Arthur Bernède ou la « personnification de la littérature populaire »
Avec plus de 300 œuvres littéraires à son actif, Arthur Bernède est certainement l’un des écrivains bretons les plus prolifiques du XXe siècle. Or, si le père de Belphégor multiplie les succès de son vivant, il est aujourd’hui moins connu que bon nombre d’auteurs de son époque. La raison de ce relatif oubli vient peut-être du style du Redonnais, loin des standards « classiques » attendus par les critiques littéraires. En effet, comme l’avance Pierre-Jean Launay en 1937, le Breton devient, au fil des années, la « personnification de la littérature populaire »1.
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Carte postale promotionnelle pour le film Judex. Collection particulière. |
Arthur Bernède naît le 5 janvier 1871 à Redon, où son grand-père est, quelques années plus tôt, nommé procureur du roi Charles X2. En dépit des bouleversements politiques qui secouent la France au milieu du XIXe siècle, la famille décide de s’installer durablement en Ille-et-Vilaine. C’est là que le jeune Arthur obtient son baccalauréat. Une fois le précieux diplôme obtenu, il décide de partir tenter sa chance à Paris au début des années 1890. Aussi bon musicien qu’habile écrivain, il se forge rapidement une solide réputation dans les milieux littéraires, d’abord comme librettiste, puis comme auteur de pièces de théâtre. Au tournant du siècle, il décide de quitter son emploi à la préfecture de la Seine afin de se consacrer pleinement à l’écriture3. Désormais libre d’occuper comme il le souhaite l’intégralité de son temps, le Breton peaufine ses premiers romans. Mais surtout, il profite du développement du cinéma pour s’offrir une première expérience en tant que scénariste4.
Avec la Première Guerre mondiale, Arthur Bernède se lance dans une nouvelle expérience en offrant à la presse quotidienne ses talents littéraires. Lors des premiers mois du conflit, il rédige ainsi de nombreux éditoriaux – animés d’un « puissant souffle patriotique » – pour le quotidien rennais L’Ouest-Eclair5. Mais la Grande Guerre ne stoppe pas pour autant ses autres activités. Avec Louis Feuillade, il parvient notamment à achever, en 1916, le scénario du film Judex. Surfant sur ce succès populaire, il adapte, dès l’année suivante, en roman-feuilleton pour Le Petit Parisien les aventures du célèbre justicier.
Bien qu’elle soit définitivement lancée, sa carrière de romancier connaît un nouvel accélérateur dix ans plus tard avec la sortie de Belphégor. Là encore, il profite du double support offert par le cinéma et la presse afin de s’installer définitivement comme la figure incontournable de la littérature populaire de l’entre-deux-guerres. Au début des années 1930, il publie même jusqu’à une dizaine de romans par an.
C’est d’ailleurs à cette époque qu’Arthur Bernède entreprend de rénover la « vieille et dolente » Société des gens de Lettres afin de la sortir des « salons » et de « l’amener dans la vie quotidienne et difficile de ses membres »6. Malgré les violentes critiques qu’ils subissent, les proches qui acceptent de le suivre parviennent finalement à entrer au bureau du Comité en 1936. Néanmoins, le Breton doit décliner toute fonction dirigeante en raison de ses problèmes de santé. Un an plus tard, le 20 mars 1937, alors qu’il assiste à une réunion préparatoire à l’assemblée générale de la Société des gens de Lettres, il s’effondre subitement. Il vient d’être victime d’une crise cardiaque7. La France et la Bretagne viennent de perdre celui qui, « dans les feuilletons attendus d’un soir ou d’un matin à l’autre », tenait « si habillement en haleine » les lecteurs 8.
Yves-Marie EVANNO
1 LAUNAY, Pierre-Jean, « La mort d’Arthur Bernède », Paris-Soir, 21 mars 1937, p. 6.
2 « Que reste-t-il de la famille d’Arthur Bernède ? », Ouest-France, 11 août 2015, en ligne.
3 LAUNAY, Pierre-Jean, « La mort d’Arthur Bernède », Paris-Soir, 21 mars 1937, p. 6.
4 Il collabore en 1906 avec Louis Aubert sur les films Fleurs de Paris et Fille-Mère.
5 « Mort de M. Arthur Bernède », L’Ouest-Eclair, 21 mars 1937, p. 2.
6 LAUNAY, Pierre-Jean, « La mort d’Arthur Bernède », Paris-Soir, 21 mars 1937, p. 6.
7 BOURDON, Georges, « Ce que fut Georges Bernède », Paris-midi, 21 mars 1937, p. 2.
8 LAUNAY, Pierre-Jean, « La mort d’Arthur Bernède », Paris-Soir, 21 mars 1937, p. 6.
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