De la responsabilité des catastrophes naturelles en 1910

Les inondations font partie des catastrophes naturelles les plus dommageables. Inarrêtable, l'eau détruit les habitations, emporte tout sur son passage et surtout, peut entraîner la mort. Mais si ce phénomène est la conséquence d’un temps capricieux, il résulte également de l’action de l’homme sur son environnement : déforestation, urbanisme… Suite aux inondations de l'automne 2015 sur la Côte-d'Azur, de nombreux responsables politiques se sont ainsi insurgés, les uns contre Météo-France, les autres contre les élus et les promoteurs immobiliers. Si la recherche des responsabilités semble évidente, ce qui interpelle de nombreux observateurs, c'est la récupération de la catastrophe naturelle à des fins politiques et idéologiques. Or le procédé n'est pas nouveau, bien au contraire. C’est ainsi qu’un article de L’Action Républicaine du Morbihan publié le 18 février 1910 sous le titre « Bavardages après l’inondation » devient une tribune politique à l’encontre des « cléricaux » et des « réactionnaires »1.

Carte postale. Collection particulière.

L'article, signé par un certain J. Soleil, certainement un pseudonyme, évoque les inondations ayant touché Paris en janvier 1910 et souhaite revenir sur un certain nombre de propos tenant d’expliquer un tel événement. Et pour cause, l'auteur déplore les récentes allégations de la presse catholique à l'encontre du gouvernement républicain. Selon cette dernière, la France payerait en effet les lois sur la laïcité. Le journal national Le Gaulois évoque ainsi « le terrible avertissement que leur donne le Créateur de toute chose ». J. Soleil rétorque alors, non sans une certaine ironie, que Dieu, dans sa colère, n’a pourtant pas épargné les bâtiments religieux.

Le journaliste tourne également en dérision les propos de La Croix qu’il estime empreints de superstitions. Le grand quotidien catholique précise en effet que les eaux se sont mises à baisser au moment où l’archevêque de Paris a réuni les fidèles à la basilique de Montmartre pour « adresser des prières au ciel afin d’obtenir la cessation du fléau ». Là encore, l'argument ne tient pas pour l'auteur qui déplore ce type de rituels également utilisés lors des sécheresses, et qui fonctionnent en raison de la crédulité des fidèles :

« […] on organise des prières et des processions pour demander à Dieu quelques gouttes de pluie. Si la pluie vient, c’est aux prières qu’on le doit. Si elle ne vient pas encore, c’est que la colère céleste n’est pas apaisée ; on recommence huit jours après et c’est bien le diable si l’on ne finit pas par réussir. Comme c’est simple ! »

Sans surprise, l'auteur prend la défense des dirigeants politiques républicains qu’il juge compétents : « Fort heureusement, le gouvernement s’est préoccupé de trouver des moyens plus efficaces pour prévenir des désastres futurs ». Il prend ainsi l’exemple des mesures prises pour la construction de digues, de canalisations mais également en faveur du reboisement. Citant l’académicien André Theuriel, il insiste alors sur l’importance de la forêt qui est le « manteau de la Terre » puisqu’elle protège le sol contre les ravages de l’eau.

Carte postale. Collection particulière.

En 1910, les propos de monsieur Soleil ne présagent pas d'un nouveau procédé. Non, le temps qu'il fait est déjà sujet à de nombreux débats. Il est surtout un moyen de poursuivre l'âpre combat entre républicains et catholiques qui sévit depuis de nombreuses années.

Yves-Marie EVANNO

 

 

 

1 « Bavardages après l’inondation », L’Action Républicaine du Morbihan du Morbihan, 18 février 1910, p. 2