Francis Le Blé, de l’arsenal à la mairie de Brest

Ville ouvrière, notamment grâce à l’arsenal, Brest est dirigée par les socialistes dès le début du XXe siècle. Rien de révolutionnaire donc quand le socialiste Francis Le Blé prend les rênes de la cité du Ponant, lors de la « vague rose » des élections municipales de 1977. Mais à regarder de plus près le parcours personnel du nouvel édile, il apparaît que cette victoire embrasse les évolutions politiques d’une partie des chrétiens bretons vers la gauche.

La rue de Siam à Brest avec, au fond, la Mairie. Carte postale. Collection particulière.

Francis Le Blé est en effet un enfant de la rade de Lorient. Il naît le 6 septembre 1929 à Riantec dans une famille ouvrière1. Il connaît une jeunesse sans histoire dans la commune voisine de Locmiquélic, fréquentant les établissements privés. C’est au mois d’août 1948 qu’il arrive à Brest, à la faveur d’une embauche à l’arsenal en tant qu’ajusteur. A cette même époque, l’immense poète Jacques Prévert évoque « Brest dont il ne reste rien ». En effet, la ville du Finistère-nord n’est alors qu’un champ de ruines, sur lequel s’activent les ouvriers de la reconstruction. Mais loin de n’être qu’un chantier sans encombre, de nombreuses grèves éclatent au tournant des décennies 1940 et 1950. Des conflits qui virent parfois au drame, comme le 17 avril 1950, quand un jeune syndicaliste de la CGT est tué par une balle tirée par la police. Ce contexte marque le jeune Francis Le Blé et le pousse à adhérer à des mouvements proches de son éducation catholique : la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) et la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC). Son ascension syndicale, puisqu’il devient secrétaire de l’union locale CFTC en 1959, puis de l’union départementale en 1962, va de pair avec son évolution professionnelle. Grâce à « divers cours de formation professionnelle, d'échelon en échelon », il devient « chef de travaux à l'arsenal », après avoir été dessinateur.

Membre du courant Reconstruction, Francis Le Blé est favorable à la déconfessionnalisation de la CFTC. En 1964, il participe à la constitution de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) au sein de laquelle il occupe des responsabilités départementales de premier plan. Trois ans plus tard, en 1967, il devient également militant politique en adhérant à la Convention des institutions républicaines (CIR), tout jeune parti fondé par l’ancien ministre François Mitterrand. L’année suivante, Francis Le Blé est candidat aux élections législatives, sous la bannière de la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS), dans la première circonscription brestoise. Il n’obtient que 14.14% de voix, mais double presque le score réalisé un an plus tôt par cette même coalition de la gauche démocratique. 1969 marque son passage définitif du syndicalisme vers la politique, puisqu’il abandonne ses mandats à la CFDT et devient le secrétaire fédéral du  Nouveau Parti socialiste, fondé au congrès d’Alfortville. Candidat malheureux lors des élections législatives de 1973 – il est battu par l’UDR avec 47.79% des voix au second tour –, Francis Le Blé décroche son premier mandat électoral la même année en devenant conseiller général de Brest 2.

Pour les élections municipales de 1977, à Brest, l’ensemble de la gauche locale – du Parti socialiste au Parti communiste, en passant par l’Union démocratique bretonne – fait l’union derrière la liste Brest-Espoir conduite par Francis Le Blé. Il retrouve face à lui deux listes de droite conduites par Eugène Berest, maire sortant, et Georges Lombard, maire de 1971 à 1974. Le dimanche 13 mars, la liste d’union de la gauche est élue dès le premier tour. Le samedi suivant, Francis Le Blé est élu maire par le conseil municipal. Quelques mois plus tard, en 1978, il échoue une troisième fois lors de l’élection à la députation. Cette fois-ci de justesse, car il obtient un score de 49.61% au second tour.

Profession de foi pour les élections législatives de 1978 (détail). Archives du CEVIPOF.

Son décès brutal, le 23 juin 1982, brise l’élan d’une carrière politique qui, à l’instar d’Edmond Hervé à Rennes, aurait pu faire de Brest un bastion imprenable du socialisme. Cependant, c’est plutôt Pierre Maille, maire de 1989 à 2001 qui joue ce rôle de figure tutélaire du socialisme brestois. Francis Le Blé n’est, quant à lui, pas tombé dans les oubliettes de la mémoire brestoise. A la faveur de la rénovation du vieux stade de football de l’Armoricaine, en 1982, le nom du maire tout juste décédé est donné à cette enceinte sportive. Tout au long de la décennie 1980, le stade Francis-Le Blé devient l’antre des exploits des joueurs dus Brest Armorique.

Thomas PERRONO

 

 

1 INA – L’Ouest en mémoire. « Francis Le Blé, maire de Brest », FR3, 24/03/1977, en ligne.