Mort sous les bombes : François Joly

Au matin du 8 mai 1944, quand le jour se lève, alors que partout en France et en Bretagne on se prépare au Jour J, le petit bourg de Bruz, commune située au Sud-Est de Rennes, ne peut que voir l’horreur : victime de deux vagues de bombardement, le village est dévasté. On ne compte plus les ruines calcinées, œuvres des bombes explosives, incendiaires ou encore au phosphore qui s’abattent sur la petite localité. Mais surtout, en ce matin du mai 1944, on relève de nombreux cadavres puisqu’au final 183 personnes perdent la vie dans ce bombardement.

Parmi les victimes, on trouve le docteur François Joly, Maire de Bruz et mort avec toute sa famille dans le bombardement. Né en 1872 à Plélan-le-Grand, commune d’Ille-et-Vilaine située en lisière du Morbihan, il est docteur en médecine avant d’être attrapé, très tôt, par le virus de la politique. C’est en effet en décembre 1919, alors que la paix n’est pas, du point de vue juridique, encore revenue, que le docteur Joly devient Maire de Bruz. Cette période de sa vie n’est pas très bien documentée mais on peut imaginer qu’il doit donner satisfaction dans ces fonctions puisqu’il est réélu sans interruption jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.

Sur le chantier d'un chemin rural, François Joly, Maire de Bruz, deuxième en partant de la gauche. Photographie publiée le 17 février 1932 par L'Ouest-Eclair. Archives Ouest-France.

Mieux, encore, François Joly se présente à d’autres scrutins et, notamment, à la députation, en 1932. Concourant sous l’étiquette des Républicains indépendants, contre le Cartel, il est donc considéré comme étant plutôt à droite, ce qui ne l’empêche pas de développer le cas échéant une réelle action sociale par l’intermédiaire d’une politique interventionniste. C’est ainsi par exemple que pour réduire les effets dramatiques du chômage, il décide à la fin de l’année 1931 d’une grande politique de construction de chemins ruraux sur sa commune de Bruz. C’est donc plutôt d’un homme de centre-droit qu’il s’agit ici et sans doute est-ce cette position modérée qui, d’ailleurs, lui permet d’être élu à la fin de l’année 1933 Président de l’Association des maires d’Ille-et-Vilaine, en remplacement de Léonce Demalvilain, décédé.

Candidat malheureux en 1932, il est vainqueur à contre-courant quatre ans plus tard. En effet, si dans la mémoire collective l’année 1936 est aujourd’hui associée au gouvernement de Léon Blum et, de manière générale, à une grande victoire de la gauche, c’est bien sous l’étiquette « républicaine et anti-front populaire » que le nouvel élu entre à l’Assemblée nationale. Face au socialiste Eugène Quessot, par ailleurs conseiller général et conseiller municipal de Rennes, il est élu avec le soutien sans faille de L’Ouest-Eclair qui ne cesse de dénoncer le « candidat révolutionnaire » opposé au « dévoué » docteur Joly.

A la sortie de l'assemblée générale de l'Association des maires d'Ille-et-Vilaine, Françis Joly est au centre. Photgraphie publiée le 26 janvier 1936 par L'Ouest-Eclair. Archives Ouest-France.

Homme d’ordre, François Joly fait campagne en 1936 contre « Blum et le drapeau rouge ». Est-ce cela qui, dans la tourmente de juillet 1940, le pousse à voter comme tant d’autres les pouvoirs constituants au maréchal Pétain ? Difficile à dire puisque le député – qui siège dans plusieurs commissions prestigieuses dont celle des finances et celle de l’hygiène et de la santé publique – se déclare par ailleurs favorable au scrutin proportionnel intégral, symbole même de ce parlementarisme exécré par Vichy.

En tout état de cause, maintenu dans ses fonctions de Maire de Bruz sous l’occupation, il semble peu à peu se retirer de la scène politique pour ne se consacrer qu’à ses administrés. Ce, jusqu’à la terrible nuit du 7 au 8 mai 1944 où comme tant d’autres habitants de Bruz, Jacques Joly perd la vie, avec sa famille, pendant cet effroyable bombardement.

Erwan LE GALL