Brennilis, l’unique centrale nucléaire en Bretagne

Avant la Seconde Guerre mondiale, la force hydroélectrique – appelée alors « houille verte », semble être la solution aux problèmes de production d’énergie en Bretagne. Mais à la Libération, les besoins immenses en énergie pour la Reconstruction poussent le Général de Gaulle, sous les conseils de Raoul Dautry le ministre en charge du dossier, à développer un programme nucléaire civil. Ainsi le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) est créé le 18 octobre 1945. Trois ans plus tard, la première pile atomique française – Zoé – voit le jour dans le fort de Châtillon près de Paris. Suivent les premiers réacteurs dits de « première génération » au cours de la décennie suivante.

Une tourbière à Brennilis. Carte postale. Collection particulière.

A partir de 1960, le CEA souhaite développer un procédé nucléaire expérimental fonctionnant à l’eau lourde et utilisant de l’uranium faiblement enrichi. A la recherche d’un site d’implantation pour ce réacteur dénommé EL4, les autorités choisissent celui de Brennilis au cœur des Monts d’Arrée finistériens. Pourquoi ce choix ? L’un des concepteurs du projet, interrogé lors d’un reportage télévisé de l’ORTF en date du 16 avril 1966, y voit au moins quatre avantages. Pour être refroidis, les réacteurs nécessitent l’utilisation de grandes quantités d’eau, ce que les 450 ha du « réservoir Saint-Michel nous assurent ». Le sous-sol granitique de la région permet également de supporter la « lourdeur des bâtiments que nous avons à construire ». Le site présente également « un terrain assez vaste […] sans grande valeur agricole ». Enfin, last but not least, une main d’œuvre abondante est disponible pour venir travailler dans l’usine nucléaire.

A ce propos, le journaliste, parti à la rencontre des habitants de Brennilis, ne recueille que des avis positifs sur l’implantation de la centrale, dont les travaux débutent en 1962. Il faut dire que l’argument de l’emploi semble avoir pesé de tout son poids dans cette région frappée par la fin des activités rurales anciennes : production toilière et petite agriculture. On voit d’ailleurs poindre l’argument du « progrès » si important dans les années 1960. Alors que les Monts d’Arrée sont décrits comme « une région désolée » où pousse une « herbe rase » et que Brennilis est restée « figée dans son passé », « la fine aiguille de l'antenne de l'ORTF » de Roc’h Tredudon ainsi que la nouvelle centrale nucléaire deviennent les signes « des temps modernes, [et que] le progrès est venu ».

Le « progrès » s’étale également dans les chiffres relatifs à la construction de l’usine nucléaire : « 25 000 tonnes de béton précontraint, 300 tonnes d'armature, 50 kilomètres de câble d'acier dur. Pour les ouvrages accessoires, il a fallu 40 000 tonnes de béton. L'ensemble a nécessité un million d'heures de travail aux ingénieurs et aux ouvriers ». La Bretagne accède alors à la « mécanique de géant » ! Une mécanique basée sur la science : c’est pourquoi lorsque l’on pénètre à l’intérieure de l’enceinte, il est nécessaire de revêtir le « costume du laboratoire », à savoir la blouse blanche et les sur-bottes immaculées.

La centrale de Brennilis. Carte postale. Collection particulière.

Las, le réacteur d'une puissance de 70 mégawatts électriques entré en activité en 1967 devient rapidement obsolète du fait du choix du CEA d’abandonner, en 1971, la méthode de production de l’eau lourde au profit de celle de l’eau pressurisée. Malgré tout, la centrale de Brennilis produit 6,235 TWh au cours de 106 000 heures de fonctionnement entre 1967 et 1985, date de son arrêt définitif. Vient ensuite la question du démantèlement du réacteur nucléaire. La « déconstruction » de la centrale est alors conçue comme une opération pilote en France. Ce chantier est en effet encore plus titanesque que celui de sa construction. Le 18 décembre 1997, soit 12 ans après l’arrêt de la production électrique à Brennilis, le journal de 20 heures de France 2 fait le point sur l’avancement des travaux. A ce moment de l’opération, EDF assure que « 99% de la radioactivité » a disparu. Mais c’est bien la question de la gestion des déchets de la centrale qui pose toujours problème. Ainsi, « toutes les pièces sont repérées selon un code couleur en fonction du niveau de contamination ». Les gestionnaires du chantier souhaitent que cette phase 2 de la déconstruction soit terminée pour l’an 2000. Il faut en réalité attendre cinq ans de plus. En 2016, la phase 3 concernant le démantèlement du réacteur est toujours en cours.

Synonyme de progrès dans les années 1960, l’énergie nucléaire est de plus en plus vue dans l’opinion publique comme une source d’énergie dangereuse. Ce sont désormais les énergies renouvelables, comme l’hydroélectricité, qui sont vues comme porteuses d’avenir. Le sens de l’histoire est-il une ligne droite ou bien une boucle ?

Thomas PERRONO