Alain de Rohan-Chabot : un monarchiste sur les bancs de l’Assemblée

Le 7 janvier 1914, L’Ouest-Eclair regrette la mort, la veille, de « l’une des plus grandes figures de la société parisienne et du monde conservateur »1. Le député Alain de Rohan-Chabot vient en effet de s’éteindre à l’âge de 69 ans. Si l’homme rencontre une certaine notoriété grâce au dynamique salon littéraire de sa femme Herminie, il est surtout connu pour avoir été, pendant près de 40 ans, l’un des plus farouches adversaires de la jeune IIIe République.

Carte postale. Collection particulière.

Alain de Rohan-Chabot naît à Paris le 1er décembre 1844. Il est issu d’une vieille famille de la noblesse bretonne qui possède notamment le château de Josselin dans le Morbihan. L’héritier du duché de Bretagne connaît ses premiers faits d’armes lors de la campagne de 1870-1871 en servant la France contre les Prussiens. Au sortir de la guerre, en 1872, il épouse Herminie de La Brousse de Verteillac2. Cette femme de lettres ne tarde pas à être reconnue dans le Tout-Paris en raison de la réputation de son salon où elle reçoit de nombreux jeunes auteurs. Elle s’essayera elle-même, quelques années plus tard, à l’écriture poétique.  

Mais Alain de Rohan-Chabot est surtout connu pour son long parcours politique qu’il entame par la plus petite des portes en devenant conseiller municipal de la modeste commune de Guillac dans le Morbihan. En 1876, sa carrière décolle lorsqu’il découvre les bancs de l’Assemblée nationale. L’expérience aurait pu tourner court en raison de la dynamique républicaine mais il est réélu facilement en 1877 dans le Morbihan. Chose exceptionnelle le duc du Rohan conserve ensuite son siège pendant 38 ans en remportant presque systématiquement les élections dès le premier tour ! Le canton de Ploërmel est en effet un fief électoral solide pour sa famille. A la mort de son père, Charles, il lui succède sans difficulté à la mairie de Josselin puis au Conseil général. Cet ancrage du duc de Rohan, en dépit de l’irrésistible ascension de la République en France comme en Bretagne, conduit André Siegfried à qualifier ce secteur du département comme étant un « fief royaliste non entamé »3.

Ses prises de position à l’Assemblée nationale ne sont donc pas surprenantes. Il condamne systématiquement les mesures proposées par ses adversaires républicains qu’il accuse d’être des « anticléricaux » et des « francs-maçons ». Il s’oppose ainsi la loi sur l'enseignement primaire, à la nouvelle loi militaire mais également à la politique coloniale de Jules Ferry…, dimension qui rappelle que la réalité historique n’est pas nécessairement polarisée de manière manichéenne mais se révèle être complexe.

Carte postale. Collection particulière.

A la fin de l’année 1913, Alain de Rohan-Chabot tombe malade lors des obsèques de son beau-frère, le duc de Caylus4. Affaibli, il affirme cependant sa volonté de livrer une nouvelle bataille électorale à l’occasion des législatives du printemps 1914. Lors de la publication de ses vœux à la presse, il déclare ainsi être prêt « à entrer en campagne » . Il n’en sera rien. Quelques jours plus tard, le 6 janvier 1914, il succombe à la surprise générale. Il laisse alors le fief politique familial à son fils Josselin. Ce dernier devient maire puis député avant de tomber sous les balles allemandes en 1916.

Yves-Marie EVANNO

 

1 « Mort du duc de Rohan », L’Ouest-Eclair, 7 janvier 1914, p. 1.

2 « Mort du duc de Rohan », Journal de Ploërmel, 11 janvier 1914, p. 1.

3 SIEGFRIED, André, Tableau politique de la France de l'Ouest, Paris, A. Colin, 1913, rééd. Paris, Imp. Nat., 1995, p. 177-178.

4 « Mort du duc de Rohan », Courrier breton, 11 janvier 1914, p. 1.

5 « Le duc de Rohan », Le Morbihannais, 9 janvier 1914, p. 1.