Xavier Grall, écrivain d’une Bretagne qui se lève

Le renouveau culturel breton des années 1970 permet l’apparition médiatique d’un certain nombre de personnalités. Si dans le domaine musical, on pense immédiatement à Glenmor et Alan Stivell ; la littérature n’est pas en reste avec notamment Pierre-Jakez Hélias et bien entendu Xavier Grall.  

Xavier Grall.

Né le 22 juin 1930 à Landivisiau (29), il est le neuvième d’une famille de dix enfants dont le père, tanneur, est proche du catholicisme social prôné par Le Sillon. A ce titre, le jeune Xavier Grall reçoit une éducation catholique au sein du collège du Kreisker de Saint-Pol-de-Léon. En 1950, il poursuit ses études à Paris au sein du Centre de formation des journalistes. Diplômé en 1952, il entre à la rédaction de l’hebdomadaire La Vie catholique illustrée, dirigé par le Nantais Georges Hourdin. Ses chroniques mordantes de la vie quotidienne sous titre « le billet d’Olivier » sont particulièrement remarquées. Son premier ouvrage, publié en 1958, est consacré à l’icône de l’Amérique rebelle du film La Fureur de vivre, James Dean, décédé trois ans auparavant à l’âge de 24 ans1.

Xavier Grall participe pendant quatre mois à la guerre d’Algérie au cours de l’année 1956. Là, il prend conscience d’appartenir à la « génération du Djebel ». Il en tire un livre d’enquête et de témoignages publié en 19622. Il y exprime son dégoût des méthodes de l’armée française : « Quand un peuple accepte tacitement que la torture soit employée pour réduire ses ennemis, ce peuple-là ne mérite pas de vivre ». Un rejet de cette guerre qui semble, curieusement, éveiller chez lui une conscience bretonne, celle-ci s’affirmant au cours des années 1960 : « Tu te découvres Breton comme il n'est pas permis de l'être. […] Tu te décolonises. Tu es Berbère, Kabyle, Breton ».

Par la plume, Xavier Grall devient un militant de la cause bretonne. Au tournant des années 1960-1970, il fonde, avec l’écrivain nationaliste Alain Guel et Glenmor, la maison d’édition Kelenn, ainsi qu’un journal intitulé La Nation bretonne. En 1973, il concrétise son retour sur sa terre natale en quittant la banlieue parisienne et Sarcelles, pour Pont-Aven et la ferme de Bossulan en Nizon, en compagnie de son épouse Françoise Jousse et de leurs cinq filles.

A gauche, Xavier Grall, ici en compagnie de Youenn Gwernig. Cliché exposé au printemps 2016 au Port-Musée de Douarnenez.

Au-delà de son œuvre littéraire et poétique étoffée, c’est Le cheval couché, publié en 1977, qui fait de Xavier Grall une figure médiatique d’une nouvelle bretonnité revendiquée. Cet ouvrage se veut être une réponse au « monument » de Pierre-Jakez Hélias Le cheval d’orgueil, publié deux ans auparavant. Le 8 juillet 1977, le plateau de l’émission télévisée littéraire Apostrophes devient une arène où s’affrontent les visions différentes de l’identité bretonne d’Hélias et de Grall. Bernard Pivot en est l’arbitre. De cet échange, on retient souvent les critiques acerbes de Xavier Grall sur le « passéisme » et le « folklorisme fossilisant » d’une « Bigoudénie » mise en scène par Hélias. Il avoue pourtant qu’ « il y a une partie que j'aime beaucoup, il y a toutes ces sociétés paysannes dotées d'une très grande noblesse, c'est admirable, que j'ai connu par ma mère en partie ». C’est donc l’utilisation politique contemporaine de la vision d’une société bretonne en pleine mutation qui divise les deux hommes : « Le combat politique pour la Bretagne, [Pierre-Jakez Hélias] ne l'a jamais mené et il ne le mène pas, il ne veut pas le mener parce qu'il ne croit plus, pratiquement, à l'avenir de la Bretagne ». Il reproche également « l’impact politique » du succès d’édition du Cheval d’orgueil, orchestré selon Grall par l’hebdomadaire « L'Express, qui est l'organe quand même de la bourgeoisie française ». Pierre-Jakez Hélias accuse, quant à lui, Xavier Grall de n’être qu’un militant intellectuel d’une cause bretonne coupée de la réalité, notamment sur la question de la langue : « la qualité de la langue bretonne est différente » depuis qu’elle est devenue celle « d’un mouvement d’étudiants ». Xavier Grall meurt le 11 décembre 1981 à Quimperlé, âgé de seulement 51 ans, des suites d’un cancer des poumons.

Thomas PERRONO

 

 

1 GRALL, Xavier, James Dean et notre jeunesse, Paris, Éditions du Cerf, 1958.

2 GRALL, Xavier, La Génération du djebel, Paris, Éditions du Cerf, 1962.