C’est par l’intermédiaire d’un dossier conservé aux Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, par ailleurs assez volumineux puisque contenant une cinquantaine de pièces et s’étendant sur la période 1916-1923, que nous avons pu connaître cette personne. Cette liasse se rapporte à la contribution extraordinaire sur les bénéfices exceptionnels ou supplémentaires réalisés pendant la guerre. Il est à noter qu’un tel dossier concernant le cordonnier ou le tailleur d’un régiment d’infanterie n’est semble-t-il pas exceptionnel puisque l’on sait qu’il en existe d’analogues à propos du 70e RI de Vitré.
Selon toute vraisemblance, Léon Leborgne ne fait pas partie du corps des officiers mais de celui des personnels des maîtres ouvriers. Pour autant, il est un militaire puisque des pièces du dossier des Archives départementales d’Ille-et-Vilaine nous apprennent qu’il est soumis au régime des permissions. Une brève de L’Ouest-Eclair suggère qu’il arrive au 47e régiment d’infanterie au printemps 1914, en provenance de la 21e section de commis et ouvriers militaires d’administration à Constantine. Pour autant, il semble que sa fonction l’amène à être en contacts fréquents avec les officiers du 47e régiment d’infanterie dont la solde et l’étiquette permet/impose de revêtir en certaines occasions des uniformes d’apparat ou parfaitement taillés afin de tenir le « rang ». C’est notamment ce que suggère une note datée du 20 juillet 1918, document où le maître-tailleur du 47e RI détaille sa clientèle. Les officiers y tiennent une part prépondérante estimée, sur une période de 30 mois, à un chiffre d’affaires s’élevant à plus de 55 000 francs, somme qui est très importante. Tel est donc ce qui justifie sa présence dans les annexes de ce dictionnaire biographique.

L’atelier de ce tailleur est situé dans le secteur de la caserne de la Victoire, vraisemblablement à l’intérieur du quartier. Léon Leborgne travaille manifestement avec sa femme, le couple ayant un enfant (Léon Leborgne déclare également avoir à sa charge pendant la guerre sa mère infirme, réfugiée des « pays envahis »). Pour autant, ce type de structure étant pour l’heure largement ignorée par l’historiographie, il est difficile d’avoir beaucoup de certitudes à propos de cet individu. En réalité, il est probable que son activité soit double.

Entête du courrier de Léon Leborgne, maître-tailleur du 47e RI. Arch. Dép. I&V : 2 P 90.

Ceci signifique qu'il doit être statutairement chargé de réaliser les uniformes prévus dans le « paquetage réglementaire » des militaires et qu’il réalise, en plus de cela, en libéral (activité que l’on retrouve désignée sous l’expression « travail personnel » dans le dossier fiscal conservé aux Archives départementales d’Ille-et-Vilaine) les commandes des individus désireux d’avoir d’autres tenues afin de pallier certains manques. C’est cette partie de son activité qui motive les démarches de l’administration fiscale concernant la contribution extraordinaire sur les bénéfices exceptionnels ou supplémentaires réalisés pendant la guerre.
Une brève publiée le 31 mai 1916 par L’Ouest-Eclair nous indique qu’il dispose d’un cocher, dénommé Léon Beaulieu, ce qui laisserait sous-entendre un certain niveau de revenu. C’est également ce que suggèrent les éléments de son dossier fiscal même si, là encore, il convient d’être prudent puisque l’administration des impôts se plaint de l’absence de comptabilité du maître-tailleur Leborgne, pratique qui à l’époque n’est nullement rare et qui doit donc conduire à considérer avec la plus grande réserve les chiffre mentionnés dans cette notice.
Pour autant, dans la présentation qu’il réalise le 20 juillet 1918 à l’attention du contrôleur des contributions, le maître-tailleur Leborgne indique avoir réalisé au titre du « travail personnel pour officiers » un chiffre d’affaire de 20 845 francs entre son arrivée à Saint-Malo, le 21 août 1914, et le jour de la mobilisation, chiffre qui selon lui « peut paraître un peu élevé mais il provient de ce que le régiment est resté près de cinq mois sans maître tailleur et aucun officier n’était encore pourvu de la nouvelle vareuse bleue qui venait d’être adoptée ; les bruits de mobilisation ont aussi décidé quelques officiers de réserve à s’en pourvoir, d’un autre côté les sous-officiers rengagés de la classe n’avaient pas leur tenue réglementaire ni les tenues fantaisie en satin qu’il font faire en touchant leur prime de rengagement ».
Un bilan comptable fourni en octobre 1916 donne quelques éléments qui permettent de mieux comprendre l’activité du maître-tailleur Leborgne. Il apparaît en effet que celui-ci loue à raison de 30 francs par jour au 47e régiment d’infanterie les machines à coudre et à couper nécessaires à son travail. Mais d’autres pièces suggèrent que Léon Leborgne est également propriétaire d’un certain nombre de machines, certaines ayant été rachetées à son prédécesseur. Le document fourni en octobre 1916 mentionne par ailleurs un personnel relativement nombreux au sein de ces ateliers puisqu’il se compose de « coupeurs à main et à la machine, marqueurs, manipulateurs, réceptionneuses, commissionnaires, contremaître, caissière, aide-comptable », ce qui représente une masse salariale de 12 159, 20 francs. De plus, il apparait que d’autres ouvriers travaillent en dehors de l’atelier en ce qui concerne « la confection ». Il est également question de repasseuses et d’ouvrières spécialisées dans les finitions. Preuve que l’atelier géré par Léon Leborgne est d’une certaine ampleur, certaines pièces datée de 1917 conservées au sein du dossier relatif à la contribution exceptionnelle sur les bénéfices de guerre font état de commandes réalisées pour la place de Rennes, sans que l’on sache précisément quelle est l’unité concernée. 
Il est au final assez difficile de se faire une idée exacte des affaires de Léon Leborgne. Si 1914 parait avoir été bénéficiaire, l’effet d’aubaine constitué par l’arrivée d’un maître-tailleur après cinq ans d’absence ne doit pas être négligé. Il est toutefois fait état dans ce dossier de contribution extraordinaire sur les bénéfices de guerre d’une rumeur à Saint-Malo estimant à 600 000 francs les profits réalisés par Léon Leborgne. La réalité est probablement bien différente et cette affirmation doit sans doute être également comprise au prisme de la figure de l’embusqué, et non pas du seul profiteur de guerre. Ainsi l’administration fiscale expose que pour le maître-tailleur du 47e RI « l’année 1917 se solde à coup sûr en déficit ».
Léon Leborgne serait par ailleurs apparenté aux armateurs malouins du même nom. D’ailleurs, en 1923, alors que son dossier concernant son bénéfice exceptionnel de guerre en tant que maître-tailleur du 47e RI n’est pas encore clos, il adresse à l’administration fiscale un courrier dont l’entête le présente comme armateur à Saint-Malo.

Sources : Arch. Dép. I&V. : 2 P 90, dossier personnel concernant la contribution extraordinaire sur les bénéfices exceptionnels ou supplémentaires réalisés pendant la guerre ; « Personnel des maîtres ouvriers », L’Ouest-Eclair, n°5562, 19 mars 1914, p. 3 ; « Chute dans la grève », L’Ouest-Eclair, n°6227, 31 mai 1916, p. 3.

L’ensemble des dispositions législatives fixant, lors de la Première Guerre mondiale, les attributions des aumôniers militaires rappellent qu’ils n’ont « ni rang, ni grade » dans l’armée. Pierre-Marie Lec’hvien, de même qu’aucun autre aumônier du 47e RI, ne doit donc pas être assimilé à un officier. Pour autant, la présence de cet individu dans ce dictionnaire biographique a semblé nécessaire du fait, d’une part, des éminentes fonctions qu’il occupe pendant la Première Guerre mondiale et qui lui confèrent une indéniable notabilité, et d’autre part, des engagements qui sont les siens lors de la période 1940-1944, dimension contribuant à la vivacité de sa mémoire dans certains milieux politiques bien spécifiques.
Né en 1885 en la ferme de Kermestr à Ploubazlannec, à quelques encablures seulement de la célèbre Sorbonne-plage, dans une famille pieuse du Trégor, Pierre-Marie Lec’hvien est le neveu d’Yves Lec’hvien, recteur de Cavan et d’une religieuse des Filles de la Croix de Tréguier. Il est également le frère de Louis-Marie Lec’hvien, né en 1880 et mort au séminaire en 1903, et d’Yves-Marie Lec’hvien, prêtre et homme de lettres bretonnes né en 1872, plus connu sous le pseudonyme bardique de Tremener, le passeur en français (et décédé en 1899 au séminaire de Tréguier, où il enseignait, d’une fièvre typhoïde).
Pierre-Marie Lec’hvien grandit donc dans une famille aussi chrétienne que pétrie de culture bretonne. Il fait ses études primaires d’abord chez les sœurs de Créhen à Paimpol puis chez les Frères de Ploërmel à Ploubazlanec. Il entre ensuite en 1900 au petit séminaire de Tréguier, puis au grand séminaire de Saint-Brieuc en 1906.
C’est vraisemblablement au cours de l’année 1907-1908 qu’il fait son service militaire, probablement au 71e RI de Saint-Brieuc. De retour de la caserne, il s’engage au sein de la Congrégation des Frères de Saint-Vincent de Paul, spécialement tournée vers l’apostolat du monde ouvrier. C’est ce qui le conduit en Belgique, à Tournai, pour effectuer son noviciat, puis à Rome, pour son scolasticat. Il est finalement ordonné prêtre le 5 juillet 1914, en l’église Saint-Appolinaire.
Dépendant probablement du bureau de recrutement de Guingamp, il n’a pas été possible de retrouver la fiche matricule de Pierre-Marie Lec’hvien, celle-ci ayant été vraisemblablement perdue au titre des archives de Moscou. C’est donc l’ouvrage de l’abbé Poisson qui fournit l’essentiel des données concernant son parcours pendant la Première Guerre mondiale.

Portrait de Pierre-Marie Lec'hvien portant l'uniforme du 47e régiment d'infanterie de Saint-Malo et sa Croix de guerre publié dans l'ouvrage de l'abbé Poisson.

Mobilisé dans les tous premiers jours d’août 1914, Pierre-Marie Lec’hvien reste quelques temps au dépôt de Saint-Malo avant de rejoindre le 14 septembre, à la faveur d’un renfort, le front en qualité de caporal-brancardier. Pendant ces quelques jours, il fait la connaissance du chanoine Havard qui semble avoir été en charge de l’aumônerie du dépôt de Saint-Malo. En Artois, il semble se rapprocher de l’évêque d’Arras, Mgr Emile Lobbedey.
C’est le 23 mars 1915 que Pierre-Marie Lec’hvien, vraisemblablement sur proposition du RP Umbricht avec qui il parait assez lié, est affecté à l’aumônerie du II/47e RI tout juste créée. Statutairement, il devient donc caporal-brancardier au IIe bataillon faisant fonction d’aumônier. Il est évacué quelques semaines plus tard pour maladie, en juillet 1915, et revient au front le 23 août. Il se distingue particulièrement lors de l’attaque de septembre 1915 en Champagne et est cité à l’ordre du 47e RI :

« Pierre-Marie Lec’hvien, caporal brancardier-aumônier, depuis le commencement de la campagne s’est fait remarquer par son zèle à relever les blessés. Le 25 septembre au soir, est allé en avant de la première parallèle relever les blessés et a ainsi sauvé la vie à plusieurs soldats du régiment. »

Pierre-Marie Lec’hvien est une nouvelle fois évacué pour maladie au tournant de l’année 1918 et ne revient en ligne qu’au mois de mars. Il parait avoir été déposé pendant son absence de son poste d’aumônier du II/47e RI et nommé caporal-infirmier au sein de la section d’infirmiers divisionnaires.
Parlant Italien Pierre-Marie Lec’hvien semble avoir été dans le cadre de son apostolat en contact avec des soldats transalpins. De même, sa maitrise de l’Anglais semble avoir été mise à profit puisque l’abbé Poisson évoque dans sa biographie une mission d’interprétariat auprès des Américains le 1er juin 1918.
Pierre Marie Lec’hvien est nommé aumônier du I/47e RI en août 1918.
Une note de l’abbé Poisson laisse entendre, contrairement d’ailleurs à l’analyse qu’il en donne, que ses relations avec le colonel Bühler sont tendues, ce qui n’a rien d’étonnant lorsqu’on connait la trajectoire de cet officier et son implication, dix ans auparavant, dans l’affaire de l’inventaire des biens de l’église de Saint-Servan. C’est pourtant lui qui lui remet la Croix de guerre, le 3 mars 1916.

Par ailleurs, cet ouvrage indique que Pierre-Marie Lec’hvien  tient pendant toute la Première Guerre mondiale des carnets qui, malheureusement, restent encore à ce jour inédits. L’abbé Poisson en reproduit dans son ouvrage un court extrait, relatif à la bataille de la Somme :

« La journée du 13 octobre a été particulièrement pénible. Le 47e a eu de nombreux morts et blessés. Vers 6 heures du matin, les Allemands se jettent sur le 25e régiment d’infanterie qui venait d’arriver dans ce secteur. On dit qu’un bataillon est fait prisonnier. Chez nous, la 5e compagnie souffre particulièrement dans cette affaire. Un certain nombre de prisonniers, des morts, des blessés. Très rude journée, des blessés sans discontinuer. La 7e compagnie se comporte d’une façon merveilleuse et refoule les Allemands en reprenant le terrain perdu. Le soir, j’enterre encore des morts. »

Après la Première Guerre mondiale, Pierre-Marie Lec’hvien occupe successivement plusieurs postes : le vicariat de Plouézec,  l’aumônerie des Sœurs de la Croix à Tréguier puis les rectorats de Tréglamus et Quemper-Guézennec. Il semble d’ailleurs qu’il bénéficie de l’entremise du RP Umbricht, avec qui il reste en relations après le conflit, pour obtenir une affectation au sein du diocèse de Saint-Brieuc. Mais c’est surtout son engagement au sein du Bleun-Brug et aux côtés de Jean-Marie Perrot qui attire l’attention, et qui aboutit à sa liquidation par la Résistance le 10 août 1944.

Sources : POISSON, Abbé H., L’Abbé Pierre-Marie Lec’hvien (1885-1944), Saint-Brieuc, Les Presses bretonnes, 1959 ; « Le clergé à la guerre », L’Ouest-Eclair, n°6043, 30 décembre 1915, p. 4. ; « A l’ordre du jour », Dieu et patrie, n°58, 2 janvier 1916, p. 91 ; BONIFACE, Xavier, « Les aumôniers militaires », in VANDENBUSSCHE, Robert, De Georges Clemenceau à Jacques Chirac: l'état et la pratique de la loi de Séparation, Villeuneuve d’Ascq, IRHIS, 2008, p. 131-147 ; LE GALL, Erwan, « Le deuxième procès de Rennes : trois officiers du 47e régiment d’infanterie devant le Conseil de guerre », En Envor, Revue d’histoire contemporaine en Bretagne, n°1, hiver 2013, en ligne; La Preuve du sang. Livre d’Or du Clergé et des congrégations (1914-1922), Tome deuxième, Paris, Bonne presse, 1925, p. 83.