Pépite rouge

Avec des films sur des sujets aussi variés qu’une épidémie de variole survenue dans le Morbihan dans les années 1950, le Front de libération de la Bretagne ou encore le rôle de la France dans la guerre des Malouines, la société rennaise Vivement Lundi ! s’est depuis longtemps taillé une solide réputation dans le domaine du documentaire historique. Et ce n’est certainement pas sa dernière production, intitulée L’Or rouge. La bataille du sang et consacrée à l’histoire de la transfusion sanguine, qui  va altérer cette notoriété tant ce film est une réussite.

Image exraite de L'Or rouge. La bataille du sang. Vivement Lundi!

Classiquement, le documentaire retrace les débuts de l’hématologie et revient sur le moment fondateur qu’est la Première Guerre mondiale puisque c’est sur ces champs de bataille, qui sont autant de terrains d’expérimentation à ciel ouvert, que se pratiquent les premières transfusions réellement scientifiques. Ce faisant se dévoilent deux caractéristiques essentielle de ce conflit. Celle qui, d’une part, rappelle que, malgré son bilan effroyable, la Grande Guerre est le premier conflit de l’histoire où l’on meurt plus de la guerre elle-même que des dramatiques conditions sanitaires en vigueur dans les armées. Celle enfin où émerge la réalité d’une armée contemporaine, c’est-à-dire où la logistique prend une part sans cesse plus importante. Et là encore il s’agit d’une tendance lourde que viendra amplement confirmer la Seconde Guerre mondiale, chapitre essentiel de ce documentaire.

Venant assurément combler un vide historiographique tant les travaux sur la question sont rare, L’Or rouge montre de nombreuses images de transfusions sanguines qui permettent de pénétrer le quotidien des ambulances pendant les deux conflits mondiaux ainsi que la guerre d’Espagne. On se doit d’ailleurs de souligner ici l’immense travail documentaire effectué par Mirabelle Fréville, partie fouiller dans de nombreux fonds d’archives en Europe mais aussi aux Etats-Unis.

Image exraite de L'Or rouge. La bataille du sang. Vivement Lundi!

Pour autant, se limiter à une histoire technique de la transfusion sanguine aurait été, d’une certaine manière, oublier une dimension essentielle de la question tant le sang est indissociable des représentations qui y sont associées. Et plus encore si l’on veut bien se rappeler que la période chronologique concernée est celle du XXe siècle. C’est d’ailleurs là tout le talent des auteurs de cet Or rouge que d’avoir aussi, dans le même film, produit une superbe œuvre d’histoire culturelle s’attachant à décrypter tous les freins opposés à ce fantastique progrès médical. On pense bien évidemment au nazisme mais aussi à des régimes plus libéraux comme les Etats-Unis où la question de la transfusion de la sanguine se trouve au cœur de la politique de ségrégation.

Mais, bien évidemment, porter cette question à l’écran n’est pas aussi aisé que de l’écrire sur une feuille de papier. L’on ne peut alors que saluer le remarquable travail de l’équipe de ce film puisque c’est au moyen de pièces d’archives extraites pour certaines de quelques-uns des plus grands classiques du cinéma que la démonstration est apportée au spectateur, amené du coup à se délecter d’images de Max Schreck, Humphrey Bogart ou de Bernard Blier. Un casting particulièrement impressionnant pour un film qui ne l’est pas moins.

Image exraite de L'Or rouge. La bataille du sang. Vivement Lundi!

En définitive,  Vivement Lundi ! produit avec cet excellent L’Or rouge. La bataille du sang un remarquable documentaire alliant à la perfection histoire des techniques et culturelle. On pourra seulement regretter que le propos du film soit si actuel et que le message tendant à rappeler qu’il n’existe qu’une seule et même race humaine soit, malheureusement, encore aussi nécessaire à rappeler. C’est d’ailleurs dans des moments tels que celui-ci qu’on se rappelle que, par bien des égards, faire de l’histoire est aussi un acte militant.

Erwan LE GALL