatologiques (eczéma, érysipèle) et les pathologies vénériennes ainsi que les affections rhumatismales et les atteintes articulaires (arthrites, hydarthroses)25. On observe à la fin de la guerre l’apparition d’anémies, de syndromes asthéniques et une augmentation de la fréquence de pathologies d’organes (troubles cardiaques et urinaires, hépatites) sans doute à mettre en rapport avec le fait, qu’à partir de 1917, l’hôpital mixte reçoit souvent des militaires du « service auxiliaire », c'est-à-dire des hommes qui sont considérés lors de leur recrutement comme inaptes au « service armé », en raison d’une déficience constitutionnelle préexistante ou d’une maladie chronique. Enfin, surtout à partir de 1917, l’hôpital mixte traite des militaires qui ont contracté le paludisme sur les « théâtres d’opération » de l’armée d’Orient.

Au total, les deux études statistiques portant sur les militaires décédés d’une part, et les blessés et malades d’autre part, nous enseignent que l’hôpital mixte de Fougères remplit plus un rôle de centre de soins pour patients médicaux graves (porteurs d’une pathologie infectieuse notamment) que pour militaires gravement blessés au front.

Approche des flux de militaires blessés ou malades

C’est d’ailleurs ce que confirme l’analyse du rythme mensuel des admissions à l’hôpital mixte de Fougères entre le 1er août 1914 et le 31 décembre 1918. On observe en effet une relative stabilité du nombre mensuel d’admissions (une cinquantaine d’entrées) du début 1915 à la mi-1917. Les pics d’activités se trouvent donc dans les premiers et les derniers mois de la guerre.

S’agissant des mois de septembre, octobre et novembre 1914, le nombre important d’entrées (21) est à mettre en rapport avec l’arrivée à Fougères des convois des 31 août, 12 septembre, 10 octobre et 16 octobre, comportant à chaque fois de 20 à 45 blessés pour l’hôpital mixte26. Ces admissions font échos aux engagements majeurs et meurtriers qui se sont déroulés quelques jours plus tôt sur les champs de bataille de Charleroi, la Marne, Woëvre et Hauts-de Meuse, comme en témoigne l’origine régimentaire des soldats (129e RI, 36e RI, 43e RI, 144e RI; 2e et 3e Zouaves, 292e RI, 298e RI, 55e BCA ; 336e RI, 339e RI, 3e BCP).

Portrait. Collection particulière.

Nous sommes alors dans la phase où sévit la funeste doctrine médicale de l’« empaquetage-évacuation » où les soldats blessés arrivent dans les formations sanitaires fougeraises en direct des gares régulatrices du front. Sur les 140 militaires accueillis à l’hôpital mixte dans cette période, on ne recense qu’un seul décès, ce qui laisse à penser qu’il s’agit de convois de « petits blessés » ou que les soldats plus sévèrement touchés n’ont pu, hélas, survivre au voyage… Les admissions se stabilisent dès le mois de décembre 1914 et ce jusqu’en juin 1917 à un rythme moyen mensuel de 56 entrées. Durant cette période, l’hôpital mixte accueille pour l’essentiel (plus de 80%) sa « patientèle locale » constituée par les militaires cantonnés dans une unité ou transférés d’une formation de la place. De ce fait, la proportion d’hospitalisations non chirurgicales s’élève en moyenne à 70%, avec une prédominance de la pathologie infectieuse, ponctuée par de fortes prévalences de rougeole, de scarlatine, d’oreillons, d’angine et de diphtérie, sans rappeler la fréquence des affections pulmonaires.

A partir de juillet 1917, dans un dispositif sanitaire désormais bien « rodé » qui positionne la phase de traitement aigu dans les formations du front, la recrudescence des admissions semble être d’une autre nature et davantage déconnectée des opérations militaires de l’avant. Le 28 juillet 1917, plus de 30 blessés et malades sont ainsi transférés après un séjour dans les formations sanitaires de l’Oise (Compiègne, Ressons-sur-Matz, Estrées – St Denis…). Le 2 février 1918, puis périodiquement le 30 mars, le 9 mai, le 1er juin, le 25 juin, le 2 juillet… parviennent à Fougères des « lots » de plusieurs dizaines de blessés ou gazés évacués des hôpitaux du Nord et de Flandres (Dunkerque, Haringue, Bourbourg, Paris…). Ces contingents massifs sont constitués d’hommes impliqués dans les batailles des Monts de Flandres en avril et mai 1918 (Mont Kermmel, Mont Rouge, …). Une nouvelle vague de blessés du front arrive à Fougères dans la seconde moitié du mois d’août 1918 après des soins à l’HOE de Canly (Oise) et dans les ambulances positionnées à proximité des zones de combat de Château-Thierry et Noyon. Puis, deux groupes de plus de 10 gazés et « ypérisés » en provenance des ambulances 5/20 et 8/7, intoxiqués à Laffaux et Vailly-sur-Aisne près de Soissons, sont admis entre le 19 et le 26 septembre. Même chose entre les 12 au 18 octobre, où l’hôpital mixte reçoit des soldats grippés évacués des formations de Calais et Dunkerque, au moment où se déroulent la bataille de Flandres. Par la suite, en octobre et novembre, l’hôpital mixte de Fougères accueille de grandes cohortes de blessés et malades évacués de formations de la région parisienne (Pontoise, Chartres, Chantilly, Courcelles, Royalieu…).

Enfin, après l’armistice du 11 novembre 1918, sont admis de nombreux militaires rapatriés des camps de prisonniers allemands et ayant transité notamment par l’HOE de Saint-Quentin et l’ambulance de Pontarlier.

Pour autant, on ne retrouve pas dans le large échantillon des quatre milliers d’hospitalisés étudié une forte prévalence de la pathologie mentale. Tout au plus, on recense un faible contingent d’une soixantaine de cas englobant suicide, maladie mentale, neurologique ou épileptique, délire alcoolique….  En tout état de cause, aucun des diagnostics posés ne laisse penser que des militaires présentant des tableaux cliniques liés à des chocs post-traumatiques ou « schell-shock » auraient été admis à Fougères. Probablement, que ce type de patients est adressé vers des centres spécialisés27.

Courrier envoyé depuis l'hôpital auxiliaire 106 de Fougères. Collection particulière.

Pour clore cet examen des flux d’admission, il faut encore évoquer deux catégories d’entrées : les militaires isolés (en permission dans la région, par exemple) et les patients transférés d’une autre formation sanitaire de la place. Les premiers représentent plus de 6 % des entrées et sont essentiellement répartis sur les dernières années de guerre. Le motif de l’hospitalisation est très souvent lié à un syndrome digestif ou infectieux, en particulier la grippe en 1918. Les patients transférés d’une autre formation sanitaire de la place de Fougères représentent pour leur part près de 18% des admissions, preuve que l’hôpital mixte joue le rôle de structure de référence ou de recours pour les hôpitaux temporaires. Les hôpitaux complémentaires 29 et 12 sont les plus gros pourvoyeurs de transfert, essentiellement pour des motifs chirurgicaux et infectieux.

S’agissant des sorties et des « évacuations », on observe que les flux se répartissent à peu près équitablement entre le renvoi des militaires dans leur corps après guérison (28%) et les évacuations sur une autre formation sanitaire de la place (26%). 1075 hommes sont ainsi transférés vers les hôpitaux temporaires de la place, dont presque la moitié vers l’hôpital bénévole de Louvigné-du-Désert (408 blessés ou malades) et dans l’ordre décroissant vers l’HC 29 (328) et vers l’HC 12 (236), avec des variations importantes au long de la guerre. Cette configuration confirme la fonction de « plaque-tournante » qui incombe à l’hôpital mixte.

Les évacués sur une autre formation sanitaire de la région militaire représentent près de 20% du flux des sorties. 809 hommes sont ainsi évacués vers les hôpitaux permanents ou temporaires de la Manche, de l’Ille-et-Vilaine ou des Cotes-du-Nord. Ce sont les formations vitréennes (plus de la moitié pour l’HC 87 et l’HC 10), rennaises (hôpital militaire, dépôt de convalescents 83, HC 30, HC 105…) ou cherbourgeoises qui assurent l’essentiel de ce rôle d’aval, bien que de multiples autres établissements soient également sollicités (HC 28 Dinard, HC 38 Villedieu-les-Pôeles…).

Deux populations « spéciales »

Pour autant, ce tableau ne saurait être complet sans la prise en compte de deux populations spécifiques de blessés et malades de la place de Fougères. Une place particulière doit en effet être accordée à deux catégories de militaires qui « bénéficient » d’un traitement spécial. Il s’agit, d’une part, des soldats « indigènes » des troupes coloniales et d’autre part des prisonniers de guerre blessés ou malades.

Carte postale. Wikicommons.

Au long des 52 mois de guerre, 81 militaires originaires des colonies sont admis à l’hôpital mixte. Nous ne disposons pas des données d’admission des autres formations de la place mais nul doute qu’un nombre significatif de soldats « indigènes » y ont été soignés, notamment à l’annexe Saint-Louis des HC 12 et 29 de Fougères et à l’HC 93 d’Antrain où des salles ont été explicitement réservées à cette « catégorie » de militaires. Des circulaires précisent que dans ces salles, l’emploi de personnel féminin est interdit et que ces militaires ne peuvent bénéficier de congés dans les familles françaises. Le règlement général de l’HC 29 stipule ainsi que « l’infirmier s’occupe exclusivement des indigènes, les Sœurs des Français »28. Il est à noter que le régime alimentaire exceptionnel n’est pas octroyé aux blessés de guerre originaires des colonies contrairement aux militaires métropolitains. Les statistiques font d’ailleurs état d’un certain nombre de décès et d’une mortalité s’élevant pour ces soldats coloniaux à 14% mais il est pour autant difficile en l’état actuel de la documentation d’imputer ces résultats au traitement différencié réservé à ces hommes.

S’agissant des prisonniers de guerre, on recense 47 séjours à l’hôpital mixte (36 Allemands et 11 Bulgares). Pour l’essentiel, ces captifs sont des officiers internés au château de Fougères. Une instruction précise en effet que seuls les officiers sont hospitalisés à Fougères, la troupe devant être traitée dans les dépôts de Saint-François (forêt de Fougères), de la mine de Montbelleux, de la verrerie de Laignelet. Ce document oriente également les prisonniers blessés ou malades selon les règles suivantes : les cas graves de physiothérapie et mécanothérapie sont envoyés à l’HC 74 à Tréguier, les cas chirurgicaux à l’hôpital mixte de Fougères, les cas ORL, ophtalmologiques et neurologiques à l’hôpital de Rennes tandis que les cas simples sont eux envoyés au camp de Coëtquidan. Néanmoins, il est à noter que les prisonniers blessés ou malades bénéficient des mêmes soins que les soldats français. En revanche, une salle spécifique leur est attribuée à l’hôpital mixte et à l’annexe Saint-Louis et un planton assure la garde de ces militaires avec lesquels les français n’ont pas le droit de communiquer29. Précisons enfin que 9 soldats allemands et 2 officiers bulgares sont décédés à Fougères et  que plusieurs militaires allemands gravement blessés ont été évacués vers un hôpital d’internement en Suisse dans le cadre des dispositions de la convention de La Haye.

L’exploitation de la statistique de l’hôpital mixte permet ainsi d’approcher l’ampleur et la complexité des problématiques que génèrent – au long des 52 mois de guerre - l’accueil, le placement, la prise en charge, la rotation de plusieurs milliers de blessés et malades, tant pour la ville de Fougères que pour son hôpital et sa garnison. Ce faisant, les chiffres confirment le rôle central de l’hôpital mixte au sein des établissements de santé de la place de Fougères, tout en suggérant une certaine spécialisation de cet établissement, hypothèse qui ne pourrait être confirmée que par le biais d’analyses portant sur d’autres places de la 10e région militaire.

 

Prise en charge, et vie quotidienne des blessés et malades

Pour autant, l’un des inconvénients majeurs de l’approche statistique est de noyer derrière la sécheresse des chiffres, des destins humains. Car un hôpital, fut-il militaire, est d’abord un lieu où on arrive en mauvaise santé et où l’on est soigné.

Transport et accueil des blessés et malades

L’acheminement des blessés et malades dans les formations sanitaires de la place de Fougères s’effectue essentiellement par voie ferrée, en utilisant le réseau dense existant alors30. Les trains sanitaires en provenance des armées « descendent » en gare de Vitré des « lots » de blessés et malades que le médecin-chef de la gare régulatrice de Rennes répartit d’emblée selon les lits disponibles dans les formations sanitaires, dont celles de Vitré et Fougères. Ainsi arrivent en gare, des trains comportant parfois plus d’une centaine de militaires couchés ou assis, certains étant affectés à l’hôpital mixte ou dans les hôpitaux complémentaires de Fougères, d’autres poursuivant leur voyage en prenant les trains réguliers vers les formations temporaires de Saint-Brice, Antrain, Louvigné-du-Désert ou St Hilaire-du-Harcouët.

Carte postale écrite par un patient. Collection particulière.

Une procédure écrite31 (26) précise toutes les conditions pratiques dans lesquels doivent s’effectuer les accueils, débarquements et transports des blessés et malades tant pour ce qui concerne les convois annoncés préalablement par dépêche que pour les convois arrivant de manière inopinée. On relèvera l’importante mobilisation de moyens humains et matériels (ambulances notamment) que nécessitent ces opérations et quelques caractéristiques significatives des conditions dans lesquelles elles se déroulent. Ainsi, dans le cas d’un convoi annoncé, « la veille ou l’avant-veille », les « petits blessés » sont évacués dans les hôpitaux hors de Fougères « afin de faire de la place ». On remarque d’ailleurs à ce propos que c’est l’Hôpital complémentaire n°12 qui est, d’une manière générale, la structure de base des accueils et qui, à ce titre, délègue en gare de Fougères un gradé et des hommes chargés du service d’ordre. Les soldats sont principalement orientés vers les hôpitaux complémentaires 12 et 29 et l’hôpital auxiliaire 5, l’hôpital mixte étant réservé aux « blessés graves ayant besoin d’interventions urgentes ». Concrètement, les blessés couchés sont placés sur des brancards et sont portés dans les voitures hippomobiles. Par mesure de précaution, les textes prescrivent le positionnement d’un planton près de la buvette de la gare « pour que les blessés n’y aillent pas ». En effet, tous les blessés qui peuvent marcher se rendent à pied à l’hôpital complémentaire n°12 « en rang » en empruntant « la rue du Maine »32.

Dans les différentes gares, les services de santé locaux organisent un accueil et une noria d’ambulances hippomobiles et automobiles pour acheminer les militaires non-valides vers leur hôpital d’accueil. Pour ce qui concerne Fougères-ville, les transports sont effectués en première intention par mise à disposition des moyens mobiles des escadrons du train des équipages mais aussi en faisant appel aux propriétaires  de voitures à chevaux et automobiles, comme en atteste une abondante et pittoresque correspondance33. Il est à noter que les formations sanitaires de la place de Fougères ont aussi pour charge l’accueil et les transports secondaires des blessés et malades venant ou rejoignant d’autres formations de la région. Ainsi, arrivent ou partent par la gare TIV de Fougères, nombre de militaires en provenance ou à destination des formations sanitaires de la place de Rennes ou de l’infirmerie du camp de la Lande d’Ouée. Autrement dit, l’histoire des formations sanitaires pendant la Première Guerre mondiale – et l’exemple de Fougères ne semble ici pas faire exception – est indissociable de celle des transports et, tout particulièrement, du chemin de fer.

Souffrances, soins et vie quotidienne

Les archives de l’Hôpital mixte et des hôpitaux temporaires de la place de Fougères permettent de se faire une idée de la souffrance des blessés et des conséquences des atteintes fonctionnelles graves que celles-ci auront sur la vie et la réinsertion ultérieures des soldats.

La comtesse de la Riboisière au milieu de blessés de l'HC 11 à Louvigné-du-Désert. Société d'histoire et d'archéologie du pays de Fougères.

Dans les premières semaines de la guerre, on est saisi par la gravité des blessures et pathologies dont sont atteints certains militaires. Ainsi, par exemple en quelques jours, on recense le décès après plusieurs semaines d’agonie de blessés souffrant de détériorations majeures telles que « plaie pénétrante de la cavité thoracique avec épanchement pleural », « plaie pénétrante de la poitrine par éclat d’obus – hémothorax », « plaie par schrapnell; phlegmon gangréneux pelvien, hémorragie aigue secondaire de la fémorale », ou encore « abcès du cerveau - schrapnell dans le cerveau »… De même, début 1915, on observe plusieurs cas de décès consécutifs à des fièvres typhoïdes ou des méningites cérébro-spinales. Les dernières semaines de la guerre sont par contre dominées par la vague impressionnante des complications broncho-pneumopathiques de la grippe qui tuent en quelques jours  une soixantaine de jeunes hommes … A Fougères comme ailleurs, l’hôpital est donc avant tout un lieu de souffrances, parfois même atroces.

Plus globalement et s’agissant des blessés, on remarquera – pour les années 1917 et 1918 bien documentées à ce sujet – que la nature des agents vulnérants est assez conforme à celle observée dans la statistique nationale34: les éclats d’obus représentent ainsi près de la moitié des causes de blessures, contre quelques 20% pour les plaies par balle. En revanche, les plaies par éclats de grenade, bombe ou autre torpille sont moins fréquentes chez les militaires de l’hôpital mixte de Fougères que dans la statistique nationale. A noter que les soldats gazés hospitalisés, représentent 20% des blessés de guerre35.

En ce qui concerne le siège des blessures, la distribution est également assez conforme à celle de la statistique nationale36 :

 

Statistique nationale

(août 1915 à janvier 1916)

Hôpital mixte de Fougères

(janvier 1917 à décembre 1918)

tête

20,06%

6,32%

thorax

10,8%

9,37%

abdomen

6,7%

3,98%

membre supérieur

26,1%

32,79%

membre inférieur

35,8%

42,62%

blessures multiples

 

4,92%

 

99,46%

100

Pour autant il convient de se garder de l'effet de loupe que peut constituer le prisme déformant des sources : la prédominance des pathologies des membres est en grande partie liée au fait que ces blessés ont le plus de chance de gagner l’ambulance et de ne pas rester sur le terrain. De la même manière, on notera que si un pourcentage réduit de blessés des membres inférieurs et supérieurs fait l’objet d’une amputation (3,11%), sans doute est-ce parce que ces interventions mutilantes ont été effectuées dans les hôpitaux et ambulances de la zone des armées précédemment au transfert.

En revanche, chose plus étonnante, le pourcentage de poly-blessés paraît très faible à Fougères alors qu’il est réputé de l’ordre de 89 % dans la statistique nationale parmi ceux qui parviennent à l’ambulance. En l’état actuel de nos connaissances, nous pouvons formuler l’hypothèse que les poly-blessés, dont le pronostic vital est par définition plus volontiers engagé, sont préférentiellement traités dans les hôpitaux de la zone des armées et ne sont que rarement adressés dans les formations de l’arrière telles que l’hôpital mixte de Fougères.

L’organisation des soins

Ces considérations sont importantes dans la mesure où c’est la pathologie qui conditionne les modalités de l’hospitalisation. En effet, les blessés et malades sont ventilés à leur arrivée à Fougères en priorité dans les hôpitaux complémentaires de la ville. Ne sont envoyés dans les hôpitaux hors de Fougères que les hommes n’ayant que « des plaies à moitié guéries ne nécessitant que des soins pouvant être donnés par n’importe quel médecin »37. L’hôpital mixte a pour sa part, comme précisé plus haut, vocation à accueillir les cas graves : fiévreux, contagieux et patients dont l’état nécessite un geste chirurgical.

Affectés et installés dans une formation sanitaire, les hommes sont placés sous l’autorité des médecins militaires, éventuellement exercée par délégation par les gestionnaires ou les sous-officiers infirmiers rattachés à la 10e section d'infirmiers militaires. Dans les formations bénévoles (HA 5, 106 ou HB11bis de Louvigné-du-Désert), la hiérarchie militaire est beaucoup plus distante et la direction des soins incombe à des praticiens civils.

Carte postale. Collection particulière.

Dans l’ensemble des formations, l’organisation des soins est rythmée par la visite médicale quotidienne. A l’hôpital mixte et dans les hôpitaux complémentaires, dotées de médecins à temps plein sur site, la visite médicale des salles commence à 8h et est suivie des interventions, des pansements, des soins. Une contre visite systématique est effectuée l’après-midi. Les soldats nécessitant des avis médicaux spécialisés sont adressés en consultation avancée ou sont évacués dans les d’autres formations de la région militaire. Ainsi, par exemple, on relève le passage régulier d'un spécialiste rennais visitant les « blessés et malades nerveux » et celui du Dr Lecornu du service central de physiothérapie de l’HC 30. De la même manière, les cardiaques et les albuminuriques sont adressés à l’HC 30 de Rennes. S’agissant des tuberculeux, ceux-ci sont « ventilés » suivant une procédure stricte : les « suspects légers » sont envoyés en congés de convalescence chez eux, ceux d’une faible gravité et curables sont envoyés dans un hôpital sanitaire, qui fonctionne sur le modèle des premiers sanatoria, les « suspects » un peu accentués sont envoyés à Rennes à l’hôpital 30 pour être traités, tandis que les incurables dangereusement malades sont conservés à l’hôpital mixte38. A noter que, pendant l’été 1916, le Dr Le Damany médecin-chef de l’hôpital mixte est chargé d’organiser une consultation de vénérologie afin de prendre le relai des médecins civils de Fougères qui n’ont plus la disponibilité suffisante pour assurer la surveillance des prostituées de la maison de tolérance de la ville. Cette consultation qui fonctionne deux matinées et une soirée par semaine jusqu’à la fin de la guerre, est ouverte sur la ville et assure le dépistage et la prophylaxie de la blennorragie et de la syphilis.

D’autres documents émanant de l’HC 29 permettent de compléter notre information sur l’organisation des soins aux blessés. Les blessés sont convoqués en salle de pansement le matin à 8h30. C’est le médecin qui effectue les pansements, assisté, pour les soldats français, par deux religieuses, pour les « soldats coloniaux » par deux infirmiers militaires. Mais un certain nombre d’archives amènent à interroger l’adéquation des moyens mis en place avec l’importance de la tâche à accomplir. Une plainte formulée par un lieutenant hospitalisé en novembre 1917 et le rapport du Dr Vignat qui y fait suite apportent ainsi des éléments sur le caractère sommaire du service médical et infirmier, au moins dans les hôpitaux temporaires. La plainte dénonce en effet le manque de soins, ce qui est contesté par le médecin, le manque de confort (lit trop court et trop étroit) et enfin l’absence de moyen d’appel à disposition, ce qui amènera le médecin à faire dormir l’infirmier de garde dans la chambre de l’officier39. Une lettre poignante, émanant du père d’un malade décédé en janvier 1915 d’une fièvre typhoïde, rapporte l’extrême indigence des soins et du matériel à l’HC 11. Le père de ce patient signale en effet que son fils ne bénéficiait pas des soins d’hygiène minimum alors qu’il était atteint de diarrhées importantes et qu’après son transfert à l’hôpital mixte, il a du fournir sur ses propres deniers, glace, médicaments et accessoires40.

Les moyens techniques, diagnostiques et curatifs à la disposition des médecins et les infirmiers de la place demeurent en effet modestes. L’inventaire des matériels dans les hôpitaux complémentaires permet de se représenter « l’arsenal » des moyens techniques disponibles. Certes, on remarque dans l’inventaire de l’HC 12 la présence d’instrumentation de chirurgie (boite de « résection, amputation, trépanation », thermocautère, boite d’autopsie), d’injection (seringues et aiguilles), de ponction-drainage (aspirateur de Potain) et d’alimentation entérale (tube de Faucher)…. qui attestent de la variété et de la technicité des activités médicales pratiquées. De même, l’hôpital mixte dispose d’un équipement de radiologie. Mais nous avons très peu de renseignements sur les examens qui sont réalisés dans ce service. Celui-ci fonctionne cependant tous les matins et a vocation à explorer les militaires de toutes les formations sanitaires et corps de la place. Les après-midi sont consacrés aux tirages des épreuves et au traitement des plaques. Il nous semble que les indications soient limitées aux explorations osseuses. Un rapport mensuel du dentiste41 nous autorise à dire que l’activité odontologique est très soutenue (542 consultations, 282 pansements) et en définitive assez variée (115 obturations, 162 extractions dont 68 avec anesthésie, 204 traitements de gencives, 10 appareils prothétiques…) mais ne permet pas d’en savoir beaucoup plus à propos de l’efficacité de ces soins.

Carte postale. Collection particulière.

S’agissant des ressources thérapeutiques, on relève dans les cahiers de soins qu’elles se limitent à quelques produits de base pour le traitement des plaies tels eau oxygénée et teinture d’iode. Le « collobiase d’or » et le « collobiase camphré » semblent être utilisés dans les états infectieux graves (plaies de guerre ou maladies infectieuses). Les anesthésies sont induites par inhalation au masque d’Ombredanne d’un mélange éther-chloroforme, avec, hélas, plusieurs accidents mortels recensés.

Pour ce qui concerne le traitement des affections respiratoires (bronchites chroniques avec emphysème), on apprend dans un rapport rédigé par le Dr Vignat à la suite de la plainte du lieutenant mentionnée plus haut42, qu’est appliqué le traitement suivant: auscultation tous les jours, application de ventouses scarifiées, application ventouses sèches, application de cataplasmes sinapisés43.

Dans l’inventaire des dons effectués par la Croix rouge américaine, le Surgical Dressings Committee de la Croix rouge canadienne, et le French War Emergency Fund britannique44, on remarque au milieu des articles d’habillement et de confort destinés aux blessés nombre de lots de fournitures de pansements, mèches, gazes, compresses, tampons… Enfin, concernant les soins corporels, la documentation nous apprend que les patients sont rasés deux fois par semaine et qu’ils bénéficient d’une coupe de cheveux par mois par un infirmier-perruquier. Mais, si les moyens techniques et les ressources thérapeutiques sont modestes et parfois dérisoires face à la gravité des atteintes ou des pathologies, on est heureusement frappé par la précision des diagnostics posés et des descriptions anatomiques dans les comptes rendus opératoires, preuve que les praticiens militaires compensent la modestie des moyens diagnostiques et thérapeutiques par un bon niveau de compétences cliniques.

L’alimentation est également un problème pour les patients hospitalisés. Le ravitaillement en denrées alimentaires devient en effet problématique à partir du 1917, compte tenu du renchérissement des prix et de la rareté de la main d’œuvre. A l’hôpital mixte, nonobstant l’aide apportée par quelques militaires hospitalisés à l’exploitation de la ferme de l’Hôtel-Dieu, on n’échappe pas à la mise en place d’un encadrement strict des régimes alimentaires et à un rationnement des produits laitiers. Nous disposons du règlement relatif à l’alimentation des malades, lequel définit quatre régimes alimentaires45 : le grand régime, le petit régime, le régime des diètes et le régime spécial. Dans les deux premiers cités qui se distinguent par le grammage des différents ingrédients, on remarque l’omniprésence de la soupe, la dominante protidique carnée (viande de bœuf et de veau exclusivement) sauf le vendredi midi ou le poisson frais est de rigueur, avec un apport glucidique se résumant au pain et aux pommes de terre. Les registres d’admission des patients mentionnent l’existence d’un régime exceptionnel dont nous n’avons pas trouvé trace de la composition. On sait seulement que ce régime s’adresse exclusivement aux blessés de guerre. Les règlements stipulent par ailleurs que l’échange et le trafic d’aliments sont interdits. De faibles quantités de cidre ou de vin arrosent les repas. Chaque soldat reçoit 10g par jour de tabac algérien à fumer, mais il est interdit de fumer dans les salles. Malgré les restrictions des derniers mois de guerre, on ne trouve pas trace de réclamation d’hospitalisés à propos de la nourriture, sauf celle d’un « tirailleur arabe » qui se plaint qu’on lui présente du porc à manger, ce qui n’est objectivement pas le cas à l’examen des menus affichés.

Repas de Noël 1915 servi aux blessés de l'hôpital mixte de Fougères. Collection Yves Grastien.

Les formations sanitaires de la place sont périodiquement inspectées par un officier de visite des hôpitaux. Dans les deux rapports retrouvés46, des situations d’inconfort sont pointées, sur la base de déclarations d’hospitalisés. Ainsi et à plusieurs reprises, la question de l’insuffisance du chauffage des salles est mise en avant par les soldats, tant à l’hôpital mixte qu’à l’annexe Saint-Louis. Ces deux établissements disposent pourtant d’une installation de chauffage centrale récente. La pénurie de charbon qui sévit de manière récurrente est avancée comme explication à ces réclamations par l’officier de visite. De même, l’insuffisance d’hygiène des locaux et notamment des WC est mise en évidence à l’hôpital mixte et surtout à l’HC 29.

 

Les formations sanitaires de la place de Fougères constituent donc une organisation complexe, fluctuante, dont le socle est assurément l’hôpital mixte. Nonobstant un flux régulier et important de blessés et de malades, notamment au début et à la fin de la Première Guerre mondiale, les moyens paraissent laisser à désirer ce qui, inévitablement, pose la question de l’efficacité des soins apportés.

Et, à ce propos, l’un des éléments qui frappe le plus, surtout lorsque l’on connait la mythologie de la « fine blessure » chez les poilus, est l’aspect volontiers coercitif que peuvent revêtir ces formations sanitaires. Les gradés infirmiers ont en effet la charge d’assurer la police des établissements, d’effectuer appels et contre-appels, d’organiser les corvées, de s’assurer de la propreté des lieux et de rendre compte chaque jour au médecin-chef. Les médecins-chef de formation sont prescripteurs de punitions pour des manquements au service, aux consignes de prévention et aux soins ordonnés tant à l’encontre des infirmiers que des malades. Ainsi, à l’HC 11, le médecin-chef Feltman inflige 8 jours de prison à un soldat chargé de corvée de viande, rentré « complètement ivre » à l’hôpital occasionnant un retard dans le service de la soupe aux malades47. Le même praticien demande que soit infligée une punition à un malade sorti en ville « sans manteau » alors que le règlement autorise les sorties « quand le temps le permet à condition d’être chaudement vêtu »48. A l’hôpital mixte, c’est le médecin-chef Leard qui sanctionne de 8 jours de salle de police un soldat malade qui « ayant reçu l’ordre de rester couché pour l’affection dont il  est atteint – en l’occurrence un ulcère de la jambe – s’est non-seulement levé, mais a quitté clandestinement l’hôpital pour se promener en ville ».

Carte postale. Collection particulière.

Ces exemples d’indiscipline tendraient à montrer que c’est l’ennui qui affecte le plus les militaires hospitalisés, sachant que seuls les blessés de guerre ont le droit de sortir en ville entre 12h00 et 16h00. En considérant que les jeux d’argent sont interdits et que la solde payée par l’hôpital est faible (0,25 franc par jour pour un soldat de 2e classe), malades et  blessés n’ont donc guère comme agrément que les jeux de cartes et de damier, les travaux manuels, type « macramé », et la sollicitude des infirmiers ou religieuses. A ce titre, la figure de la sœur Saint-Pierre (Marie Françoise Le Corre), religieuse au service des contagieux (tuberculeux) de l’hôpital mixte est relatée pour sa conduite exemplaire au service de « ses » patients dont elle décore les chambres. En dehors des visites familiales, les patients n’ont comme distractions que celles proposées par les différentes sociétés caritatives ou patriotiques locales, pour autant qu’elles soient agréées par le médecin-chef, les prises d’armes et surtout la participation aux cérémonies et fêtes religieuses.

Nous retrouvons la trace de quelques initiatives telles que des concerts organisés par le Souvenir Français au cinéma Pathé ou directement dans les locaux de l’hôpital auxiliaire 106. Les blessés et malades dont l’état de santé le permet peuvent assister à la prise d’arme mensuelle place Carnot ainsi qu’aux remises de décorations, bien qu’aucune place spécifique ne leur soit réservée dans l’ordonnancement des troupes.

En revanche, de multiples cérémonies religieuses régulières ou particulières sont organisées dans les chapelles de chacune des formations sanitaires. La sœur Anne-Marie Rivière, religieuse à Rillé, décrit ainsi la fête du 31 décembre 1914 dans une lettre à son frère, alors sur le front : « Si tu étais venu ce jour-là à Rillé, tu te serais cru au 14 juillet. Plus de cinquante drapeaux tricolores décoraient le bâtiment où sont logés nos blessés. À chaque étage, il y avait un superbe arbre de Noël et un Noël pour chacun des soldats. Ce sont des grands enfants et ils ont été contents de croquer les bonbons, des oranges, et surtout de fumer des cigarettes. Ils sont en général très pieux. Tous les soirs, ils assistent au salut du Saint-Sacrement, où ils chantent à en ébranler notre chapelle »49. Des messes de requiem sont également organisées pour le repos des soldats par les Sociétés de Secours aux Blessés et le Souvenir Français et s’ajoutent aux nombreux services funèbres qui ponctuent le décès de tel ou tel jeune fougerais mort au front.

Telle peut être décrite la condition des soldats admis dans les formations sanitaires de cette place de l’arrière qu’est la ville de Fougères, condition faite, on le comprend, de beaucoup de souffrance, d’attente, d’ennui, d’oisiveté, de misère psychologique et sexuelle et sans doute de mélancolie, liée à la  perte de camarades, l’éloignement et la rupture avec le milieu familial et les inquiétudes pour la réinsertion sociale.

Sans doute ce contexte psychologique explique-t-il les « dérapages » alcooliques où les entorses aux règlements des sorties. Mais peut-être que le fait de sortir sans manteau est aussi pour le poilu le moyen d’attraper volontairement froid afin de prolonger sa convalescence et d’échapper encore un peu, pour quelques jours, au retour en ligne et à la mort qui guette à chaque instant. Derrière ces « stratégies d’évitement »50, se cache en réalité toute la complexité de ces formations sanitaires de l’arrière qui ont encore beaucoup à nous dire.

Daniel BOUFFORT

 

 

1 Arch. Mun. Fougères : Q 12-5.

2 Les hôpitaux mixtes sont des formations sanitaires créées dans les villes d’implantation d’une garnison de plus de 300 hommes. Adossés et cohabitant à un hôpital civil et bénéficiant donc des infrastructures de cet établissement, en matière de plateau technique (bloc opératoire, radiographie, pharmacie…) et de logistique (bâtiments, restauration, blanchisserie, désinfection…), les hôpitaux mixtes disposent de structures (salles et lits) et de personnels militaires propres et ont vocation à ne traiter que des patients militaires. Les villes de  garnison importantes sont dotées pour leur part d’un hôpital militaire, totalement indépendant des institutions sanitaires civiles. La mobilisation déclenche par ailleurs le déploiement d’hôpitaux temporaires qui n’accueilleront que des militaires ; entrent dans cette catégorie les hôpitaux complémentaires (sous gestion militaire), les hôpitaux auxiliaires (gérés par les sociétés d’assistance de la Croix Rouge) et les hôpitaux bénévoles (initiative privée et gestion civile).

3 Lire ce sujet HODEBERT, Marcel, « La Grande Guerre vécue à Javené », Bulletin et mémoires du club javenéen d’histoire locale, 2009, tome XXII, p. 17-18.

4 La progression considérable des effectifs cantonnés à Fougères résulte de l’intense activité déployée dans ce but par la maire de Fougères Julien Gobe, pour tenter de compenser la mise en sommeil de l’activité, au moins pendant les deux premières années de la guerre. A contrario, la remise en marche des usines de chaussures et surtout le besoin d’hommes sans cesse renouvelé, provoque la décroissance des effectifs à partir de la fin 1916. Voir à ce sujet  MARTIN, Olivier, Fougères en guerre 1914 – 1918 : à l'image d'une France mobilisée, une ville ouvrière en lutte pour la victoire et la survie, mémoire de maîtrise sous la direction de Sainclivier, Jacqueline, Rennes, Université Rennes 2, 1991, p. 134 et suivantes.

5 Arch. Mun. Fougères : Q 15-26. Il s’agit de deux baraquements, type santé, de 30m par 6m, édifiés aux extrémités nord-est et sud-ouest du jardin de l’hôpital mixte, probablement en octobre 1918.

6 Les formations sanitaires et les structures sanitaires des corps de troupes stationnées dans la place sont placées sous l’autorité d’un « médecin-chef de place » qui est lui-même sous l’autorité du commandant de la place. A Fougères, les médecin-chef de la place qui se succèdent  sont des médecin-major de 2e classe (grade correspondant à capitaine) pour le Dr Chapon,  médecin-major de 1e classe (grade correspondant à chef de bataillon) pour le Dr Leard, médecin principal de 2e classe (grade correspondant à lieutenant-colonel) pour le Dr Simon. Les formations sanitaires (hôpital mixte, hôpitaux complémentaires) sont dirigées par des médecins-chefs qui ont en général le grade de médecin-major de 1e ou 2e classe et ont autorité sur les médecins intervenant dans les salles, lesquels sont souvent des médecins aide-major de 1e classe (grade correspondant à lieutenant), de 2e classe(grade correspondant à sous-lieutenant), voire des médecins auxiliaires (grade correspondant à adjudant). Les pharmaciens sont sous l’autorité des médecins-chef, bien que relevant d’un ordonnancement hiérarchique identique à celui des médecins.

7 Arch. Mun. Fougères : R 4-3 et R 4-2.

8 Nous pensons qu’il s’agit du Dr Charles Dujarrier bien connu pour le bandage du membre supérieur qu’il a mis au point.

9 Sur cette question BONIFACE, Xavier, L’Armée, l’Eglise et la République (1879-1914), Paris, Nouveau Monde Editions, 2012 et, pour un exemple situé sur le territoire de la 10e région militaire, LE GALL, Erwan, « Le deuxième procès de Rennes : trois officiers du 479 régiment d’infanterie devant le Conseil de guerre », En Envor, Revue d’histoire contemporaine en Bretagne, n°1, hiver 2013, en ligne.

10 Arch. Mun. Fougères : Q 15-13.

11 Les installations radiologiques – qui peuvent être déplacés au bloc opératoire, se composent à l’époque d’un générateur à haute tension, d’une ampoule émettant les rayons X et d’une table.  Le constructeur Gaiffe-Gallot est l’un des pionniers de la radiologie française. 

12 Arch. Mun. Fougères : Q 15-8, inventaire du matériel radiographique du 11 décembre 1916.

13 Délibération du Conseil Municipal de Fougères du 27 juin 1915 et « La radiographie à Fougères », L’Ouest-Eclair, n°5979, 26 octobre 1915, p. 3.

14 Arch. Mun. Fougères : Q 17-4.

15 Arch. Mun. Fougères : Q 20-1.

16 L’assistance aux convalescents militaires de la 10e Région, Rennes, Imprimerie Simon, 1916.

17 LLOSA, Marie, « Les hôpitaux temporaires en Ille-et-Vilaine », JORET, Eric et LAGADEC, Yann, Hommes et femmes d’Ille-et-Vilaine dans la Grande Guerre, Rennes, Société archéologique et historique d’Ille-et-Vilaine / Conseil général d’Ille-et-Vilaine, 2014, p. 142.

18 On lira une intéressante et riche biographie de Mme le Dr Darcanne, médecin-écrivain et pionnière du sport féminin, dans le 126e numéro du Pays de Fougères, sous la plume de Thomas Bauer. On retrouvera également dans le roman L’interne, publié en 1920 par ce médecin sous le pseudonyme de Marthe Bertheaume (en co-écriture avec Myriam Thelen), des descriptions vraisemblablement inspirées de son exercice à l’hôpital auxiliaire n°5.

19 L’assistance aux convalescents militaires…, op. cit.

20 OLIER, François et QUENEC'HOU, Jean-Luc, Hôpitaux militaires dans la guerre 1914-18. Tome 1 : France nord-ouest, Louviers, Ysec, 2008.

21 Arch. Mun. Fougères : respectivement  Q11-2, Q9-11, Q9-12 et Q9-1.

22 A propos de la vaccination anti-typhique on renverra à THOMAS, Gaëtan, « L’immense expérience », La Lettre du Chemin des Dames, n°28, été 2013, p. 18-17, en ligne. Sur la question de la typhoïde dans une unité du 10e corps d’armée on renverra à LE GALL, Erwan, Une entrée en guerre. Le 47e régiment d’infanterie de Saint-Malo au combat (août 1914 – juillet 1915), Talmont-Saint-Hilaire, éditions CODEX, 2014, p. 146-148.

23 Cette pratique fait écho à une doctrine développée par le Lt Colonel Boissonnet, dans son ouvrage « les secours aux blessés militaires » Paris-Nancy, Berger-Levrault, 1912, qui propose « d’évacuer les blessés sur leur lieu d’origine, les ramener dans leur pays, où ils entendront parler l’accent de chez eux, mangeant le pain de chez eux et respirant l’air de chez eux ».

24 A titre de référence, une rapide étude sur les patients civils (hommes de plus de 14 ans), admis et décédés à l’Hôtel-Dieu de Fougères (Arch. Mun. Fougères Q1-40 et Q1-41) et portant sur les années 1912 et 1913 fait apparaître des taux de mortalité hospitalière bien supérieurs (12% en 1912 et 11% en 1913). Pour ces deux années, la tuberculose pulmonaire est responsable d’un bon tiers des décès, ce qui corrobore nos travaux antérieurs : BOUFFORT, Daniel, Tuberculose et cité ouvrière, le cas de Fougères 1880-1940, Mémoire de maîtrise d'histoire, Rennes, Université de Rennes 2, 1993.

25 Une étude parallèle portant sur les 550 patients civils (hommes de plus de 14 ans), admis à l’Hôtel-Dieu de Fougères (Arch. Mun. Fougères: Q1-40) en 1912 permet de mettre en évidence une différenciation de la pathologie entre « pathologie de paix » et « pathologie militaire ». Si dans la population civile comme dans la population militaire, la dominante de la pathologie infectieuse essentiellement pulmonaire (73 diagnostics de bronchite ou pneumonie, 65 de tuberculose) apparait nettement, en revanche, les fièvres thyphoïdes sont pour leur part, anecdotiques et la grippe quasi-absente chez les civils. Dans l’échantillon de patients civils et contrairement à ce qui est constaté chez les militaires, les affections  dermatologiques ou parasitaires, telle la gale,  sont très rares (4 cas de gale en 1912). Les atteintes digestives ont également une fréquence moindre. Les pathologies cardiaques, vasculaires (hémiplégie…) et inflammatoires (rhumatismes…) sont sans doute plus fréquentes dans la cohorte des malades civils, mais n’est ce pas en rapport avec la caractéristique plus âgée de l’échantillon ?

26 Ces convois sont consécutifs à l’arrivée à Vitré d’un premier train sanitaire le 20 août, puis d’autres les 16 septembre (600 blessés) et 18-19 septembre (1000 blessés). GARREAU, Georges, La vie d’une commune pendant la guerre (Vitré 1914-1918), Rennes, Imprimerie de l’Ouest-Journal, 1932.

27A ce propos, une étude récente concernant la 4e région militaire, TISON, Stéphane, et GUILLEMAIN, Hervé, Du front à l'asile. 1914-1918, Paris, Alma, 2013.

28 Arch. Mun. Fougères : Q20-22 ; voir également POREE, Lydie, « Dans les hôpitaux temporaires de Fougères : les blessés coloniaux, les Allemands… et les autres », in JORET, Eric et LAGADEC, Yann, op. cit., p. 155.

29 Arch. Mun. Fougères : Q17-7 ; une lettre du commandant d’armes de la place de Fougères au médecin-chef de l’hôpital mixte chef atteste qu’il y a des contacts voir des échanges de biens entre prisonniers de guerre et français hospitalisés (lettre du 8 décembre 1916).

30 On se permettra de renvoyer à ce propos à BOUFFORT, Daniel, « Fougères et le chemin de fer », Le Pays de Fougères, n°103, p. 4-9 et n°104, p. 8-13, 1996.

31 Arch. Mun. Fougères : Q14-37.

32 La rue du Maine a été rebaptisée depuis « rue Jules Ferry ». Cette précision d’itinéraire signifie-t-elle que l’autorité militaire privilégie un cheminement par une rue secondaire (et donc plus discrète) plutôt que par le boulevard de la Gare (aujourd’hui boulevard Jean-Jaurès), artère principale et prestigieuse de la ville ?

33 Arch. Mun. Fougères : Q 14-11.

34 MIGNON, A., Le service de santé  pendant la guerre 1914-1918, Paris, Masson, 1927, p. 456-457.

35 La source de diagnostic utilisée ici est le registre d’entrée des patients. Celui-ci est très vraisemblablement rempli par l’infirmier ou le gestionnaire réceptionnant le patient au même moment que les éléments d’identité du soldat.  A ce titre, l’infirmier ou le gestionnaire recopie probablement la « fiche de blessure ou de maladie » que le militaire porte sur lui et qui a été remplie par un médecin, probablement à la formation sanitaire d’où il a été évacué (HOE, ambulance outre autre type d’hôpital) ou à la gare régulatrice. Deux éléments font penser que les diagnostics différentiels sur la nature de l’agent vulnérant sont assez fiables. D’une part on remarque un nombre significatif de cas documentés en 1917 et 1918 dans chacune des catégories : par balle, 59 ; par éclat d’obus, 149 ; par éclat de grenade : 10. D’autre part, on peut souligner la présence sur le registre de quelques rectifications de diagnostic, vraisemblablement portées par le chirurgien.

36 Malheureusement, cette comparaison n’est pas possible sur la même période car pour l’année 1915, sur le registre d’entrée, les diagnostics précis du siège et de la nature de la blessure ne sont pas renseignés pour les blessés de guerre.

37 Arch. Mun. Fougères : Q 14-11, notes manuscrite de Dr Simon, médecin-chef de la Place de Fougères.

38 Arch. Mun. Fougères : Q14 -10, notes manuscrite de Dr Simon, médecin-chef de la Place de Fougères.

39 Arch. Mun. Fougères : Q14-7.

40 Arch. Mun. Fougères : Q20-1.

41 Arch. Mun. Fougères :   Q14-49.

42 Arch. Mun. Fougères : Q14-7.

43 Ces moyens thérapeutiques fondés sur la théorie de l’inflammation (Broussais) sont censés extirper le « mal » et le « mauvais sang » des organes sous-jacents en provoquant des congestions locales  sous les ventouses et autress cataplasmes. L’efficacité de ces pratiques est toute relative. Mais, avant la découverte des traitements allopathiques que sont par exemple les sulfamides et les antibiotiques, elles constituent des moyens d’agir contre les infections d’organes, poumons notamment.

44 Le mémoire de maitrise de Martin, Olivier, op. cit.  s’intéresse de manière pertinente à cette question.

45 Arch. Mun. Fougères : Q14-41.

46 Arch. Mun. Fougères : Q15-1.

47 Arch. Mun. Fougères : Q17-1.

48 Arch. Mun. Fougères : Q17-1.

49 Cité par CHOPIN, Eric, dans Ouest-France du 3 novembre 2008.

50 Sur cette notion, ROUSSEAU, Frédéric, « De l’élan patriotique aux stratégies d’évitement. Anatomie des engagements volontaires souscrits à Nîmes durant la Grande Guerre », Heyries, Hubert et Muracciole, Jean-François, Le soldat volontaire en Europe au XXe siècle, de l’engagement politique à l’engagement professionnel, Montpellier, Presses Universitaires de la Méditerranée, 2007, p. 133- 167.