La guerre du Vietnam : un conflit qui concerne aussi la Bretagne ?

Lorsqu’on évoque la guerre du Vietnam (1955-1975), impossible de ne pas songer à la vague antimilitariste qui s’abat sur les Etats-Unis. Le rejet du conflit par une partie de la jeunesse est resté célèbre grâce à de nombreuses chansons dont certaines sont passées à la postérité après avoir été jouées lors de l’emblématique festival de Woodstock en 1969. Evoquons seulement la reprise de l’hymne américain par Jimi Hendrix, ou encore le très fédérateur I Feel Like I'm Fixin' to Die Rag de Country Joe Mcdonald qui reçoit un véritable plébiscite de la part du public.

Scène de la guerre du Vietnam. Cliché de Gilles Caron publié en carte postale. Collection particulière.

Hors des Etats-Unis, la guerre du Vietnam est également vivement contestée. C’est particulièrement le cas en France. Et pour cause, le Vietnam est une ancienne possession française devenue indépendante à l’issue de la guerre d’Indochine (1946-1954). Mais – et peut-être surtout –, l’attitude américaine laisse perplexe de nombreux observateurs alors que, pendant plus d’une décennie, Washington ne s’est pas gêné pour condamner violemment la politique étrangère menée par Paris lors des guerres de décolonisation, ou lors de la crise de Suez en 1956.

Alors que le conflit s’enlise, les Français prennent progressivement conscience que la guerre du Vietnam peut devenir la leur. Le 20 septembre 1966, dans l’éditorial qu’il publie dans Ouest-France, Paul Hutin-Desgrées regrette pourtant que

« nous n’avons pas assez peur de la guerre. Nous disons : elle se fera loin de nous, contre d’autres que nous. »1

Oui mais voilà, le journaliste est persuadé que la prise de conscience est proche. Les actions humanitaires se développent en 1966 comme en témoigne l’action entreprise par l’archevêque de Rennes2. Surtout, en marge de l’ouverture de la 21e assemblée générale des Nations unies, deux appels pour la Paix viennent de recevoir une audience mondiale. Le premier est l’œuvre du secrétaire général de l’ONU, Maha Thray Sithu U Thant, le second est prononcé par le Pape Pie VI.

Manifestation pacifiste à Washington, 1971. Wikicommons.

Paul Hutin-Desgrées profite de ces deux appels pour rappeler aux lecteurs qu’en cas d’escalade des violences, la guerre ne se limiterait certainement pas « aux armes conventionnelles ». Selon lui, l’utilisation de l’arme nucléaire équivaudrait « aux coulées de lave qui feraient de cent mille cités des Pompéi ». En plein guerre froide, l’éditorialiste redoute en effet l’affrontement direct entre les alliés du Nord-Vietnam et ceux du Sud-Vietnam : les Etats-Unis contre les Chinois et les Soviétiques. La menace d’un conflit est alors perçue comme une réelle menace pour l’humanité. Or, cette « humanité c’est vous et moi, c’est le foyer qui est la raison de notre vie, c’est l’enfant que nous tenons dans nos bras, toute notre tendresse et toute notre espérance » affirme le patron de presse catholique. La guerre serait, en quelque sorte, l’affaire de tous. Ainsi, dix ans après la fin de la guerre d’Indochine, le Vietnam redevient soudainement un sujet de préoccupations pour les Français et les Bretons.

Yves-Marie EVANNO

 

1 « La mobilisation contre la guerre », Ouest-France, 20 septembre 1966, p. 1.

2 Ibid.